L’avocat ouvrit une porte. La referma. En ouvrit une autre. Réajusta nerveusement ses manches, son col. S’était-il trompé de jour? Il alla au greffe et fit appeler Thérèse. Puisque son père était en ville avec sa conduite intérieure, autant en profiter. Par bonheur, la standardiste put la joindre chez elle. Elle serait là dans une vingtaine de minutes.
Cette odeur de cuir moisi des anciennes voitures, Thérèse l’aime… Elle espère que son père gardera encore longtemps sa belle Panhard d’avant-guerre, elle y est attachée. Profitant du chauffeur, elle se laisse aller sur la banquette, caresse le vieux cuir des deux mains et soupire d’aise. C’est décidé, elle rentrerait à Argelouse par ce moyen au lieu de prendre le train, comme d’habitude.
Argelouse est réellement une extrémité de la terre. Un clocher, quelques maisons autour d’une placette, deux ou trois petits commerces, une route à peine carrossable. Au-delà il n’y a plus que rochers et bosquets, collines pierreuses uniquement accessibles aux chèvres. C’est là, dans cette petite église de Saint-Clair, qu’elle s’est mariée. Par une chaude journée de juillet.
Le jour étouffant des noces, dans l’étroite église de Saint-Clair où le caquetage des dames couvrait l’harmonium à bout de souffle et où leurs odeurs triomphaient de l’encens, ce fut ce jour-là que Thérèse se sentit perdue. A quoi s’engageait-elle, elle la Parisienne friande des grands boulevards et des soirées à l’opéra? Qu’est-ce qui lui avait pris de dire oui à ce petit avocat rencontré à Deauville? Certes, il était ‘de bonne famille’ mais fallait-il pour cela qu’elle aille s’enterrer avec lui dans cette immense propriété familiale, au bout du monde?
***
Ecrit d’après cette consigne de Joe Krapov, que je remercie, avec les incipits des quatre premiers chapitres d’un livre de Mauriac, que vous aurez sûrement reconnu si à vous aussi on vous l’a donné un jour en ‘lecture imposée’ 🙂
Le questionnement de Thérèse rejoint celui du billet précédent même si son mariage avait l’apparence de la raison. Raison ou coup de folie, « on ne le sait que quand tout est consommé ».
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c’est vrai, mais c’était forcé d’aller sur cette piste, à cause de la phrase imposée (j’ai juste décidé d’en faire une fille de la grande ville et de faire de son mari un petit avocat de province ;-))
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Dans les romans, certains osent dire « non » le jour J. Je me demande si ça arrive aussi dans la vraie vie.
😉
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très juste -) je me suis souvent posé la question en le voyant dans un film, pourquoi avoir attendu d’être en grand tralala devant l’autel…
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ça arrive : pas tout à fait devant l’autel, mais peu de temps avant, j’en ai été témoin
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oui, rompre des fiançailles, ça s’est vu, mais dire non au moment de dire oui, je me demande 😉
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C’est étrange, je ne me rappelle pas avoir eu la moindre obligation de lecture au cours de mes études secondaires. Par contre, le prof de français de mon institut de chimie nous a obligés à lire Les Thibault de Roger Martin du Gard. Bizarre.
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je dirais même plus: bizarre!
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Si ça ce n’est pas une affaire qui marche, je veux bien qu’on m’appelle Hubert Haddad !
J’y jouerais bien volontiers moi aussi mais… j’ai trop de boulot ! Le mardi je bosse pour une chorale et un atelier et il faut aussi que je devienne xénophobe pour le Défi du samedi ! Dur dur ! 😉
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tu n’as pas sept jours dans ta semaine? 😉
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Bien sûr, on reconnaît Thérèse et ce beau nom d’Argelouse… Lecture imposée en classe de rhéto, un grand souvenir.
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on s’en voulait d’éprouver de la sympathie pour une femme qui avait essayé d’empoisonner son mari 😉
pas toi?
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Sympathie, peut-être pas, compréhension certainement – son mari était si désagréable. Et j’avais vite cherché « La fin de la nuit » !
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oui se laisser mourir de faim n’est pas vraiment une solution 😉
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Un roman très étouffant…Je viens de faire un bond de quarante ans en arrière !
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
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j’essaie de le rendre moins étouffant mais évidemment, les phrases imposées laissent peu de liberté: elle se marie sous une forme de contrainte…
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Ça n’a jamais été dans mes lectures imposées, sauf par moi-même et quand on parlait du tournage du film (le premier, avec Emmanuelle Riva (dont on ne parle plus du tout et pourtant).
Ton texte reflète assez bien l’atmosphère oppressante de ce livre… Mais bon, Mauriac n’a jamais été réputé pour sa folle gaîté !!!
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un coup d’oeil aux photos le représentant suffit à s’en convaincre 😉
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Hélas oui, imposé au mauvais moment de la mauvaise manière par la mauvaise personne. Je n’ai jamais plus lu Mauriac depuis …
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je lui ai donné une seconde chance avec le Mystère Frontenac (mais j’avais 18 ans et depuis je n’ai plus rien lu d’autre)
j’ai relu Thérèse, deux fois même, espérant qu’une relecture à l’âge adulte apporterait de nouveaux éclairages… mais non
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Et donc, tes élèves y ont échappé ? À moins qu’ils ne soient pas encore à ce niveau en FLE ?
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oula! non! je ne leur fais pas lire un livre que je n’aime pas! je leur fais lire l’Etranger, ou le Colonel Chabert, ou des nouvelles de Maupassant, Colette, Grimbert, Michel Quint (la liste est longue, mais uniquement des livres que j’aime)
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Mais pourquoi ne s’est-elle pas tirée en courant ?
Ça se fait couramment, regarde les comptables, ils font ça assez souvent avec la caisse de l’entreprise… 😉
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parce qu’elle a déjà dit oui et qu’il lui a enfilé une bague? que le repas de noce est en train de cuire? que le voyage est réglé? le nid meublé? les cadeaux amassés?
ce ne sont pas les mauvaises raisons qui manquent 😉
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Bon, en même temps, Mauriac fut élevé par une mère très « branchée église »…
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je sais, mais souvent ce genre d’éducation a un effet exactement opposé 😉
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A qui le dis tu.
Comme lui je suis allé chez ces Frères là.
Bon, je suis moins célèbre et j’écris beaucoup moins bien 😉
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J’aime Mauriac qui méritait si bien le sobriquet de « vipère de bénitier » que lui accolaient les mauvaises langues
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je pense que sa famille et lui-même devaient être un sacré nœud de vipères 😉
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J’ai lu Thérèse D. sans que ce soit imposé le moins du monde mais j’avoue à ma grande honte que j’ai tout oublié du contenu à présent…
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vraiment tout? le procès, le retour, les flash-backs?
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Oui, j’ai eu Thérèse Desqueyroux en lecture imposée il y a fort longtemps.
Et pour un travail sur Mauriac, imposé lui aussi, j’avais lu encore Le nœud de vipère et Le sagouin.
J’en garde le souvenir de climats oppressants, de personnages durs, malheureux.
Dans ma tête d’adolescente, les mariages aussi tristes étaient du passé et sûrement ne devaient plus exister…
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c’est ça 🙂 et que les mariages de convenance, ça n’existait plus (jusqu’au jour où un ami tombe amoureux d’une fille que ses parents ne trouvent « pas assez bien » pour lui, qu’il en épouse une autre, convenant à sa maman… mais pas à lui)
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