D comme (dé)courage(ment)

– Quelqu’un a une suggestion pour notre prochain sujet de conversation? avait demandé l’Adrienne le vendredi précédent, et Naila avait proposé « la culture ».
– La culture, ici, précise-t-elle.

Vous qui connaissez l’Adrienne, vous devinez la suite: elle s’est rendue à l’hôtel de ville, au centre culturel et à l’office du tourisme, pour être sûre d’avoir toute l’info et toutes les brochures, un gros paquet qu’elle a apporté pour la conversation du vendredi suivant.

Comme mise en bouche, elle demande aux dames autour de la table de leur dire ce que c’est pour elles, la culture, quelles formes d’expressions culturelles les intéressent.
Latifa se lance:

– La culture, pour moi, c’est que je suis Marocaine, et musulmane et (etc.).
– Ah! vous voulez parler d’identité, fait l’Adrienne.

Qu’avait-elle donc cru! On allait encore tourner en rond à éplucher les couches de l’oignon… pour finalement rester sur « votre » culture et « notre » culture au sens le plus étriqué du terme.

– Il y a des aspects de ma culture, dit Zohra, auxquels je tiens particulièrement. Comme le henné pour les mariages.
– Pour mon mariage, dit Naila, je ne voulais pas de henné, mais ma mère m’y a obligée. Pas question d’y échapper!
– Pareil pour moi, dit Asma, ma mère disait que ça me porterait malheur.

Bref, celle qui apprend le plus à ce genre de réunion, c’est l’Adrienne: le palanquin, les chevaux, le voile, les trois jours de fête, le sacrifice d’une vache et de trois moutons…

– Tout de même, conclut Sarah, dans nos traditions il n’y a pas que du bon: ma mère a été mariée à quatorze ans.

Petit silence autour de la table.

Puis, quand tout le monde est parti, Naila dit à l’Adrienne:

– Moi j’aurais bien aimé qu’on parle de la culture d’ici. C’est ici qu’on vit, maintenant.

41 commentaires sur « D comme (dé)courage(ment) »

  1. Je te comprends bien, ces dames ont besoin de parler d’elles-mêmes, de la difficulté de combiner deux cultures si différentes. Ce pourrait être le sujet dune prochaine réunion, qui sait ?

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    1. comme j’ouvrais de grands yeux sur la mort de cette pauvre vache, Latifa m’a dit « si! si! c’est obligé! » ce qui est bien sûr un argument définitif 🙂
      Il y a du boulot pour les végétariens, « là-bas », ai-je répondu.
      Pour rire, bien sûr 😉

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    1. ma définition du mot culture est très vieux jeu (« développement de facultés de l’esprit » et «  »ensemble des aspects intellectuels d’une civilisation ») et je n’aime pas le sens étroit, purement identitaire, que ce mot a pris…

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  2. La « culture » a tant de facettes, chacune y a mis de la sienne… As-tu pu parler de la tienne ? Peut-être cela aiderait-il tout le monde de dire en quelques mots ce qu’on entend par celui qu’on propose comme sujet pour la fois suivante. J’imagine déjà tout ce qu’on peut tirer du mot « vacances » !
    Quoi qu’il en soit, il semble qu’il y ait eu de bons échanges, même s’il est dommage que la conclusion n’ait pas été partagée dans la conversation.

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    1. non la mienne ne les intéressait pas, d’ailleurs elles croient tout savoir sur « notre » culture…
      – Vous, a dit Latifa, vous ne prenez qu’un repas chaud par jour et nous c’est trois fois.
      (on voit qu’elle n’a pas été mariée avec le monsieur d’Adrienne LOL)
      et je n’ai pas envie de remettre ce mot sur le tapis, vu qu’on n’est pas sorties des définitions ou paramètres purement identitaires (par exemple ce qui est hallal – le henné – ou haram – le tatouage)

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  3. Ton groupe a l’air assez homogène ? Dans mon atelier de FLE, j’ai quatre albanaises, une syrienne, un vénézuélien et deux africaines 😉 .

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    1. le groupe du mardi matin est hétérogène (des francophones, Polonais, Congolais, Marocains et Tunisiens en majorité) mais le groupe du vendredi est l’initiative d’une belgo-marocaine, donc on n’y rencontre que des femmes d’origine marocaine (et une ou deux d’origine tunisienne)

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    1. oui je voulais le faire en introduction avant de passer au vif du sujet mais de polysémie il n’a pu être question
      (comme je l’ai déjà mis en réponse ci-dessus: « ma définition du mot culture est très vieux jeu (« développement de facultés de l’esprit » et « ensemble des aspects intellectuels d’une civilisation ») et je n’aime pas le sens étroit, purement identitaire, que ce mot a pris »)

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  4. Hello Adrienne
    Intéressant ces échanges. Bravo à Naila pour sa réflexion de la fin. Mais il est toujours intéressant pour nous de découvrir aussi d’autres traditions 😉
    Quant à la culture avec un grand C, ça n’était pas d’actualité ?
    Gros bisous

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    1. apparemment, il n’y avait que Naila et moi pour penser que la culture c’est le « développement de facultés de l’esprit » et l’« ensemble des aspects intellectuels d’une civilisation » 🙂
      bises!

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  5. Je ne sais plus qui disait « Quand j’entends le mot « culture » je sors mon album « Revolver » des Beatles ».

    Ca doit être moi, même si je préfère le double blanc ! 😉

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  6. Un ami a eu, pendant quelques années, une femme marocaine. Un jour qu’on allait voir l’Hôpital Notre-Dame à la Rose à Lessines, elle a vu un panneau du lieu avec une peinture de Jésus mis au tombeau. Elle a demandé : « c’est à Lessines que Jésus est mort ? ». J’ai failli répondre, « non c’est à Koekelberg, d’où la construction de la basilique », mais je me suis retenu.

    Pour pas mal de gens en effet, la « culture », c’est un ensemble de traditions rigides et intangibles, que l’on respecte sans connaître leur origine.

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