F comme Flaubert

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C’était une de ces choses d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du jupon grand siècle, des falbalas de velours et de soie, de la montgolfière et des vieux rideaux défraîchis, une de ces lampes en pied dont la laideur muette est le meilleur des émétiques. Large, haute et renflée de baleines, elle commençait par un boudin circulaire; puis s’alternaient, séparées par des cordons dorés, des bandes de velours grenat et de soie vieux rose imprimée de motifs beige et bruns; venait ensuite une façon de couronne, le tout reposant sur des pieds en ferronnerie verdâtre tarabiscotée avec à mi-hauteur une table ronde en verre gravé de fleurs et d’arabesques, où pendait le fil avec l’interrupteur et la prise électrique.

La chose trônait bien en vue entre un faux canapé Chesterfield et un fauteuil plus récent, évoquant vaguement un transatlantique.

Le visiteur qui entrait pour la première fois dans le salon en recevait comme un coup de poing entre les deux yeux.

***

Ecrit pour l’agenda ironique de mars d’après la consigne suivante:

Le thème : Lampadaire – composer un texte (prose ou poésie – long ou court) sur cet « objet » urbain (ou pas) dans le genre qu’il vous plaira (fantastique, utopique, commun, journalier, romantique, animalier … ou même un lampadaire perdu sur la planète Mars)

Et pour « faire » bonne mesure, quatre mots imposés :
– Chesterfield
– Émétique
– Atlantique
– Évocateur

(vous pouvez les placer dans le désordre ou l’ordre et même en faire des anagrammes ou les triturer selon votre bon vouloir).

***

Les lecteurs reconnaîtront sans doute l’incipit de Madame Bovary, avec la description de la casquette du pauvre Charles – source de la photo ici.

57 commentaires sur « F comme Flaubert »

  1. Bon jour,
    Tout à fait inattendue 🙂 Et j’aime.
    Je reconnais humblement ne pas avoir reconnu la « patte » de Flaubert mais j’avais cette vague et lointaine impression de … Balzac.
    Max-Louis

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      1. Ah les cadeaux de mariage ! Avant l’époque des « listes » disséminées un peu partout, ils avaient quelquefois un petit relent de vengeance 🙂

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      1. sur la photo que j’ai mise, c’est un pied de lampe du même genre qui a été reconverti en porte-journaux, donc il n’allume plus rien, en effet 🙂

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  2. Boudiou ! de ma longue vie je n’ai vu pareil objet !!! quelques petits frères moins tarabiscotés peut-être ! mais comme je raye de ma mémoire tout ce qui l’offense….
    Ta description est « vivante ».

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  3. Sérieusement, ils le vendent, ça ?
    A propos de Flaubert, je vois bien le marchand de ce genre de chose.
    Comme il le dit justement dans « Madame Bovary », je vois bien marchand avec « cette admirable nature de charlatan où il y avait du coiffeur et du toréador »… 😉

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    1. mais oui, tu me rappelles un objet très laid que ma grand-mère chérissait, trois « pommes » en céramique, avec une fente comme pour une tirelire, et dans lesquelles il y avait une petite pièce de monnaie que son amie la plus chère y avait déposée… et qui était morte à 20 ans.

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  4. Bravo pour votre description, en espérant que le genre tarabiscoté aimé par votre mère n’a aucun effet émétique sur vous.
    😉

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  5. Le plaisir de l’agenda ironique c’est de découvrir d’une part le style Flaubert et d’autre part la photo d’un lampadaire si peu apprécié… pas même en lumière.
    L’avenir nous dira peut-être si d’ici quelques années il ne finira pas vintage chez les petits-enfants 🙂

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