Pour commencer il y a d’abord des choses très faciles à faire, par exemple faire une promenade sur les bateaux-mouches. Depuis que je suis Parisien, c’est-à-dire depuis ma naissance je n’ai jamais été sur des bateaux- mouches.
Ensuite, il y a des choses un tout petit peu plus importantes, des choses qui impliquent des décisions de ma part, des choses dont je me dis que si je les faisais elles me rendraient peut-être la vie plus facile. Par exemple, faire l’acquisition de divers appareils électro-ménagers, une machine à laver la vaisselle, une machine à laver le linge.
Ensuite, il y a des choses qui sont liées à des désirs plus profonds de changement. Par exemple m’habiller d’une façon tout à fait différente : me remettre à porter des cravates, enfin quand je dis me remettre, je crois que je n’ai pratiquement jamais porté de cravate de ma vie. Me faire confectionner un costume trois pièces, avec un gilet enfin voir un peu ce que ça ferait si je changeais complètement de vêture.
Il y a une chose que j’aimerais faire aussi c’est aller vivre à l’hôtel à Paris. C’est un mode de vie. Tout en vivant à Paris, vivre à l’hôtel.
Une chose que j’aimerais beaucoup faire aussi, c’est vivre une expérience hors du temps comme Michel Siffre, vous savez ce qu’on appelle vivre en libre cours, c’est-à-dire dans un grotte sans point de repère du temps.
Aller au-delà du cercle polaire.
Ah et puis une chose qui fait référence à une carte postale que j’ai reçue un jour, il s’agit d’aller du Maroc à Tombouctou, à dos de chameau, en 52 jours. En plus si on part avec une secrétaire, on peut dicter La Chartreuse de Parme, puisque c’est exactement le temps qu’il a fallu à Stendhal pour écrire La Chartreuse de Parme.
Ensuite, j’aimerais boire du rhum trouvé au fond de la mer comme le capitaine Haddock dans Le Trésor de Rackham le Rouge. Il y a un galion qui a coulé au XVIIe siècle avec une cargaison de rhum et puis avant de trouver le trésor, on commence par remonter les bouteilles. Boire du rhum de 1650, enfin quelque chose comme ça.
Apprendre à jouer de la batterie, parce que j’ai l’impression que c’est un peu plus facile, disons que le saxophone. Faire du jazz.
Ensuite c’est trouver la solution du cube hongrois (rubik’s cube – ndlr). Alors j’ai déjà perdu pas mal d’heures, mais j’étais arrivé à des ébauches de solutions.
Et puis aussi faire de la peinture, il faudrait oser. C’est ce que je voulais faire au début c’est-à-dire avant de vouloir être écrivain comme on dit, je disais que je serai peintre. Pourtant peut-être que ce n’est pas impossible.
Rien de tout ça n’est impossible pour l’instant.
Alors ensuite, il y a des choses qui sont liées à mon travail d’écrivain. Par exemple, j’aimerais écrire un scénario de film d’aventure, un film un peu grandiose, je veux dire, pas nécessairement James Bond, mais un film d’aventure où on aurait les moyens de rêver à des choses superbes au cinéma.
Écrire un vrai roman-feuilleton, faire ce que Simenon, parait-il, a fait pendant une époque, être dans une vitrine et écrire un livre, d’une certaine manière en public. Ce genre de défi d’écriture, donc avoir une espèce de canevas assez vague et puis tous les jours, pendant 4 heures, faire cette espèce de métier d’écrivain public, ça j’aimerais beaucoup le faire, ça m’amuserait beaucoup.
Il y a encore une chose que j’aimerais faire. C’est planter un arbre. Évidemment pour le regarder pousser.
Georges Perec (1936-1982)
Source ici.
Et un beau (?) jour, on se prend à dire ”J’aurais aimé…”
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Ou comme Georges Perec, on meurt dans l’année qui suit
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L’alternative n’est guère réjouissante …
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sans doute ne suis-je pas d’humeur très joyeuse aujourd’hui 😉
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Faire des choses avant qu’elles ne deviennent impossibles, voilà une sage résolution.
Mais est-ce le même « impossible » qu’hier ?
😉
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Ma mort n’est pas impossible 😉
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Pour le moment, votre mort est impossible puisqu’elle n’est pas encore arrivée ou alors, j’ai rien compris. D’où ma question.
[ “Impossibile è la definizione di un avvenimento fino al momento prima che succeda.” ]
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oui, ça c’est la définition du mot impossible, mais à côté de ça existe aussi le mot possible 🙂
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Trop tard, j’ai plus le temps ! 😉
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De mettre une cravate ?
🙂
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Je crois qu’il m’en reste deux ou trois, je vais vérifier !
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Ah Perec ! Merci pour ces extraits d’un texte que je ne connaissais pas, le pendant de son « Je me souviens… »
Pour l’instant, me projeter dans les « j’aimerais » me semble un jeu plutôt propice à la frustration.
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je crois qu’il est risqué à tout âge et à toute époque, à moins de se contenter de la vue du coucher de soleil 😉
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Le coucher de soleil, c’est bon, je le vois depuis mon fauteuil mais ce que je préfère c’est le lever du soleil et il y a bien longtemps que je ne l’ai pas vu.
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ah oui, sur sa planète, le petit prince n’avait qu’à tirer un peu sa chaise…
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Dans la veine volontariste, j’ai mieux : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier. » (Martin Luther King).
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ah oui, c’était affiché chez mes beaux-parents, quelqu’un avait fait cadeau de cette citation à mon beau-père 🙂
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Elle date d’un temps où l’impossible était encore une perspective très lointaine… 🙂
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je ne sais pas, mon beau-père était déjà très âgé quand il a eu ce cadeau, et très conscient de sa finitude, mais son rêve à lui c’était une croisière autour du monde et il a réussi à le faire, in extremis (son cancer avait déjà été diagnostiqué)
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Eh bien, tu nous en dis, des « choses »…
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superbe Perec !
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n’est-ce pas 🙂
dans tout ce qu’il fait
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J’allais écrire « 25 choses à faire avant de… quoi ? » et puis je me suis souvenu – peut-on faire autre chose avec ce Georges-là ? – que j’avais donné cette même consigne à l’Atelier d’écriutre de Villejean !
Je viens de relire ma contribution et je me suis encore plus marré qu’à écouter les réponses pourtant très drôles de Perec (la secrétaire à dos de chameau !)
http://krapoveries.canalblog.com/archives/2016/02/25/index.html
Merci pour ce document précieux, je ne connaissais pas le son de sa voix.
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j’ai relu tout ça avec plaisir 🙂
(oui, avoir la voix d’une personne, c’est bien)
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Personnellement je n’ai pas vraiment d’envies insatisfaites ni de regrets, j’ai tendance à penser comme Letizia Bonaparte : « Pourvu que ça dure… ».
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on ne peut que vous donner raison à toutes les deux, surtout si on voit combien peu de temps Perec a encore vécu après cette interview…
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Pour moi penser faire certaines choses avant de mourir me fais ressentir de la tristesse.
J’aime mieux penser faire les choses que j’aime là maintenant les apprécier et en profiter. Et être à l’affût de choses imprévus qui se placeront sur ma route et en profiter pleinement.
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je comprends, je suis aussi plus « carpe diem » (normalement) et n’ai jamais fait ce genre de listes… d’autre part, avec le temps qui passe je suis consciente que certaines choses ne se feront plus 😉
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Et le liquidambar devant ta porte ? Comment se porte-t-il ?
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il va bien, il a des feuilles 🙂
je pense à toi tous les jours grâce à lui : je lui souris
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