Vous qui ne venez pas ici pour la première fois, vous savez sans doute déjà que l’Adrienne fond pour ce blondinet qui lui a appris le français argotique.
Madame en abreuve d’ailleurs ses élèves, annonçant toujours la couleur: « Je sais que pour vous ce sont des vieux machins d’un vieux pépé, mais Madame au moins se fait plaisir ». C’est important, quand on est prof.
Mais jamais encore Madame n’a fait écouter « Mistral gagnant », une superbe chanson, cependant. Jusqu’à aujourd’hui, elle ne savait pas trop à quoi le titre faisait référence. Il faut dire qu’elle n’avait pas trop cherché non plus.
De plus, bonbecs, carambars, roudoudous, coco-boer, mint’hos, tout ça ne veut rien dire pour l’Adrienne, qui a été élevée sans sucre et dans un pays où les bonbons portaient d’autres noms que ceux-là. Par conséquent, ça veut encore moins dire aux élèves de Madame. Et chacun sait que ça enlève beaucoup de charme s’il faut tout expliquer de A à Z.
C’est tout à fait par hasard (et grâce à lectrice Lulu, merci Lulu!) que le mystère des « mistral gagnants » a enfin été éclairci:
Mistral gagnant: L’introduction au piano est magnifique, d’une nostalgie bouleversante. Par ailleurs, Renaud égrène, au long du texte, tous les bonbons de son enfance et les nôtres, avec mention spéciale pour les vrais roudoudous « qui nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents ». Mais des Mistral gagnants, il ne dit rien. Les deux mots suffisent pour ranimer un cérémonial singulier. Mistral gagnant: c’était Mistral perdant, le plus souvent, car on ne gagnait rien, une fois sur dix. La petite pochette allongée de papier blanc avait, tout en bas, au verso, un rabat qu’on soulevait dès l’objet acheté. « Gagnant », c’était un sachet gratuit en prime. Mais « perdant », au-delà de la petite résignation obligatoire passagère, c’était l’occasion de centrer son plaisir sur une réalité palpable, qui n’avait plus rien du miroir aux alouettes évoqué par le titre: dans Mistral gagnant, la moitié qui comptait, c’était Mistral. A preuve, on ne pouvait gagner qu’un autre Mistral – qui n’eût pas doublé le plaisir -, et c’est donc dans l’essence du Mistral que reposait l’espoir d’une satisfaction.
OK, tout ça est expliqué de façon fort compliquée, mais la suite est plus claire:
Une montagne stylisée sur le sachet (en orange, ou en vert? L’un et l’autre, peut-être) évoquait un contenu oxygéné, nordique et roboratif. On avait droit, pour le même prix, à un mince chalumeau de réglisse, destiné à aspirer la substance mystérieuse. Mais quelques irrépressibles mâchouillements avaient bien vite raison de cette pompe savoureuse que le fabricant vouait sans doute à une consommation post-mistralienne – en fait, on le mangeait toujours avant. Alors on tapotait avec d’infimes précautions le sachet incliné, et le Mistral déversait directement sa neige acidulée jusqu’au fond du gosier. Les lèvres et la langue essayaient en vain de maîtriser ce flot sucreux, piquant, qui faisait tousser avec une jubilation alpestre. On s’en mettait un peu partout, une bonne partie restait collée au tuyau de réglisse. Qui peut maîtriser le mistral?
Philippe Delerm, Dickens, barbe à papa, Folio 2005, pages 23-24.
Ce sont mes élèves qui m’ont fait découvrir Renaud.
😉
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Ton texte me fait le même effet que le goût de la madeleine sur Proust.
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Euh, je ne m’en souvenais pas, juste que c’étaient les bonbons de son enfance qui étaient repris dans la chanson… 🙂
J’espère que tu as pu te reposer un peu!
Biz,
lulu
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Je me souviens encore de la petite boutique à côté de mon école qui vendait ses bonbecs à l’unité et pour quelques centimes de francs 🙂
Cette chanson de Renaud est ma préférée !
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Fin des années quarante ou tout début des cinquante, il existait un truc équivalent en Belgique mais les sachets étaient rouges et le chalumeau était en papier et se bouchait rapidement parce que la salive agglomérait le sucre du mélange. Je ne me rappelle pas s’il donnait lieu à une loterie. Je sais qu’après, on trouvait une poudre similaire enfermée dans une coque en hostie.
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Bonjour,
Cela me fait penser aux sachets « surprise » qu’on achetait le dimanche matin. Il nous arrivait de les soupeser tous avant d’en choisir un ; ce qui énervait l’épicière, mais on s’en fichait, c’était du sérieux !
Bisous nostalgiques ♥♥
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Voilà qu’enfin de enfin je comprends un peu mieux les paroles, jusqu’ici assez mystérieuses de cette chanson que j’aime beaucoup! Merci!
Les bonbons ont des noms différents mais les goûts et façons de les manger restent…non?
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années 80, Mme Chapeau? années Laisse béton? 🙂
vous aussi, Chinou, génération 80? 🙂
la réponse est non, Lulu 😉
je peux le comprendre, Brigou, je la trouve très belle !
(j’ai écrit « superbe », c’est que je le pense :-))
ça existait « de mon temps » aussi, Walrus, années 60-70 🙂
je ne vois pas de quoi tu veux parler, Rafaël (mais comme j’ai dit, j’ai été élevée sans bonbons)
oui, Colo, une fois qu’on a les explications on sait que la même chose existait – ou à peu près – sous un autre nom 🙂
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J’aime bien les chansons de Renaud….chantées par d’autres que lui. Lui, je n’aime ni sa voix ni sa façon de chanter. Je n’aime pas et vraiment pas du tout. Pourtant ces chansons…
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ah bon, Berthoise? je déplore sa voix complètement cassée mais le Renaud jeune me va très bien 🙂
j’ai vu sur youtube une émission de télé française en hommage à Renaud, où plein d’artistes interprétaient un de ses succès, j’ai rarement été convaincue (mais c’est sans doute comme en musique classique, quand on est habitué à une interprétation on trouve celle d’un autre artiste trop ceci ou trop peu cela…)
en tout cas, je suis bien contente de te lire 🙂
bises et bonne soirée
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Début des années 80, mes enfants étaient petits, ils ne pouvaient pas m’informer mais mes élèves le pouvaient.
Le métier de prof n’a pas que des défauts.
😉
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Une enfance sans bonbons, non mais 😦 !
Nous on avait les sugus, les carambars, les « chouines-gommes » malabar, les « boules à cinq », et les tiki qui moussaient dans la bouche !
J’aime beaucoup Renaud, sa sensibilité. A une époque je connaissais toutes ses chansons par cœur !
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je ne suis pas de celles qui se plaignent de leur métier, Mme Chapeau 😉
les sugus, je connais, Loulou! mon frère a eu une époque sugus 😉
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J’aime bien Renaud (y compris en dehors du fait qu’il me rappelle le début de mes années collège ! )… L’été dernier, on l’écoutait en boucle dans la voiture avec les enfants ! Ils ont beaucoup apprécié le découvrir…
J’aime beaucoup la chanson Mistral Gagnant, dont la mélodie a tout d’une valse… Et les paroles me rappellent ces bonbons qu’on achetait à l’unité à la boulangerie, on passait un temps fou à choisir ! Il y avait encore des roudoudous mais les autres ne se faisaient déjà plus, je crois… (et les roudoudous, c’était le meilleur rapport temps de consommation/prix dans le choix proposé ! )
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je crois aussi que ces textes (et même cette musique, mais là c’est peut-être plus difficile d’emblée) peuvent séduire les jeunes aujourd’hui, en tout cas j’essaie, moi aussi 😉
et oui, souvenir d’enfance, le « magasin de bonbons » où ma meilleure amie soupesait longuement le rapport qualité-prix avant de dépenser son tout petit franc (belge, donc à peine quelques centimes en FRF)
merci, Ma’
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