R comme racines

Il y a un mot qui énerve beaucoup l’Adrienne, non pas le mot mais l’idée qu’il y a derrière, et elle a été très heureuse de voir que quelqu’un partageait son avis 😉

« Quelles sont nos racines? Et même, en a-t-on? Le débat fait rage, il est politique, moral, culturel, il tourne en rond et il m’exaspère. Je regarde sous mes pieds: pas de racines, je marche sans peine, je me déplace comme je veux. Les racines nationales, chrétiennes, européennes, c’est une métaphore, une image, une idée, on passe de l’un à l’autre par glissements de langage, on fait l’aller et le retour entre le propre et le figuré, on ne sait plus de quoi on parle, ça n’empêche pas de parler, de s’engueuler, d’envisager même de se battre; ça m’exaspère. Ce que j’ai appris de consistant sur les racines, c’est pour avoir roulé à toute vitesse [en rollers] dans les rues tant qu’elles étaient bitumées. […] J’ai appris ceci de fondamental en parcourant Lyon la nuit sur mes rampes de roulettes lancées à tout vitesse: les racines, c’est ce sur quoi on trébuche. Voilà une bonne définition de la prétendue racine humaine, et qui explique qu’elle nous lance dans d’absurdes débats. […]

La racine humaine, si on en revient à cette image approximative, est perçue spontanément comme ce qui nous tient, nous nourrit, et nous relie à un passé ancestral qu’étrangement l’on pense enfoui, d’autant plus profond qu’il est ancien, cela doit être l’influence de nos rites funéraires. […]

La métaphore de la racine appliquée à l’homme est un caillou dans la chaussure, tout à la fois symboliquement parlante et botaniquement fausse, on y revient toujours, on s’en agace aussitôt, on la rejette, et on y revient sans le souhaiter. On le sent, dit-on, que l’on a des racines; comme si on le pouvait. L’homme n’est pas un arbre, la cause est entendue, les racines qu’on lui prête sont une image inventée, mais sans doute est-ce cela la meilleure propriété de cette image: la racine est ce sur quoi on trébuche, ce qu’on n’a pas choisi et qui est toujours en travers du chemin, ce qui par là même fait le chemin. »

Alexis Jenni, Parmi les arbres. Essai de vie commune, Actes Sud, 2021, extraits des pages 27 à 36.

Toute l’info et les premières pages à lire sur le site de l’éditeur, d’où vient aussi l’illustration ci-dessous.

Merci à l’amie qui m’a offert ce livre!

28 commentaires sur « R comme racines »

  1. Il faudrait que je lise ce livre, moi qui me suis toujours perçue comme privée de ces racines dont tout le monde parlait. Nous trébuchons sur les racines des autres et nous les faisons trébucher aussi.

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    1. c’est juste à ces pages-là, que je cite, qu’il en parle, quand il s’agit des racines de l’arbre, de leur fonctionnement.
      (mais tout ce qui touche à la question identitaire me touche de près ;-))

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  2. Ce n’est pas d’hier que j’me sens bien en forêt, la nature nous rend notre bienveillance
    L’homme construit son arbre généalogiste et à ses pieds ne respecte pas l’arbre , la nature
    Depuis toujours mes balades avec mes filles, ensuite avec mes petits enfants , certes j’ai souvent été moquée à une époque stupide où beaucoup se ruer sur le sable pour faire pile ou face et moi sac dans le dos j’emportais mon envie d’avoir envie de liberté saine en partage avec les miens
    Je ne regrette pas …
    Comme tout le monde oui j’ai voyagé , mais le plus possible côté nature en priorité
    Bonne journée Adrienne
    Merci pour cette vidéo

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    1. exactement et ce que l’arbre généalogique devrait nous apprendre en premier lieu, c’est que si racines il y a, elles sont très très très diverses et multiples 😉
      merci, bonne journée, bonnes balades!

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  3. Plaignons le citoyen du monde : il a des racines partout ! Le nombre de bûches qu’il ramasse à force de trébucher ! 😉

    Je ne sais pas si je ne vais pas rebondir – façon Walrus – sur ce billet pour parler de mes « racines » sarthoises retrouvées à mon retour de La Flèche !

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  4. Un sujet tentant pour renouer avec cet écrivain (qui a été prof de sciences naturelles, je l’avais oublié). Comme tu l’écris ci-dessus, nos racines à nous sont multiples, à nous de ne pas en faire des « identités meurtrières ». Bonne fête tout de même ;-).

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  5. Si je devais avoir des racines, elles seraient polonaises, mes quatre grands parents étant venus de Pologne en France dans les années 1920.
    En fait, si on tient à des métaphores botaniques, on peut dire que je fonctionne comme une bouture : je me développe où on m’installe… 😉

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  6. Les vraies racines de l’être humain, c’est l’enracinement à la terre nourricière. Et le fait que nous ayons perdu ce contact avec la terre, dans les sociétés modernes, génère bien des problèmes…On ferait bien de redescendre de nos sphères.
    Après pour tout le reste, je suis d’accord avec toi. Au sens figuré, ça met les gens dans des cases étanches et on oublie ce qui nous rassemble.
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  7. Les racines, c’est le mot qu’on a trouvé pour décrire ce qui définit les uns et emmerde les autres : La filiation.
    On naît où le sort a jeté notre mère.
    Nous nous attachons au lieu qui nous a vu grandir le temps qu’on grandisse.
    Après, je pense qu’on s’attache aux lieux pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec « les racines »
    Le reste n’est que litterature.
    Mais bon, ce n’est que mon avis de pauv’ bonhomme qui s’est baladé dans toute la moitié nord du monde et n’en a tiré que l’impression que la beauté est de tout les lieux

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