Question existentielle: Pourquoi se marie-t-on?

Je sais que la question a déjà été largement débattue et rebattue au cours des siècles et des siècles (amen) et je sais aussi que les réponses sont les mêmes jusqu’à aujourd’hui 19 septembre 2009: par amour, par conformisme, par intérêt ou pour s’émanciper, comme le dit si bien Angélique dans le Malade imaginaire (acte II, scène 6)

Chacun a son but en se mariant. Pour moi, qui ne veux un mari que pour l’aimer véritablement, et qui prétends en faire tout l’attachement de ma vie, je vous avoue que j’y cherche quelque précaution. Il y en a d’aucunes qui prennent des maris seulement pour se tirer de la contrainte de leurs parents, et se mettre en état de faire tout ce qu’elles voudront. Il y en a d’autres, Madame, qui font du mariage un commerce de pur intérêt; qui ne se marient que pour gagner des douaires; que pour s’enrichir par la mort de ceux qu’elles épousent, et courent sans scrupule de mari en mari, pour s’approprier leurs dépouilles. Ces personnes-là à la vérité n’y cherchent pas tant de façons, et regardent peu la personne.

Je repensais hier à cette question en tombant par hasard sur une fable de La Fontaine que je ne connaissais pas encore et qui reflète exactement ce qu’était ma façon de penser quand j’avais 18 ans. Ayant observé les couples autour de moi, entendu quelques témoignages de très vieilles dames, en visite chez ma grand-mère Adrienne, et beaucoup lu aussi, j’en étais arrivée à la conclusion « qu’il n’y a pas d’amour heureux » et que le mariage « est une loterie » si hasardeuse qu’il valait mieux ne pas s’y risquer.

Et pourtant, trois ans plus tard j’étais mariée: amour, conformisme et désir d’émancipation, aucune de ces trois raisons ne s’est révélée être bonne, même si notre mariage a tenu sans problème vingt-cinq ans.

Alors voici cette fable de La Fontaine; je me suis permis de mettre en gras le vers qui est à la base de ce billet Question existentielle, Pourquoi se marie-t-on? »:

Le mal marié (livre VII, fable II)

Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme ;
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme,
Assemblent l’un et l’autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J’ai vu beaucoup d’hymens; aucuns d’eux ne me tentent:
Cependant des humains presque les quatre parts
S’exposent hardiment au plus grand des hasards;
Les quatre parts aussi des humains se repentent.
J’en vais alléguer un qui, s’étant repenti,
Ne put trouver d’autre parti
Que de renvoyer son épouse,
Querelleuse, avare, et jalouse.
Rien ne la contentait, rien n’était comme il faut:
On se levait trop tard, on se couchait trop tôt;
Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose.
Les valets enrageaient, l’époux était à bout:
«Monsieur ne songe à rien, Monsieur dépense tout,
Monsieur court, Monsieur se repose.»
Elle en dit tant, que Monsieur, à la fin,
Lassé d’entendre un tel lutin,
Vous la renvoie à la campagne
Chez ses parents. La voilà donc compagne
De certains Philis qui gardent les dindons
Avec les gardeurs de cochons.
Au bout de quelque temps qu’on la crut adoucie,
Le mari la reprend. «Eh bien! qu’avez-vous fait?
Comment passiez-vous votre vie?
L’innocence des champs est-elle votre fait?
– Assez, dit-elle; mais ma peine
Était de voir les gens plus paresseux qu’ici:
Ils n’ont des troupeaux nul souci.
Je leur savais bien dire, et m’attirais la haine
De tous ces gens si peu soigneux.
– Eh! Madame, reprit son époux tout à l’heure,
Si votre esprit est si hargneux,
Que le monde qui ne demeure
Qu’un moment avec vous et ne revient qu’au soir,
Est déjà lassé de vous voir,
Que feront des valets qui toute la journée
Vous verront contre eux déchaînée?
Et que pourra faire un époux
Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous?
Retournez au village: adieu. Si de ma vie,
Je vous rappelle, et qu’il m’en prenne envie,
Puissé-je chez les morts avoir pour mes péchés
Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés!»

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