
Quand en 2017 l’Adrienne a vu ce dessin d’Hergé à l’expo qui lui était consacrée, elle n’en a pas saisi la portée: Bruxelles-Toulouse et retour, à l’automne 1940?
Ce n’est que tout récemment qu’elle a établi le lien avec des faits historiques qui ont touché plus de 300 000 jeunes hommes, jeunes garçons principalement, au lendemain de l’invasion allemande.
Après le 10 mai 1940, les jeunes gens de 16 à 35 ans qui n’avaient pas fait de service militaire ont été enjoints de quitter immédiatement leur foyer pour se rendre par leurs propres moyens dans des centres de recrutement de l’armée belge.
Les chercheurs évaluent à 300 000 le nombre qui a pris la route, donc quasiment tous les appelés, souvent à pied ou à vélo, seuls ou en petits groupes du même village, du mouvement scout…
Des gamins pour la plupart, emportant juste, comme on le leur avait dit, une couverture, un peu de linge et de la nourriture pour 48 heures. Des gamins qui n’avaient souvent pas encore quitté leur province, ni pris le train et beaucoup n’avaient jamais vu la mer.
L’avancée de l’armée allemande a cependant été si rapide, que rien n’était prévu pour les accueillir si massivement, en plus du flot de réfugiés. Comment trouver à se loger, à manger, à boire, à se laver? Toujours ils étaient envoyés plus loin, toujours ils devaient se débrouiller seuls. Après Courtrai, Roulers, Ypres et Poperinge, ils ont été envoyés en direction de la France.
C’est là qu’un grand nombre d’entre eux s’est retrouvé pris entre deux feux. Plus de trois cents sont morts sur les routes belges ou françaises, lors de bombardements par les stukas. Ceux qui ont réussi à passer la Somme à temps ont été envoyés à Rouen, où ils ont été obligés d’abandonner sur place leur précieux vélo. Pour continuer en train à bestiaux, jusqu’à soixante par wagon prévu pour quarante, en direction de Toulouse.
Quand les combats ont cessé, il a encore fallu de nombreuses semaines pour organiser leur rapatriement.
D’où le lien avec le dessin d’Hergé: les derniers ont retrouvé leur foyer en septembre.

Karel Strobbe, Pieter Serrien, Hans Boers, Van onze jongens geen nieuws. De dwaaltocht van 300.000 Belgische rekruten aan het begin van de Tweede Wereldoorlog, éd. Manteau, 2015, 357 p. (traduction du titre: Pas de nouvelles de nos garçons. L’odyssée de 300 000 recrues belges au début de la deuxième guerre mondiale)
Sur la photo choisie pour la couverture du livre, on en voit devant leur baraquement. Sur le mur ils ont écrit: « Wij willen terug naar België« , nous voulons rentrer en Belgique. Remarquez leur tenue: chemise, cravate… Pour cette équipée, ils avaient pour la plupart mis leur « costume du dimanche », croyant que dès la première ville où ils devaient se rendre, on leur donnerait leurs habits militaires…
Allez donc faire, comme ce gamin de Chênée, près de Liège, 130 km à pied avec vos chaussures du dimanche. Puis 225 km à vélo, pour essayer de garder une petite avance sur les panzers allemands. Et enfin 1600 km en train jusqu’à Nîmes.
Là encore, comme si ces vies n’avaient aucune importance… Cela fait froid dans le dos.
BONHEUR DU JOUR (http://bonheurdujour.blogspirit.com)
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ce livre est un document mais aussi une lecture-émotion 😉
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Peut-être ai-je déjà raconté que mon oncle et son frère avaient fait, en vélo, Anvers-Bordeaux, récit qu’il nous faisait régulièrement avec humour, mais…
C’est si difficile à imaginer tant c’est dur.
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oui certains ne sont montés dans aucun train et ont toujours continué à vélo, 1200 km à se débrouiller pour trouver à se nourrir et se loger en route…
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Nous avons eu beaucoup de chance de ne pas connaitre cette époque. Nous le rappeler comme vous le faites si bien aujourd’hui reste nécessaire.
Bon dimanche. Ici, le ciel est bleu mais il fait frisquet. Les coureurs ne devront pas oublier de s’habiller chaudement.
🚴 🚴 🚴
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je lisais hier soir à propos des 16000 amateurs que se prémunir contre le froid est ce qu’il y a de plus facile, leur « course » a été formidable LOL
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À cette époque, mon père avait déjà été mobilisé si bien que lui, c’est en Allemagne qu’il a dû faire du tourisme forcé…
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oui mon beau-père et les cousins de ma grand-mère aussi…
mon père et son frère étaient trop jeunes pour être concernés et mes deux grands-pères juste trop âgés
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La condition masculine a, elle aussi, fait des victimes.
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nul n’est à l’abri, ni par l’âge ni par le sexe, et on le voit encore ces jours-ci
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Mon père est allé à Rouen avec ses parents, mais il a toujours été peu bavard à ce propos.
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avec ses parents? alors c’était pour l’exode?
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Ton article m’a énormément émue, j’ai senti monter des larmes. Certains étaient si jeunes, 16 ans, des adolescents… Quel courage!
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j’ai souvent dû ravaler mes larmes, oui!
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Il est nécessaire de regarder dans le rétro
Il y a eu des atrocités
Hélas ce n’est pas terminé
Ce livre doit être émouvant
Bonne fin de journée Adrienne
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leur histoire et leur odyssée ont été oubliées, occultées par tout le reste, guerre, occupation, résistance, collaboration, camps… il y avait tant d’autres choses qui ont pris le devant de la scène, pour les historiographes de l’après-guerre.
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Si on avait proposé à des adultes de courir pour aller se faire tuer, il y aurait eu moins de monde.
Les gouvernants ont depuis longtemps compris que les jeunes gens étaient plus faciles à manipuler que les vieux briscards…
(Quoique… Quand je vois les sondages pour la prochaine élection… Je me demande si ceux qui enverraient du plomb si facilement dans la chair des autres en ont eux-mêmes un peu dans la tête… 😉 )
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et surtout: ils avaient confiance, qu’ils seraient pris en charge, comme promis… mais sans cesse l’actualité les rattrapait, même à Toulouse.
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Oui, avec ses parents, pour l’exode, il était trop jeune pour l’armée. Mais ses deux frères y sont allés.
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ma tante wallonne a passé les années de guerre en Ardèche, avec ses parents
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Formidable entreprise d’en faire le récit, méconnu par rapport aux témoignages sur l’exode.
Comment ne pas penser aujourd’hui aux jeunes Ukrainiens mobilisés et aux conscrits russes envoyés se battre ?
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ce qu’ils ont vécu est terrible de bout en bout, sauf pour quelques exceptions…
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Et maintenant, plus de quatre millions d’Ukrainien(ne)s ont fui leur pays, par tous les moyens.
Mais certains reviennent, déjà plus de 500.000. Quand je les vois, je me dis « c’est nous ! ».
Le drame des Rohingyas de Birmanie, des Irakiens, des Syriens, n’est pas moindre, mais là, en les voyant,on se dit « c’est nous ! », des Européens comme nous qui se font bombarder par Poutine.
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oui on se sent directement concernés et sans doute aussi qu’on est complètement abasourdis, on ne s’y attendait pas, malgré tous les petits signes annonciateurs que certains nous décryptent aujourd’hui… c’est tellement une folie, tellement un bourbier dont on se demande qui peut en sortir « vainqueur », qui peut y gagner quelque chose, à part les marchands d’armes.
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