K comme kaatsing

Devant le grand portail de l’église, celui qui ne s’ouvre qu’aux mariages, aux enterrements et le premier dimanche de la kermesse d’été, il y a une placette. Elle n’est ni ronde, ni carrée, ni rectangulaire. La petite n’apprendra que dans deux ou trois ans que cette forme-là s’appelle un trapèze.

Quelques lignes blanches y sont peintes. Quand elle traverse la placette fermement maintenue par la main de sa grand-mère, la petite essaie toujours d’en suivre le tracé en sautillant.

Le plus souvent, on va vers la droite, pour rentrer directement à la maison. Grand-mère marche vite parce que la rue descend. Puis on remonte par la pâtisserie si c’est dimanche et qu’on doit encore passer prendre le millefeuille ou le saint-honoré chez Blanckaert.

Vers la gauche, la rue monte et grand-mère s’essouffle rapidement. On va rarement de ce côté. C’est là qu’il y a le centre ville, le marché, les commerces et les cafés. Grand-mère a toujours hâte de se retrouver chez elle. Et la petite aussi.

Le plus beau jour de l’année, c’est quand la petite tient la main de son papa. Ce jour-là, des hommes habillés de blanc occupent la placette. Ils se lancent une petite balle en faisant de grands gestes pour qu’elle aille le plus loin possible. Mais généralement quelqu’un la rattrape.

– Pourquoi ils ont seulement un gant ? demande la petite.

Papa ne répond pas. Il n’a même pas entendu la question. Tout autour du trapèze, des hommes crient « Quinze ». Papa discute en gesticulant. Il a oublié la petite.

Parfois personne ne réussit à rattraper la balle. La petite a peur qu’on ne la retrouve plus, comme quand petit frère envoie son ballon dans le jardin d’Oscar, le vieux monsieur d’à côté, celui qui raconte des histoires si terrifiantes sur le Peitie Baboe, ce monstre qui vient la nuit pour enlever les petits enfants. Même les enfants sages.

Puis la balle atterrit dans les pieds de la petite, qui s’en saisit vivement. Elle est dure, tendue de cuir blanc, et on peut y voir le gros fil avec lequel on l’a cousue.

– C’est une drôle de balle, dit la petite.

Mais déjà on la lui retire vivement des mains.

– Ça s’appelle une balle pelote, dit son papa.

***

Texte écrit à l’instigation de la bibliothèque de Leuze
qui lançait un atelier d’écriture sur le thème du jeu de paume.

11 commentaires sur « K comme kaatsing »

  1. merci gballand, merci Mme Chapeau
    Walrus, tu as décidé de m’apprendre un mot par jour? je finirai encyclopédiste 😉
    (pourquoi chasse? c’est quoi, balle au tamis?)
    merci Tania
    hé oui, Coumarine, et ce n’est pas la première fois, je suis allée à Bruxelles aussi, pour une semaine entière en été 🙂
    merci et bonne soirée à tous!

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  2. La chasse est un marqueur de l’endroit où la balle est sortie du terrain lorsqu’elle n’a pas donné lieu à un point (« quinze » car les points se comptent comme au tennis) direct.
    Lorsque deux chasses ont été posées, les équipes changent de côté du terrain et on joue les chasses.
    C’est expliqué ici :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Balle_pelote
    Quant à la balle au tamis, c’est une variante qui se joue avec une balle plus petite qu’on fait rebondir sur un petit tamis fixé sur un trépied au moment du service
    http://users.swing.be/sw123868/jeuxregle.htm

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  3. oulala Walrus, pas mon truc, tout ça 😉
    (c’est comme m’expliquer le hors-jeu ou le corner au foot… LOL)
    merci Marcelle!
    donc il habitait dans une région à balle pelote 🙂
    merci à tous, bonne fin de journée!

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  4. Quand j étais gamin, j avais regardé ce jeu avec intérêt. Et puis cette pelote qui volait comme une pierre d un bord à l autre du terrain, jusqu’à ce que ma petite soeur la reçoive sur la téte. Elle a du avoir mal la pauvre.
    Bonne soirée Latil

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