Ça fait bien cinq minutes que Pierre tripote sa clé de voiture, la tourne et la retourne entre paume et doigts, quand il se décide à ouvrir la bouche.
– Bon, ben, on y va. On se revoit dans une quinzaine de jours, comme on a dit. S’il y a un problème, tu téléphones, tu as l’adresse de l’hôtel! D’accord? Et n’oublie pas de fermer la lucarne quand tu sors !
– Oui, oui, ne vous inquiétez pas! Tout ira bien! Bonnes vacances! Bon voyage!
Une fois de plus, le cercle des amis et de la famille les a déclarés fous et inconscients. Quoi? Vous allez abandonner votre maison à un inconnu? à un nègre? Pierre n’en éprouve plus que de la lassitude. Marie le ressent comme une douleur et répond plus sèchement qu’il ne faudrait. Les gens croient sûrement bien faire.
Muanza se tient longuement devant la porte du garage ouvert, pour saluer le départ, jusqu’à ce que la voiture soit hors de sa vue. Dans la maison, il voit que Marie a oublié les livres qu’elle voulait emporter pour le voyage: Scholastique Mukasonga, Alain Mabanckou, Nafissatou Diallo, depuis que Muanza est arrivé dans leur vie, elle ne lit plus que des auteurs d’Afrique noire. Il se dit qu’elle a cette passion de la lecture comme d’autres celle du jeu. Sans doute qu’à Amiens, leur première étape, elle cherchera une librairie après leur visite à la cathédrale.
Il prend les livres un à un en souriant, regarde la photo sur la quatrième de couverture. Muanza n’est pas un homme de l’écrit. Il ne lit pas, écrit peu. Juste ce qu’il faut pour rassurer Rosemonde. Quant à elle, elle préfère lui envoyer des cassettes audio.
Il est à la fois amusé et fier de voir cette tête d’homme noir, de femme noire, sur un livre. Il se dit qu’il y a là une forme de pouvoir. Et d’immortalité. C’est comme pour les contes que sa mère connaissait. Peut-être que personne n’a encore eu l’idée de les mettre sur le papier? (1) Ce serait certainement plus original que ces histoires de vampires, d’anges et de démons que les élèves de Marie aiment tellement.
Le voilà seul et libre d’occuper son temps comme il le veut, et dès la première seconde il se demande ce qu’il en fera. Lui aussi a besoin d’oubli, de repos.
– Je pourrais commencer à écrire mes mémoires, rigole-t-il en reposant les ouvrages oubliés sur la table. Ou dormir jusqu’à midi et regarder la télé toute la nuit.
Le petit écran est vraiment devenu son péché mignon, surtout les matches de foot.
Sa mémoire a été si fortement sollicitée, ces derniers mois, au fil de tous ces entretiens et autres interviews, avec des interlocuteurs toujours prêts à tout mettre en doute et à le prendre en défaut, qu’il a l’impression que s’il se mettait devant une page blanche, son histoire coulerait comme une source de son stylobille. Mais ce serait probablement d’une telle longueur qu’il n’aura jamais sa photo au dos d’un livre.
(1) Lisez donc le conte « Les lianes », c’est ici : http://site.zep.vallons.free.fr/Ecoles/Perrin/contes/Afrique/af12.html
***
écrit pour les Plumes d’Asphodèle n°33
avec les mots imposés:
Vacances – scolastique – immortalité – seconde – mémoire – longueur – ange – douleur -oubli – repos – cercle – passion – péché – vampire – jour – cathédrale – lassitude – liane -lucarne.
« Le voilà seul »…
Espérons que rien ne vienne troubler cette brève période de solitude…
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ça dépendra des mots chez Asphodèle, Mme Chapeau, mais elle ne reprendra le jeu qu’en septembre
merci et bonne journée!
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Pratique ces prénoms africains…
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tu parles d’Asphodèle, Walrus ? 🙂
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Bonnes vacances à Muanza. Très beau texte sur les émotions de cet homme.
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merci Jacou 🙂
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Adrienne, je ne fais toujours pas le lien avec ton titre mais ce n’est pas grave, je suis lente en ce moment !!! Lol ! Un très beau chapitre où la lecture africaine est mise à l’honneur : j’avais beaucoup aimé Mémoires d’un porc-épic de Mabanckou et Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga m’attend quelque part dans une de mes vertigineuses piles ! C’est vrai aussi que l’Afrique est un continent de tradition orale, alors quand des écrivains prennent la plume, il faut lire et écouter ce qu’ils ont à dire, ce sont des histoire qui ont traversé des millénaires… Nafissatou Dialo est plus complexe… Muanza devrait commencer par Mabanckou (ce n’est que mon avis). Je vais suivre ton lien et aller lire le conte dont tu parles dès que j’ai un peu avancé la lecture des textes !!! Bises et bon mois d’août sans moi, ça va vous faire des vacances !!! 😀 (mais je passerai des têtes de temps à autre, tu penses bien^^)…
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bonjour Asphodèle!
Normalement chaque 2 du mois, c’est un billet A comme Adrienne et il y en avait déjà un de prévu 😉
Donc ce mois-ci c’est A comme Asphodèle, puisqu’il faut que la participation soit publiée le samedi (je me trompe?)
Moi aussi j’ai commencé par Mabanckou, tu as raison 😉
Merci et bonnes vacances à toi aussi, Muanza attendra 😉
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Nafissatou Diallo ? C’est un auteur de fiction ? Ou c’est elle qui a écrit le fameux « Journal d’une femme de chambre » ?
http://www.lejdd.fr/International/USA/Actualite/La-nouvelle-vie-de-la-femme-de-chambre-586992
Je suis perdu là !
Sinon, pour raconter la vie de Muanza, pourquoi ne pas engager un nègre ?
OK, je sors, je suis trop nul aujourd’hui !
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Au temps pour moi. Je suis allé voir Madame Béhèneffe, mon ancienne mère nourricière , et elle m’a appris l’existence de Diallo, Nafissatou Niang (1941-1982)
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Nafissatou Diallo est un auteur sénégalais, Joe Krapov, on peut lire ici des extraits de ses livres:
http://aflit.arts.uwa.edu.au/DialloNafissatou.html
bonne journée!
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en effet, elle est décédée en 82
(le temps de mettre un lien et de faire les chapcas, nos messages se sont superposés ;-))
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Je l’aime de plus en plus ce héros familier que tu nous décris de billet en billet…
Le livre de Mukasonga a un très joli titre et il paraît qu’il est très bien écrit.
J’aime beaucoup aussi le commentaire de Joe krapov.
Bisous célestes
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Je ne l’ai pas dit jeudi, mais moi, ce jour là, j’aimais beaucoup le commentaire de Joe Krapov…
Il disait beaucoup mieux que moi mon ressenti du jour…
Peut-on en conclure que les poètes à leurs heures écrivent mieux que les profs de math? Je pense que oui.
😉
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Moi aussi, j’espère qu’il pourra profiter de ce répit.
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Je lui souhaite bonne lecture et bonne écriture aussi.
Après tout, vu le nombre d’autobiographie à peine déguisée qui paraissent tous les ans (et paressent sur les rayons des librairies) pourquoi ne pas essayer ?
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merci Célestine, Sharon et Nunzi 🙂
(non Muanza n’écrira pas ses mémoires ;-))
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donc vous aussi, Mme Chapeau, vous pensez que trouver choquante cette phrase-ci (Il n’y avait qu’un enseignant pour pouvoir aussi pleinement faire abstraction d’un enfant) c’est de la susceptibilité?
bonne nuit à tous!
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La phrase de Cauvin est dérangeante car elle met tous les enseignants dans le même panier. Tous les enseignants ne sont pas comme il dit mais certains le sont…
Le nier ne sert à rien, je peux vous en présenter certains.
Passez un bon dimanche.
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Oh Adrienne j’ai un peu honte car vois-tu quand j’ai lu Nafissatou Diallo j’ai tout de suite pensé à l’affaire DSK sans penser une seule seconde à l’auteure ceci dit j’en ignorais même l’existence. Tu vois Adrienne j’en suis encore à penser que Châteaubriand n’est qu’un steak mdr!!!
Alors pour t’amuser un peu, voici deux petites blagues.
Un jour on a demandé à Johnny Halliday ce qu’il pensait de Toulouse Lautrec et il a répondu ceci : A que je crois qu’ils ont fait 2-0 hihi!!!
Et la suivante : Sais-tu ce que DSK a écrit en dessous de sa carte de félicitations lors du mariage de Kate et William? Il a écrit : Biz to Kate mdr!!!
Tu vois Adrienne je suis incorrigible, mais le rire est bon pour la santé parait-il bien plus que le travail 😉
Je te souhaite une bonne pause estivale.
Bisous
Domi.
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merci Domi 🙂
(pour ce qui est de DSK, aucune honte à avoir, l’érudit Joe Krapov a eu la même réaction 😉 pour moi par contre qui ne suis ni Française, ni en région francophone, cette affaire n’a pas fait la une pendant des siècles donc quand j’entends Nafitassou Diallo, je ne pense pas femme de chambre mais écrivain)
bonne soirée!
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