Dans la pièce sombre et fermée sur elle-même, hiver comme été, que ce soit pour se garder de la chaleur, du froid, ou de la pestilence du canal, Cecilia Maria est resplendissante de blondeur, de fraîcheur rose et bleue, au milieu des trois hommes qui assistent à sa leçon de chant.
L’oncle Gandolfo, toujours vêtu de noir de la tête aux pieds, se tient tout près d’elle, jusqu’à toucher la soie bruissante de sa jupe, frôler son bras ou sa main, toute son attention tendue vers elle. Il ne s’occupe pas de Padre Antonio, qui prise son tabac en les observant. De toute façon, le Padre ne dira rien. Le Padre sait quels intérêts sont en jeu.
Le maître de musique, debout derrière l’épinette, a les yeux baissés sur la partition qu’il tient en mains. Il n’est là que pour la forme. Mais peu lui importe, la contessa paie honorablement les leçons pour sa fille et la collation est de qualité.
Cecilia Maria chante une canzonetta d’amore tout en regardant son oncle, qui lui a promis un fiancé. Jeune et bien fait, lui a-t-il assuré. Bien mieux que celui que sa mère prétend lui faire épouser. Elle met tout son cœur dans son chant en pensant à un jeune homme qu’elle n’a même pas encore vu en portrait.
D’ailleurs, des hommes, Cecilia Maria ne sait rien de plus, ou presque, que ce qu’elle peut voir sur le tableau accroché derrière elle au mur du salon de musique.
A ses pieds, son petit chien s’impatiente. C’est l’heure de la collation, la servante a du retard.
Lui seul entend ses pas dans le couloir et sent les effluves du chocolat chaud et des gâteaux tièdes aux amandes et aux fruits confits.
***
Tableau de Pietro Longhi, La Lezione di musica, photographié à la Gemäldegalerie à Berlin en juillet 2018. Je n’ai parlé qu’une fois de ce peintre, après une visite du musée de Venise (Ca’Rezzonico) où se trouvent plusieurs de ses oeuvres intimistes, que j’aime beaucoup.
Texte écrit d’après les consignes de Caro qui voulait un tableau, des couleurs et les cinq sens. Merci Caro!
Si l’oncle pouvait toucher uniquement à cause de la consigne de Caro, je me sentirais rassurée.
😉
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nous n’aimons pas ce genre d’oncle, mais voyez le tableau, ce regard de l’homme et toute la position de son corps… je lui ai juste donné le titre d’oncle parce que c’est un moyen facile d’expliquer sa présence près de la jeune fille et leur très grande différence d’âge…
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Ce tableau t’a bien inspirée.
On ne peut s’empêcher de penser à la souffrance qui sera celle de Cecilia quand elle passera du rêve à la réalité…
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oui, j’ai ça avec tous les tableaux que je regarde, quelle vie ont eue ces gens? quels bonheurs et malheurs ont-ils connus?
(c’est sans doute pour ça que ça me prend des heures, visiter un musée ;-))
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Je ne suis pas sûre que le Padre Antonio ne reluque pas plutôt le décolleté de la belle….
Joli texte où le mini chien tient une place de choix.
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tu as raison pour le Padre, mais j’ai barré cette phrase et remplacé par « en les observant », je ne voulais pas surcharger… ton œil sagace a vu ce qu’il fallait voir 😉
et oui, il fallait donner un rôle au chien, sinon que fait-il là? 🙂
bises, bonne journée!
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Trop fraiche pour ces trois baveux… Mais oui, la vie était ainsi. J’ose espérer que l’odeur du chocolat chaud couvrira avantageusement celle de l’haleine de l’oncle qui doit avoir les dents gâtées – celles qui restent. Et des remontées d’ail… Pauvre Cecilia Maria 🙂
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je crains qu’il n’en ait plus beaucoup, à voir le pli de sa bouche et la forme de son sourire 😉
vive le chocolat!
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Toute une histoire avec les cinq sens en éveil à la seule vue d’un tableau! Tu es vraiment douée…
Bonne soirée,
Mo
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c’est le genre de tableau qui me parle 😉
merci Leodamgan, bonne soirée!
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Finement observé comme toujours (surtout pour le chien qui a une horloge dans l’estomac, je connais !)
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les chiens n’ont pas besoin de montre pour savoir l’heure, même sans qu’il soit question de bouffe 😉
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