Sur quel blog était-ce, ou peut-être était-ce dans un de ces navets de comédie-romantique-américaine qu’elle regarde beaucoup ces temps-ci: un petit garçon avait un ami imaginaire.
Il lui parlait, il en parlait, il agissait comme s’il était toujours là, à côté de lui.
L’Adrienne s’est souvenue tout à coup d’Yves Sacaba. Son ami imaginaire quand elle avait quatre ou cinq ans.
– Et à l’école, demandaient les grandes personnes, tu as des amis?
– Oui, disait mini-Adrienne.
Mais jamais elle ne parlait du vrai, de celui qui s’appelait Xavier et suçait des stalactites de glace les jours de grand gel ou chapardait une pomme véreuse tombée dans le verger du couvent. Celui que mini-Adrienne admirait tant pour toutes ces audaces et qui la faisait rire avec ses pitreries.
– Et comment s’appellent-ils, tes amis? demandaient les grandes personnes.
– Yves! répondait mini-Adrienne.
Le choix de ce prénom, réflexion faite, devait lui venir de ce qu’on lui avait déjà dit tant de fois, que si elle avait été un fils, c’est ainsi qu’elle s’appellerait.
– Yves comment? demande la mère, déjà soupçonneuse.
– Yves Sacaba, dit la petite.
Sac + cabas, vous aurez deviné sans aide, gentils lecteurs.
***
Voilà, le plus dur était fait: il avait un prénom et un nom de famille. Après, il suffisait d’inventer ce qu’il avait dit ou fait.
Au début, la mère a poursuivi ses questions d’enquête.
– Yves, disait-elle, il ne s’appelle pas vraiment Sacaba, non?
– Si, si!
– Il ne s’appellerait pas Van Coppenolle?
Tous les patronymes des Yves et des Jean-Yves de sa connaissance y sont passés, un à un, au fil des jours. Mais chaque fois, mini-Adrienne confirmait:
– Non, pas Van Coppenolle! Il s’appelle Yves Sacaba!
***
A la même époque la petite avait aussi une institutrice imaginaire. L’institutrice idéale, pleine d’amour, de sagesse et d’équité. Mini-Adrienne l’appelait Mademoiselle Marie-Paule. Elle ne connaissait aucune Marie-Paule et sa famille non plus.
Parfois, quand la petite entamait le jeu des « Mademoiselle Marie-Paule a dit… », les grandes personnes essayaient de la prendre en défaut d’imagination.
– Et elle habite où, ta Mademoiselle Marie-Paule?
– Par là, faisait mini-Adrienne en tendant le bras vers le nord, là-bas en haut.
Parce que la route qui va au nord est en forte pente.
– Tu me montreras sa maison, la prochaine fois qu’on passe devant?
– Oui, oui, disait la petite.
Et elle n’oubliait pas d’indiquer un joli pavillon fleuri, sur sa droite, les rares fois où la voiture prenait la route vers le nord:
– C’est là qu’elle habite!
– Qui ça?
– Et bien! Mademoiselle Marie-Paule!
photo prise lors d’une visite du couvent
à côté de l’école:
il ne reste plus grand-chose
du verger d’autrefois
Mini Adrienne avait un jardin secret peuplé d’amis.
🙂
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Quel texte délicieux…
Les amis imaginaires sont souvent le fait des enfants seuls.
Mon fils ainé avant d’avoir une petite sœur, avait trois amis imaginaires, qu’il appelait Gâteau, Lolo et Saucisson (véridique!) ils ont disparu a la naissance de la petite, mais j’en garde un souvenir très net.
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un ami et une maîtresse (:-)), Mme Chapeau 🙂
c’est juste, Célestine, Yves Sacaba et mademoiselle Marie-Paule ont disparu à la naissance de mon petit frère (j’avais cinq ans)
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superbe
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merci Amandine 🙂
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J’ai oublié son nom, mais Louise quand elle était très jeune, emmenait partout un petit garçon qu’il ne fallait surtout pas oublier et qu’il fallait installer avec elle à l’arrière de la voiture et accrocher avec la ceinture de sécurité…
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ça, c’est comme dans le film que j’ai vu, Walrus 😉
(moi je me contentais d’en parler, et encore, très peu!)
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Oui, c’est un texte délicieux. Vivent les Yves Sacaba !
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Mais alors… L’Adrienne saurait « faire dans le genre « fiction » » ? 😉
LOL ! Bon week-end, Adrienne !
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merci Nuages 🙂
c’est vrai, Joe Krapov, il fut un temps où ça ne lui posait aucun problème 😉
elle racontait des histoires qu’elle inventait à son petit frère pour l’endormir (il aimait tout particulièrement celles avec les sorcières, dont elle devait contrefaire la voix terrible et chevrotante) et pour s’endormir elle-même elle se racontait des histoires de jeunes orphelines adoptées dans un château 🙂
(c’est fou comme la mémoire me revient, il suffit d’un fil ;-))
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Il ne te reste plus qu’à créer un Monsieur Adrienne imaginaire 🙂
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Alors plutôt que « Cher journal », c’était « cher Y » ou « chère MP » (si tu tenais un journal) ?
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Sacaba … il fallait y penser 🙂
Pas d’ami imaginaire pour moi, mais un loup noir ( j’ai toujours eu un faible pour les animaux noirs ) qui me suivait partout et qui n’attendait qu’un geste de ma part pour devenir féroce. Cette pensée suffisait à me donner du courage…
Je n’ai jamais osé en parler à personne bien entendu.
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mais je ne fais que ça, Betsy, toutes les nuits LOL
à 4 ou 5 ans, Tania, la seule chose que je savais écrire, c’était « confiture de fraises De Betuwe » et encore, il fallait que le pot se trouve sur la table 😉
oh très belle histoire de loup, May, il faut en faire un billet!!!
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comme tu parles bien de mini Adrienne et ses amis inventés plus vrais que les vrais, elle ne doit pas être loin cette petite fille
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j’ai l’impression, Emma, que l’âge n’y fait rien, et qu’elle est toujours moi, ou que moi je suis toujours elle, comme on veut 😉
(je comprends de mieux en mieux ce que ma grand-mère Adrienne voulait dire quand elle m’affirmait qu’au-dedans d’elle-même, elle était toujours pareille, elle ne vieillissait pas ;-))
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Quel beau texte!
Sacaba pourrait bien être aussi : se acaba abrégé….tout a une fin 🙂
Bon week-end Adrienne
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LOL Colo, je ne connaissais aucun mot espagnol à l’époque, pas même Olé! ni Adios amigos 😉
(les premiers que j’ai appris se trouvaient dans Tortillas pour les Dalton, quand Averell demande: Cuando se come aqui?)
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Ah! ce monde imaginaire… bien merveilleux.
De 5 ans à huit ans dans notre vieille maison de campagne y vivait tout
un monde miniature entre les poutres menant au second étage. J’y voyais parents et enfants y vivent tout comme chez-nous.
Quand je retourne dans cet imaginaire j’y ressens la magie de l’enfance.
C’est ce que ton texte a éveillé en moi.
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Vive l’imagination!
Quand j’étais enfant, mon amie imaginaire c’était Brigitte Bardot; je lui téléphonais tous les jours (avec un faux téléphone, enfin, un vieux poste qui ne marchait plus). Pourquoi elle? Je ne sais pas.
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Très belle, la photo du couvent, un beau lieu pour se promener… pour y être enfermée, moins 😉
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C’est étonnant, tous les souvenirs que tu as de ta toute petite enfance. J’en ai aussi quelques uns aux alentours de mes 5 ans mais ils sont assez flous.
Quant à la minI Adrienne et les histoires qu’elle se raconte, je les trouve adorables et très touchantes :o) !
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alors c’est bien, Maty, il me semble que ce sont des souvenirs heureux?
LOL BB était ta poupée Barbie grandeur nature, enriqueta? 🙂
je le pense aussi, Margotte, rien qu’à l’idée je deviens claustrophobe 😉
je ne sais pas moi-même comment ça m’est revenu en mémoire tout à coup, Loulou!
merci à tous et bonne nuit!
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Ah… l’éveil d’une romancières. On pourra écrire ça très prochainement dans ta biographie à la sortie de tes dix premiers romans. Tu dois bien en avoir dix, au moins, non, depuis le temps ?
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LOL gballand, tu dois me confondre avec Amélie, moi c’est Adrienne 😉
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