
Ils étaient 126 et à tous leur prof de français avait répondu: « excellent choix ! » quand ils leur avaient annoncé qu’ils envisageaient des études de philologie romane.
« Tu es de loin la meilleure en français », avait dit le prof de N***, une Limbourgeoise, « tu devrais faire les Romanes. »
C’est ainsi qu’ils étaient 126 cette année-là à recevoir leur première dictée du terrifiant professeur Mertens.
« Vous allez voir », les prévenaient les redoublants, « vous allez tous avoir moins que zéro. Vous aurez des moins vingt, des moins trente ! »
Et l’Adrienne, comme tant d’autres probablement, se disait « pas moi ! »
Elle avait toujours été imbattable en dictée et en faisait un point d’honneur.
Puis le professeur Mertens a lu le texte qu’il avait prévu pour assener à tous ces jeunots un bon premier coup de trique, histoire de leur mettre tout de suite les pendules à l’heure : ils avaient encore tout à apprendre !
Le texte était fort long et les exceptions, anomalies, participes passés de verbes pronominaux suivis de l’infinitif et autres pièges se succédaient.
Mertens jubilait devant les têtes basses : une fois de plus, son traitement de choc marchait.
Au cours suivant, il jubilait encore, le paquet de dictées corrigées à la main : deux traits sous les erreurs grammaticales et un seul sous les erreurs d’orthographe.
Il tenait à distribuer lui-même les feuilles et le faisait dans l’ordre, en commençant par la pire de toutes, appelant les noms un à un, ce qui l’obligeait à aller sans cesse d’un bout à l’autre de l’amphi. C’était une de ses manières d’apprendre à connaître ses ouailles et à coller un visage sur un nom : le premier mois n’était pas passé qu’il connaissait les 126.
Bref, vous imaginez les cœurs battant fort au fur et à mesure de la distribution.
« C’est excellent ! » a-t-il dit à l’Adrienne, qui avait réussi le pire score de toute sa vie.
***
texte inspiré par le schibboleth du Défi 702 – le mot avait déjà paru dans un autre billet en hommage au professeur Mertens, ici, grâce à un commentaire de Joe Krapov, copié-collé ci-dessous:
Joe Krapov J’aime bien venir ici. J’en repars très content des messages en grec, en chinois, en anglais et en langage codé (Shibboleth !) que je reçois dans ma boîte aux lettres professionnelle, qui m’ennuient un peu quelquefois mais qui me valent d’être payé à la fin du mois (pas de quoi aller faire du shopping à New-York, certes mais je n’ai pas de tels besoins. Rigoler à Rennes suffit à ma joie !).
Bon courage pour la suite, Madame !J’aime RéponseAdrienne ah voilà qui me fait plaisir, Joe Krapov 🙂
(ton schibboleth me rappelle notre excellent prof de grammaire, à l’université, qui nous donnait des petites fiches à apprendre par cœur: le mot schibboleth figurait sur celle des quelques rares mots de la langue française qui s’écrivent avec 2 b: « à l’occasion du sabbat, l’abbé offrit un gibbon gibbeux au rabbin qui lui avait expliqué ce que c’est qu’un schibboleth »)
merci!
Traitement de choc ! Et la suite était à l’avenant ?
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ah oui, mais avec bienveillance (mot à la mode aujourd’hui dans l’enseignement mais qui a toujours existé ;-))
sévère mais juste
il fallait simplement tout connaître par cœur, ses fiches (un paquet ;-)), son cours et le Grevisse.
Reconnaissance é-ter-nelle!
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c’est bien ce que j’avais cru percevoir du ton de ton billet.
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Encore bravo pour ce lointain « C’est excellent ! » et pour tous les textes tout aussi excellents que vous nous offrez quotidiennement ici.
Passez un bon samedi sans trop de répétitions du voisin si possible.
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merci, Mme Chapeau, je fête ma saint trucmachin à Ostende!
pourquoi on ne pourrait pas fêter ça toute seule, n’est-ce pas 😉
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Bonne fête loin de vos voisins. J’espère qu’il n’y a pas trop de vent là où vous êtes.
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merci! il fait un temps superbe (superbe pour moi, tout est relatif, froid avec quelques nuages ;-))
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Tu connais une langue sans pièges ?
Ça semble assez difficultueux, cette épreuve.
Moi qui fus fier d’être arrivé, il y a bien longtemps, au bout de la dictée de Pivot avec une seule faute au compteur, « tu me rabats le caquet » d’un seul coup … 😉
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J’ai l’impression que chez Pivot il y a un peu moins de difficultés purement grammaticales et plus de « bizarreries » orthographiques, non?
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Oui.
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Actuellement il n’est pas demandé du par cœur et ouf car débiter ça n’a jamais été mon fort 🙂 😦
d’ailleurs j’ai toujours été une élève moyenne et je le regrette j’aurais dû me forcer un peu mais j’ai tout de même même ma barque 🙂 comme on dit
Bonne journée Adrienne
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il y a des règles en grammaire qu’il faut savoir par cœur sinon on est condamné à douter-hésiter-y aller au pif 😉
et bien sûr, il y a toutes sortes de barques, pour la mienne le sans faute grammatical était une condition absolue 😉
bon week-end!
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« Quand j’entends le mot shibboleth je pense à Joe Krapov ».
J’adore cette phrase ! Mais la période évoquée dans notre échange de commentaires est bien révolue et je n’ai même pas cherché dans mes archives professionnelles l’explication de la fédération d’identité (shibboleth) dont j’étais devenu, à mon corps défendant, le spécialiste.
J’ai été scotché par contre, ce samedi, par ce que mon rocher de Beg Leguer à inspiré à tiniak !
Bon séjour ostendais !
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ah oui, Tiniak et ses inspirations, tu vas apprendre à connaître, c’est spécial 😉
merci!
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Les participes passés… quel délices. Mais il ne faudrait pas oublier les subjonctifs !
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participe présent ou adjectif verbal? l’accord de tout s’il est adverbe? ça ne manque pas, les délices 😉
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Tellement exaltant que j’ai balancé entre « quel délice » et « quelles délices » 😉
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LOL
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J’imagine le visage du profeseur Mertens… et l’intérieur du visage, surtout 😉
J’ai connu la distribution, mais en sens inverse, la pire en dernier, et une fois, j’ai été cette pire là 😉
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ah oui, le pire en dernier, c’est la mode française, telle qu’on peut la lire dans de nombreux romans plus ou moins autobiographiques 😉
ça choquait beaucoup mes élèves, cette méthode de « remise des compositions », où tu colles la honte aux derniers de la classe…
enfin, toi tu t’en es relevée 😉
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on avait lu ça dans le Gone du Chaâba
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