Question existentielle

18-08-17 (14)

Chez mémé Jeanne, au menu, il y a du poisson. Du vrai poisson frais, pas du rafraîchi dans de la glace pilée depuis trois jours, comme celui que mangent ces malheureux à l’intérieur du pays. La belle sole pêchée dans la nuit et qui se recourbe dans la poêle comme si elle était encore vivante. Celle qui a ce vrai parfum de frais et de grand large au lieu de ces odeurs indéfinissables qui donneraient la nausée à une femme enceinte.

Dans la demi-obscurité de la vieille grange qui lui sert de débarras et d’endroit tranquille où se retirer, le grand-père est au travail entre une lessiveuse rouillée (« on ne sait jamais à quoi ça peut encore être utile ») et des caisses de bouteilles vides. Dans un coin traîne un tableau piqué de coléoptères, datant de l’enfance de Pierre, qui a collectionné tout ce qui pouvait l’être. Il y avait encore des scarabées et des hannetons dans les haies, à cette époque.

Ça sent la colle à bois, la sciure, et la bergamote de son après-rasage. Il est en train de cintrer précautionneusement une tige de métal engagée dans un étau. Pour grand-père, il est hors de question qu’un des arcs de sa future ‘couche froide’ n’ait pas exactement la même courbure que les autres.

Sûrement, se dit Marie en l’observant, que sur ses bulletins d’écolier de sept ans l’instituteur avait déjà marqué « élève consciencieux ».

***

Texte écrit pour 13 à la douzaine avec les mots imposés suivants: 1  poisson 2  colle 3 cintrer 4 lessiveuse 5 parfum 6 sciure 7 coléoptère 8 rafraîchir 9 bergamote 10 enceinte 11 engagé 12 bulletin et le 13e pour le thème : obscurité

23 commentaires sur « Question existentielle »

  1. Le grand-père de ton récit ressemble étrangement à… Jipi ! Il adore bricoler, a de la patience et de la persévérance et est très méticuleux.

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  2. « de ces odeurs indéfinissables qui donneraient la nausée à une femme enceinte. »
    Près de chez moi, il y a deux poissonneries pleines de ces odeurs indéfinissables qui donneraient la nausée à un homme pas enceint…
    Mais il y en a une troisième qui sent la mer, pas le poisson.
    Mais surtout, admiratif du travail bien fait par le grand-père, je me demande ce qu’est « une couche froide ».
    Ça me turlupine, cette « couche froide ».

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  3. Je n’ai jamais mangé d’aussi bon poisson qu’en bord de mer, et je vais même aller plus loin, en bord d’Atlantique, où je fais une véritable cure. Un jour sans pêche était jour de pénitence.

    Pour la couche froide, on l’appelait dans notre jardin, une couche tt simplement. Recouverte de châssis en bois et de maillage très fin, elle servait aux cultures de salades par exemple. Ma mère les démarriait et nous faisait une salade de « volante ».

    Hé bé, voilà que ton devoir me ramène bien loin en vacances, et en jeunesse. Super.

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    1. la couche froide permet de protéger les jeunes semis au printemps et les dernières plantations d’automne, la couche chaude est plus comme une serre (chaude) et permet de cultiver hors saison.
      Contente d’avoir eu cet effet positif avec on texte 🙂

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