Elle s’est installée dans la pièce qui lui est réservée pour ses travaux de couture.
Là, personne ne vient la déranger.
Sur ses genoux, elle a posé la souple mallette en tissu à carreaux, une sorte de grande sacoche avec une longue lanière. C’est là-dedans qu’elle conserve ses lettres.
Chaque lettre est encore dans son enveloppe d’origine. Certaines sont de ce léger papier bleuté avec les bords tricolores: elles ont voyagé en avion.
Elle non. Jamais elle n’a pris l’avion.
Elle aurait bien aimé, pourtant. Voyager.
Mais pour Félix, son mari, il n’est pas question de quitter la maison.
Félix et son jardin potager.
Félix et son pigeonnier avec ses bêtes à concours.
Félix et ses amis qui attendent fébrilement le lâcher de pigeons à Lens.
Alors quand l’envie d’ailleurs devient trop forte, elle se retire dans cette pièce.
Avec ses travaux de couture.
Et la sacoche aux lettres.
Elle a toujours ce doux sourire en les relisant.
***
Je suis prête.
J’ai fait ma mise en plis. J’ai mis mon joli collier. Ma montre en or. Ma robe en soie. Mon rouge à lèvres.
Je suis prête.
Je rassemble les lettres, les photos qu’il m’a envoyées de là-bas.
Il est toujours aussi grand et mince, aussi beau dans son long tablier blanc, les bras fièrement croisés, devant l’entrée de sa boucherie.
Il m’attend et moi je n’attends plus.
J’y vais.
Félix a eu un bel enterrement.
Personne ne s’est douté de rien.
***
merci à Joe Krapov pour ses consignes:
Les Inconnus sur la photo
Que faire des photos ratées ? Des photos sur lesquelles vous ne reconnaissez personne ? Deux solutions : soit les mettre à la poubelle, soit les donner à un atelier d’écriture avec la consigne suivante :
Vous choisissez une personne sur une des photos ci-dessous. Vous parlez d’elle « de l’extérieur » en utilisant le pronom « il » ou « elle » pour parler d’elle et raconter où elle se trouve, à quelle époque, et pourquoi elle figure sur la photo.
Puis vous reprenez votre texte et vous le réécrivez une seconde fois « de l’intérieur », à la place de la personne, en disant « je ».
Ce Félix, quel pigeon ! 🙂
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c’était prédestiné 😉
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Quelle coquine, cette Adrienne! 🙂
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oh ici c’est fiction pure, l’Adrienne se promène avec double cuirasse depuis treize ans!
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Je ne parlais pas de votre « real life », je parlais de votre imagination.
😉
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l’imagination sera notre dernier espace de liberté 😉
(jusqu’à l’invention de l’électrode-lecteur-de-pensée, of course)
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Une deuxième vie commence pour elle 🙂
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exactement 🙂
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J’adore la chute de la partie « je ». Serais-tu un peu meurtrière ?
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un de nos « bekende vlamingen » plaideur en assises prétend que potentiellement nous le sommes tous (et lors du pas très propre divorce, j’ai fini par le croire ;-)))))
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Cette nouvelle tranche de vie me ramène à un roman lu il y a quelques mois. Bajo los tilos, de María José Moreno.
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ah je ne connais pas du tout, faudra que je fasse une recherche!
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En gros: une femme enterre sa mère, décédée pendant un voyage à New York. Peu à peu, elle découvre les secrets de sa vie, de sa famille …
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oui merci, j’ai trouvé un résumé ici
http://librosquehayqueleer-laky.blogspot.com/2014/03/bajo-los-tilos-maria-jose-moreno.html
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Double ration, double bonheur, cette semaine ! !
Grand merci !
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merci à toi, Joe Krapov! j’adore imaginer d’après photo 🙂
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Une évocation toute en nuances dans un texte qui s’achève bien trop vite!
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merci Mo!
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Le meurtre était presque parfait, tu sais bien la petite erreur, qui permettra d’arrêter la meurtrière.
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le paquet de mort-aux-rats pas tout à fait vide qu’on trouvera dans sa poubelle?
😉
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Il attend encore !?!?!?
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on peut imaginer toute une vie qu’il a eue entre-temps!
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Un bel exercice de style !!! Du mystère, je n’ose imaginer le pire, alors j’imagine le mieux, elle ne s’est pas faite pigeonner, elle a décidé d’enfin prendre l’avion… Zut alors, elle avait oublié que nous étions tous confinés… Belle fin de journée dame Adrienne, du soleil vers toi. brigitte
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l’avion, ce sera pour l’après-corona, c’est une femme qui sait attendre 😉
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Même Félix ne s’est douté de rien…
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bien sûr que non, épouse modèle 😉
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Franchement, le meutre est la solution ? Tu parles d’une morale, Adrienne. J’aurais pas cru ça de toi.
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chère Berthoise, tu m’en vois toute réjouie 😉
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félix n’avait pas ce tablier lui…
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ah non, pigeon dans son pigeonnier, il ne serait pas resté blanc très longtemps 😉
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