Adrienne s’amuse

« Il faut être absolument moderne! » s’écria-t-il. Et joignant le geste à la parole, il prit la plume et écrivit:

Depui ui jour, j’avé déchiré mè botine
O cayou dè chemin. J’antré a Charlerwa
– O Cabarè Vèr: je demandé dè tartine
Du beur é du janbon ki fu a mwatyé frwa.

« Pas mal! Pas mal du tout! Et absolument moderne! » fit-il, content de lui. Donc il continua:

Byieneureu, j’alongé lè janb sou la table
Verte: je contanplé lè sujè trè nayif
De la tapiseri. – Et se fu adorable,
Kan la fiy o téton énorm, o zyeu vif,

Il hésita un peu sur le ‘byieneureu’ mais se dit que de toute façon, la poésie était pour les ‘happy few‘, alors il poursuivit en tirant la langue – il n’avait que seize ans, après tout:

– Cèl-là, se nè pa un bézé ki l’épeur –
Ryeuze, m’aporta dè tartine de beur,
Du janbon tièd, dan zun pla coloryé,

Il commençait à bien maîtriser son orthographe moderne et c’est d’une plume jubilatoire qu’il traça le dernier tercet:

Du janbon roz é blan parfumé d’une gous
D’ay, – é m’anpli la chop imans, avèk sa mous
Ke dorè un rèyon de soley aryéré.

***

écrit suivant les consignes de Joe Krapovwho else? 🙂

Qu’il en soit remercié!

Le poème de Jean Nicolas Arthur est à lire ici.

Photo prise à Ostende (ya kèk zané), la tête de ce personnage de BD a quelque chose d’Arthurien, non?

46 commentaires sur « Adrienne s’amuse »

    1. Monsieur Krapov recommande même de ne plus écrire ‘un’ (sauf pour l’article indéfini) mais d’écrire uniquement ‘in’, alors qu’en Belgique on continue de faire la différence entre ‘brun’ et ‘brin’ 😉

      J’aime

      1. c’est ce qu’ont pourtant constaté des linguistes français qui ont travaillé (déjà dans les années 1970) sur des corpus de ‘français parlé’ enregistrés dans les milieux parisiens cultivés…

        J’aime

      2. Le pape Jean-Paul II, comme tout bon Polonais, avait des difficultés à différencier le « i » et le « u ».
        Ça donnait des phrases comme ceci : « le message du Christ est inique ».

        J’aime

    1. c’était un clin d’œil à cause de ceux qui prétendent que la poésie est réservée à une élite et ne convient pas aux garçons bouchers 😉
      (je pense avec Michel Serres que le garçon boucher en a autant besoin qu’un académicien, plus peut-être ;-))

      J’aime

  1. Quand j’ai commencé à lire je me suis dit que c’était peut-être bien pour ça que Verlaine avait révolvérisé Arthur…
    (je n’ai aucun mérite, j’ai reconnu tout de suite Rimbaud que je pratique depuis si longtemps 😉 …)

    J’aime

  2. Il ne manque plus qu’un petit insert d’écriture inclusive et on atteint le sommet de la modernité. Mais il n’y a aucun problème de genre entre une « fiy o téton énorm » et un « Byieneureu, lè janb sou la table ». 😉

    J’aime

    1. ah oui en voilà encore un qui sait parler aux femmes 🙂
      on rigolait bien, en classe, quand je mimais le gars de 16 ans qui joue au grand, étend les jambes sous la table, se commande une chope… et se fait son cinéma macho dans la tête en voyant la fille

      J’aime

  3. Eklaté de rir ! Magnifik !

    Avant même de commencer à lire, je fais défiler l’illustration et je me dis – juré ! – « On dirait Rimabaud ! »

    Bon dimanche, Madame, et à vos ami·e·s ! Le mien commence parfaitement !

    J’aime

  4. Je l’ai reconnu comme tout le monde, le résolument moderne, trop d’indices…
    Manque le bateau ivre mais ce n’est pas grave, je me demandais juste ce que donnerait le poème en langage moderne :
    « kome je dessendé des fleuve impacible… »

    J’aime

  5. Quand Rimbo écrit comme Rambo… :-)))

    J’ai adoré ton texte, Adrienne !
    C’est jubilatoire…
    (et triste en même temps, quand on connaît le niveau d’ortograf de certains djeuns…
    de 17 ans !)

    J’aime

Laisser un commentaire