Elle a pris le premier train du matin. Avec de trop nombreux bagages pour trois jours de villégiature à la mer et aux pieds des chaussures dont elle sait pourtant qu’elles lui font mal.
Mais ce n’est pas à quarante ans qu’elle va abandonner son souci d’élégance. Voyez la savante coiffure crantée qui a coûté une grosse demi-heure d’efforts à sa coiffeuse, hier soir, et qui l’a empêchée de bien dormir cette nuit, de peur de l’abîmer!
Quand elle est arrivée à l’hôtel, elle était épuisée par le voyage. Deux correspondances. Deux lourdes valises. Et quelle idée de s’être chargée d’un volume si épais! Comme si elle pouvait en venir à bout en trois jours! Il doit bien peser un kilo, lui aussi. Deux mille cinq cent quatre-vint-dix-huit pages…
Enfilons vite ce maillot, se dit-elle, et allons à la plage.
Il ne fallait même pas ouvrir les valises: elle l’avait rangé dans une poche latérale.
Et pourtant…
Et pourtant, la plage, elle ne l’a pas vue.
Car au moment où elle était enfin prête, dans son maillot neuf, l’orage, un de ces gros orages d’été a éclaté.
Alors elle s’est affalée tristement sur le bord du lit… allait-elle rester là, à lire les Misérables, ou bousiller sa belle coiffure en sortant se baigner sous la pluie?
***
Texte écrit pour le 43e devoir de Lakevio du Goût, que je remercie, selon les consignes suivantes:
J’aime Hopper et son génie de l’étrangeté de la banalité. « Hotel Room » me le démontre et me pose la question : Que fait-elle donc, si peu vêtue, assise l’air si peu intéressé par son livre ? J’entrevois plusieurs cas. Et vous ? Qu’en aurez-vous dit lundi ?
Elle m’a fait penser à ces belles dames bien coiffées qui réussissent à nager en gardant la tête parfaitement au-dessus de l’eau et se mouillent à peine la nuque pour ne pas gâcher leur mise en plis 🙂
M comme maillot et M comme misérable(s) 😉
Bien vu et bien raconté. Passez un bon lundi.
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merci Mme Chapeau
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Elle n’a pas besoin d’ouvrir le bouquin, elle est bien assez misérable toute seule… 🙂
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il y en a que ça console de lire les misères des autres 😉
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Remarque que servir de modèle à Hopper doit déjà être bien déprimant en soi !
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et dans ce cas-ci, très mauvais pour le dos 😉
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Dommage !! elle se faisait une telle joie 😉
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elle est bien bête 😉
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J’en connais au moins une, comme ça.
Partir trois jours à Trouville avec assez de bagages pour passer deux ans à Vientiane…
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ma nipotina aussi a besoin de tous les 23 kilos de bagage autorisés en soute plus des 10 kilos autorisés en cabine (pour 4 jours)
mais sa coiffure ne la dérange pas 😉
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Ah, la mer du Nord et ses ciels changeants ! Souri du titre de ce pavé, bien choisi ;-). Bonne semaine, Adrienne. Du ciel bleu sur Bruxelles ce matin.
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ici aussi, encore et toujours désespérément bleu
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Il faut voyager léger.
Mais là, je sens surtout la déception et la volonté de séduire.
Me trompè-je ?
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voyager léger, oh oui!
tu as bien vu, c’est ce genre de femme que j’ai voulu imaginer, si préoccupée par l’idée qu’elle se fait de sa séduction que ses vacances sont ratées si elle n’a pas attiré certains regards 😉
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Dommage qu’il pleuve ! Elle a bien besoin de bronzette. Surtout les cuisses ! 🙂
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à mon avis, c’est précisément cette blancheur qui a séduit Monsieur le Goût 😉
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Elle a une tête à lire les Misérables.
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toute la position de son corps est misérable, elle porte un lourd fardeau sur les épaules 😉
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Un orage est vite passé, ce n’est que partie remise, surtout si les 3 jours se prolongent un peu.
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nager sous la pluie, c’est merveilleux, l’eau en paraît d’autant plus chaude 🙂
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Bien raconté ! On attend juste que Xavier Marabout nous repeigne la scène avec la Castafiore dans le rôle et Proust à la place d’Hugo pour faire bisquer l’oncle !
P.S. Belle publicité pour la liseuse, toujours plus légère et spacieuse !
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Y a de la recherche dans ton commentaire, cher neveu !
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tu vois, Joe Krapov, là est la différence entre toi et moi: moi j’ai pensé en faire la Recherche, de ce bouquin, et toi tu l’as osé 😉
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D’où l’intérêt, quand on part en vacances, d’opter pour la version du Reader’s Digest 😉 !
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ceux avec une tranche dorée pour faire plus riche?
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Of course !
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Quelle histoire… Mais elle va très bien avec la peinture de Hopper. Tu as même remarqué la coiffure crantée (d’époque?).
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à voir les chaussures, le chapeau cloche etc je la situais vers 1930 😉
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Elle aurait mieux fait de prendre des « mots fléchés ».
Au moins, ça, c’est intellectuel !
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c’est pour rire?
(bon force 5 peut-être ;-))
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Serait-elle venue ici dans l’espoir d’une rencontre ? Car son souci d’élégance la trahit !
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au fait, oui! c’est en tout cas ce qui lui arrive chez la plupart des autres participants 😉
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Quelle cruauté dans ce tableau, le vide mis à nu … et une histoire qui n’arrange rien. Mais quel talent !
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Hopper est très « cruel » si on regarde un peu ce qu’il fait avec les gens sur son tableau 😉
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Et dire que l’on en a rencontré pour de vrai, des qui ont trop de valises; trop de livres, de chaussures…
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trop de livres, ça n’existe pas (le reste oui, c’est du superflu ;-))
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Je reste en admiration devant ton talent de décrire la situation : je suis bien plus superficielle. Je n’avais remarqué que les cuisses très blanches et la solitude triste…
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il ne faut pas, et puis ça s’apprend 🙂
je faisais ce qu’on peut appeler de la « lecture d’images » avec mes élèves, ça vaudrait un billet de raconter leur réaction quand je leur montrais le célèbre portrait de Mme de Sévigné: au lieu d’y voir une dame de la haute société (vêtements, bijoux, coiffure, toute son allure…) ils disaient immanquablement « elle est grosse » 😉
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Tu as dépeint exactement le tableau, pas très joyeux entre-parenthèse. D’autres, comme moi n’ont pas trop regardé les détails du tableau, car imaginer un 5 étoiles dans cette chambre verdâtre, fallait de l’imagination. Les détails, ce n’est pas trop mon truc. Les femmes, dans les années 20 portaient-elles ce genre de maillot de bain ? par contre, la coiffure fait bien penser aux années 20. Hopper n’aurait-il pas pris lui-aussi des libertés ?
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ce ne sont pas les années 20 (où en effet les maillots sont encore très couvrants) mais les années 30
on trouve par exemple des photos de Brassai prises à Antibes en 1934 https://www.pinterest.co.uk/pin/422564377511175377/
sur nos plages belges on était un brin plus prudes, il a fallu attendre l’après-guerre pour voir ce genre de maillots
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J’aime beaucoup. Mais franchement, les Misérables… pourquoi pas Ulysse 😉 ?
À la mer, dans la bibliothèque de l’Astoria, on trouvait Delly, Florence Barclay et Barbara cartland (honnêtement illisible). Et on avait de super salons…
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