C comme Curvers (1)

– Je lis Tempo di Roma, d’Alexis Curvers, écrivais-je sur le blog de Margotte, il y aura bientôt un mois, en réponse à sa question hebdomadaire: « Et vous, que lisez-vous? »

– Je ne connais pas cet auteur, m’a répondu Margotte.

– Normal, lui ai-je dit, il est Belge Clin d'œil

Et pourtant, et pourtant… quel beau livre!

La première édition a paru chez Laffont en 1957. Depuis presque cinq ans, je cherchais ce titre et voilà que je l’ai enfin trouvé, ultime exemplaire dans les rayonnages de la belle librairie Tropismes à Bruxelles.

Tout est déjà dans les premières lignes: l’amour de l’Italie en général et de Rome en particulier, la belgitude et assez de tension entre ce qui est dit et non dit pour avoir une furieuse envie de lire la suite…

Voici l’incipit:

« D’une façon, j’aurais mieux fait de rester à Milan. Il est vrai qu’alors il serait arrivé d’autres choses: c’est ce qu’on oublie toujours. A Milan, je serais probablement en prison. Mais mon coeur ne serait pas mordu affreusement comme il l’est aujourd’hui.
On peut dire même, évidemment, que j’aurais mieux fait de rester dans mon pays, chez ma mère. Sans doute aurais-je fini par m’habituer à ce qu’on appelle la sagesse, aux fourneaux astiqués, aux pommes de terre frites et à la bière (…). A Milan, c’était bien: il y avait le soleil, la couleur, la beauté monumentale, des jardins arrangés en vue du plaisir, mais tout de même une espèce de sens pratique et des cabinets généralement propres. La police avait fort à faire (…)
J’avais été jeté là par hasard, par la guerre qui m’avait promené presque par toute l’Europe, tantôt prisonnier, tantôt volontaire, le plus souvent ne sachant au juste lequel des deux ni dans quel camp. Il ne m’échappait pas que les idées trop nettes émoussent l’instinct de conservation et sont une entrave pour la liberté. Mon indécision m’ayant porté bonheur, je cessai de rougir d’elle dès qu’elle eut découvert en Italie ses titres de noblesse en même temps que sa terre promise.« 

Alexis Curvers, Tempo di Roma, Labor littérature, Espace Nord, Luc Pire 2007, page 19-20

Le narrateur quitte donc Milan, assis à l’arrière de la motocyclette d’un certain Ambruccio qui l’emmène à Rome par maints détours. Ils arrivent ainsi un beau matin sur le Monte Mario:

« – Et qu’est-ce que c’est que ce patelin qu’on aperçoit dans le fond?
Il [Ambruccio] s’arrêta et, très grand seigneur, avec un geste de présentation, déclara:
– C’est Rome.« 
(page 47)

Comme il n’a pas de permis de séjour, il n’ose s’aventurer dans la ville et préfère attendre à la Porta del Popolo qu’une opportunité se présente. C’est sa connaissance de l’allemand qui lui offre son premier job: il fera le guide touristique pour un groupe de Suisses, découvrant ainsi Rome en bus en même temps qu’eux.

« Puis nous tournâmes autour d’une sorte d’immense terrain de football abandonné, dont il semblait que des spectateurs furieux eussent anéanti les tribunes et sauvagement piétiné la surface; après quoi la police en avait ordonné la fermeture définitive et l’herbe folle avait tout recouvert. C’était le Circo Massimo. » (p.73)

litterature,belgique,lecture

en 2009, ma première visite – et ma première photo – a été pour le forum…

19 commentaires sur « C comme Curvers (1) »

  1. bonjour mes matinales dames 🙂
    bien sûr que vous ne le connaissez pas, vous n’étiez même pas nées en 1957 (il a eu cete année-là un prix littéraire, faudrait que je vérifie lequel, et a été à ce moment-là un grand succès de librairie… en France, mais oui)
    merci à vous trois et bonne journée!

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  2. c’est une remontée dans le temps ; dans « mon » temps… j’ai lu Alexis Curvers, et j’ai aimé ce que j’ai lu… mais c’était quoi ?… c’était quoi ?…

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  3. merci Captaine! pour toi aussi 🙂
    (impossible de m’abonner à ton blog, c’est drôlement embêtant, je le regrette beaucoup)
    LOL Jaku! faut voir le bon côté de la chose: on relit mais c’est une découverte comme si c’était du neuf (ou presque)
    merci à toutes et bonne journée!

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  4. Walrus n’est tout de même pas sérieux… Comparer Alexis Cuvers à la marque Curver, voyons, voyons !!!
    Un « pape » des Lettres belges est mort le 21 décembre… Enfin, un pape, le conservateur du musée Lemonnier, le Président de l’Association des Ecrivains belges, président du Grenier Jane Tony, Emile Kesteman. Pas aussi célèbre que A.C. Mais bon, cela nous en fait déjà quelques-uns qui sont partis, Roger Foulon, Maud Frère (il y a longtemps), et certains sont même totalement oubliés. Surtout chez les poètes. j’ai lu – je ne sais où, qu’en Belgique, seuls Julos Beaucarne et Amélie Nothomb peuvent vivre de leur plume (ou plutôt des droits d’auteurs).
    Bon, je n’ai jamais lu Alexis cuvers – j’aime bien le style pourtant -de ce que tu nous présentes, mais pour le moment, je suis tout de même dans Maria Van Rysselberghe (« Je ne sais si nous avons dit d’impérissables choses ») et Zoum Walter… « Pour Sylvie ». Elles ont toutes un lien avec l’art -des écrivains, des peintres et des membres du « Bloomsbury Groupe » – enfin, pour Zoum Walter uniquement…
    Parce que quand même, il y a des Belges inconnus qui s’y connaissaient extraordinairement en littérature et culture française et anglaise… Je dirais même intimement. Quelle chance ils avaient !

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  5. merci Célestine 🙂 c’est un de mes endroits préférés
    oh dis donc Pivoine quel fleuve d’érudition!
    je ne connais quasiment aucun des noms que tu cites…
    merci à tous et bonne soirée!

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  6. euh… Jaku, je connais (et j’apprécie beaucoup!) Jean-Pierre Verheggen mais je ne comprends pas pourquoi tu le cites ici?
    faudra m’expliquer 😉
    merci à toi et bonne soirée, bonne nuit

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  7. La derniére guerre à jetté sur les routes toute une population qui se serait bien passée de ces vacances forçées. Mon Pére est parti ainsi en 40 depuis Charleroi jusque dans le sud de la France. Il fallait bien s arrétter et c est dans un petit village du coté d Agen qu il avait jetté son dévolu. A la Mairie, il fut acceuilli à bras ouvert, car ils manquaient de cultivateurs. On l a installé dans une ferme avec des chevaux et il devait faire le travail du mari prisonnier en Allemagne. La soupe était bonne, la paysanne avait l accent du pays…..
    Bonne soirée Adrienne
    Latil

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  8. Chère Adrienne, je suis tellement terre à terre que quand j’ai lu le titre de ton billet, je pensais qu’il s’agissait des boîtes de rangement CURVER (que je dois d’ailleurs encore acheter pour y ranger les boules de Noël du sapin que je vais défaire demain). J’imaginais que tu allais nous parler d’astuces de rangement 🙂

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