T comme tirer sur la corde

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Si tu tires trop sur la corde, elle se rompt. Tout est affaire de mesure, d’équilibre, ni trop ni trop peu. 

C’est sans doute pour ça que le cappuccino a été inventé – tout son secret réside dans le bon dosage – et les bancs pour se reposer. 

A ce moment-là sur le quai désert apparaît un homme. Il est jeune, très grand, très maigre. Et très noir. 

– Vous n’auriez pas un euro pour manger? 

L’Adrienne a envie de le chasser comme une mouche importune. Un euro pour manger? Ça se mange, les euros? 

On croit être maître de ses pensées, or on ne l’est pas. Dans la tête de l’Adrienne passent en une fraction de secondes des images d’Afrique – où elle n’a jamais mis les pieds – de mère et de grand-mère là-bas qui espèrent que le gamin a traversé la mer sain et sauf et qu’il est arrivé au pays où coule le miel. 

– C’est vrai ce que vous dites, un euro pour manger? dit-elle à ce jeune homme, question plus idiote et plus maladroitement formulée encore, et sans aucune excuse de langue ou d’origine. 

Alors pour ce funambule coincé dans cette gare entre un avant et un après tout aussi incertains l’un que l’autre, elle vide son porte-monnaie. 

Ne lui faites pas compliment de sa générosité: il ne contenait presque rien. 

*** 

texte en retard pour le Défi du samedi

17 commentaires sur « T comme tirer sur la corde »

  1. On est si souvent sollicités que moi aussi je ferme coeur et oreilles par contre je dis non en souriant et en regardant, sauf si je sens une « mauvaiseté » dérangeante. Et puis comme toi, parfois, je ne sais ce qui passe ni pourquoi ça passe, j’agis. Je me dis que finalement me fier à cet instinct est la meilleure chose : il me trompe ou pas mais j’ai agi d’après sa volonté.
    Tu as bien fait, nous faisons bien. Quelque chose nous parle, et il n’est bon ni de toujours dire oui ni de toujours dire non : chaque rencontre et visage, histoires, sont autres et l’écho est donc autre pour nous aussi!

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  2. Si on ne peut pas lui faire un compliment pour sa générosité, peut-on lui en faire un pour son texte?
    Je ne possède qu’un porte-feuille, je devrais m’équiper d’un porte-monnaie. C’est moins dangereux à exhiber.
    :- /

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  3. je souris gentiment à ces abonné(es) à la mendicité qui ponctuent le trottoir du centre de Bruxelles, vieilles dames et bébés ou petits enfants éternellement endormis, mais ce jeune homme à la gare du Nord est un de ceux qui ont traversé dieu sait comment la Méditerranée, j’aurais aimé lui poser des tas de questions… 😉

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  4. c’est vrai qu’au moment de l’exhiber je me suis dit pauvre idiote, après la question idiote, le geste idiot… surtout sur un quai désert 🙂
    mais il est respectueusement resté à deux mètres de moi, il a fallu bien tendre le bras de part et d’autre pour donner et prendre 🙂

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  5. absolument! c’est une évolution qui me fait un peu par, malgré les arguments qu’on nous sert (soi-disant les trafics illégaux ne seront plus possibles)
    je résiste, je n’ai pas de smartphone 😉

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  6. De temps à autre j’ai rencontré, non pas un grand homme noir et maigre, mais un jeune asiatique, un autre vrai clochard, ou ce vieil arabe en haillons dehors par un froid de canard, alors j’ai donné. A d’autres, beaucoup d’autres je ne donne rien : un détail parfois me rebute, comme des chaussures trop neuves, un regard trop insolent. Les faux jouent bien la comédie, trop bien. Alors moi : l’indifférence.

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  7. Pas simple de savoir à qui donner ou pas. Il existe une rue dans ma ville où je me suis juré de ne jamais me faire arrêter que ce soit par un sondeur ou par un mendiant mais une fois un type était à genoux au milieu de cette rue pietonne avec une pancarte en carton « j’ai faim « …
    souvent je donne à celui qui ne demande rien ou aux familles que se préparent à dormir aux alentours de la gare.
    Parfois je pense à préparer qq pièces pour ceux que je vais croiser

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  8. Pas simple de savoir à qui donner ou pas. Il existe une rue dans ma ville où je me suis juré de ne jamais me faire arrêter que ce soit par un sondeur ou par un mendiant mais une fois un type était à genoux au milieu de cette rue pietonne avec une pancarte en carton « j’ai faim « …
    souvent je donne à celui qui ne demande rien ou aux familles que se préparent à dormir aux alentours de la gare.
    Parfois je pense à préparer qq pièces pour ceux que je vais croiser

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  9. Comme beaucoup de de commentateurs ici, J’ai parfois des pulsions de donner et parfois de ne pas donner. Pourquoi? Je n’en sais rien en fait…
    Bonne soirée à toi
    Mo

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