O comme Ovejero

81 ème devoir de Lakevio du Goût.

devoir de Lakevio du Goût_81.jpg

Finir un livre c’est comme te séparer
de quelqu’un que tu aimais,
qui remplissait tes jours,
qui illuminait tes nuits, et tu étais bien, tout
était très bien, mais les choses s’achèvent
comme s’achève ce temps où tu dis je t’aime
juste quand tu le sens. Bien ou mal finissent
les histoires, tu dois fermer le livre
et passer au suivant ou accepter le vide, comprendre
que le néant et le vertige
font partie de la vie.

Acabar un libro es como separarte
de alguien a quien quisiste, que llenó tus días,
que iluminó tus noches, y estuvo bien, todo
estuvo muy bien, pero las cosas terminan
como termina ese tiempo en el que dices te quiero
justo cuando lo sientes. Mal o bien acaban
las historias, tienes que cerrar el libro
y pasar al siguiente o aceptar el vacío, entender
que la nada y el vértigo
son parte de estar viva.

Finir un livre c’est
comme quitter la maison où tu as vécu de nombreuses années et t’installer dans un autre quartier, une autre ville, un autre pays,
accepter la possibilité que les choses
arrivent sans motif, que le monde n’existe pas
pour toi seule, et que tu es
comme cette pierre, comme cette bave, comme ce jour
où il pourrait avoir plu
et que personne ne s’en est rendu compte.

Acabar un libro es
como dejar la casa en la que has vivido muchos años
y mudarte a otro barrio, a otra ciudad, a otro país,
aceptar la posibilidad de que las cosas
suceden sin motivo, que el mundo no existe
para ti sola, y que tú eres
como esa piedra, como esa baba, como ese día
en el que podría haber llovido
y nadie se dio cuenta.

Rien ne demeure, tout change,
sauf un arrière-goût de tristesse qui t’accompagne de livre en livre,
sauf ce désir que les histoires se poursuivent
et que le protagoniste ne meure pas à la page cent. Finir un livre c’est
comme le commencer, entrer dans une autre vie et te dire
cette fois
j’en sortirai
indemne.

Et ce n’est jamais certain.

(traduction de l’Adrienne)

Nada permanece, todo cambia,
salvo un dejo de tristeza que te acompaña libro a libro,
salvo ese deseo de que las historias continúen
y el protagonista
no muera en la página cien. Acabar un libro es
como empezarlo, entrar en otra vida y decirte
esta vez
saldré
indemne.

Y nunca es cierto.

José Ovejero, Acabar un libro, in Mujer lenta, Pre-textos, Poesía, 2017.

Publié dans O

43 commentaires sur « O comme Ovejero »

  1. Quel beau texte ! Tous les livres ne provoquent pas ce déchirement, mais certains, c’est exact.
    D’autre part sortir indemne d’un livre veut aussi dire qu’il ne nous a pas touchés, changés un minimum…
    Je ne connais pas cet auteur, merci beaucoup.

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      1. Pas du tout mais je lis qu’il a vécu la plupart du temps hors d’Espagne: Bonn et Bruxelles Fait des conférences aux États Unis, bref, on ne fréquente pas les mêmes terrasses de café:-)).

        Aimé par 1 personne

  2. ¡Eso es verdad!
    Rien n’est jamais sûr, avec les livres, rien n’est écrit d’avance. Le lecteur, entre les lignes, devient malgré lui personnage, ajoute à l’alignement des mots un peu de la palpitation son être.
    Que dire alors du traducteur … ?

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  3. Et on se trouve tout bâte après l’avoir reposé, sans envie d’en prendre un autre, les trouvant tous sans intérêt dès la première phrase.
    C’est comme les repas.
    Il faut d’abord digérer le dernier avant de repasser à table et espérer être encore une fois surpris et emporté…

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  4. Un texte fort et très juste.
    Je m’y retrouve pour certains livres, qui ont laissé une forte trace selon moi. Pas pour tous. C’est ce qui pousse à relire des années après parfois.
    Ça me donne une idée… peut-être pour une « nouvelle ».

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  5. C’est un moment douloureux à traverser que de fermer un livre, souvent je garde un dernier chapitre pour plus tard quand l’histoire me soulève. Les livres nous aident à sortir de notre quotidien, à développer notre imaginaire, à solutionner certains de nos problèmes, à rêver… il y a tant de domaines qu’ils impactent, de là vient peut-être cette douleur de les quitter, c’est comme perdre quelqu’un… Lumineuse journée dame Adrienne, bravo pour cette traduction. brigitte

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  6. Joli texte qui dit bien le lien fort qui se tisse au cours de certaines lectures.
    J’aime cette remarque : « accepter la possibilité (…) que le monde n’existe pas pour toi seule », qui dit à la fois l’ouverture à un autre monde ou une autre vision du monde et aussi la découverte qu’on n’est pas seule à ressentir certaines choses.
    Mais pourquoi « un arrière-goût de tristesse » ? Je suis moins en accord avec la dernière strophe.
    Merci pour cette traduction, Adrienne & bonne journée.

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      1. Faut bien dire que la réalité est pire que la fiction. Quel auteur aurait imaginé une pandémie mondiale qui aurait cloitré chez elle pendant des mois, une partie de l’humanité, sans qu’elle se révolte ou si peu !

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  7. J’ai lu un livre en entier, la semaine dernière, de 21h à 3h du matin. Ca faisait des siècles que ça ne m’était pas arrivé, n’arrivant plus à me concentrer depuis au moins 15 ans…Bon,, celui-là n’était pas du meilleur cru, qui ne me laissera pas de souvenirs impérissables. Je l’ai laissé sans regret pour dormir quelques heures..
    Par contre, ce que tu dis, je l’ai ressenti dans un passé fort lointain, où finir un livre laisse des regrets, où l’on voudrait rester avec « nos héros », où on prend son temps pour lire les dernières pages, où lire aide à fuir la réalité, comme lorsque j’étais enfant…
    J’espère que je reprendrai goût à la lecture, qui soigne de biens des maux…Par contre, j’aime toujours les voir sur des étagères. J’ai donné tous mes vieux livres policiers, et ai gardé ceux hérités de ma belle-mère, des livres du terroir, que je lui avais offert pour beaucoup, ceux avec du bon papier…On avait ce point en commun, en partie les mêmes goûts littéraires…Perdre la vue a été pour elle une punition terrible du destin…Elle lisait toujours le soir, avant d’aller se coucher, encore plus depuis le décès de son mari..On lui avait acheté des tas de loupes. Je lui avais offert des livres « large vision »…Mais, même ceux-là, elle peinait à les lire…Soupir…

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    1. c’est vrai qu’il n’y a rien de mieux que la lecture, à la fois pour s’occuper et pour se changer les idées, à condition évidemment de réussir à se concentrer sur ce qu’on lit 🙂
      C’est ce qui m’a fait défaut pendant plusieurs mois, donc j’espère que c’est revenu « pour de bon »!

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