Si la lecture du billet du mois dernier, G comme gratis, n’a éveillé en vous que de tristes souvenirs, n’allez pas plus loin dans celui-ci.
Mais si, comme Tania à l’époque, vous voulez savoir si la requête et les formulaires envoyés ont reçu une réponse, voici l’affaire.
Jeudi l’Adrienne a reçu un mail d’Anett Dremel (Leiterin der Dokumentationsstelle/ Stellvertretende Leiterin der KZ-Gedenkstätte Mittelbau-Dora Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora) contenant quelques données à propos de celui dont elle s’enquérait, mort au camp d’Ellrich en janvier 1945.
« He was brought to Buchenwald concentration camp on 23 May 1944 and registered as a political prisoner. A few days later, on 8 June 1944, he was transferred to Dora and shortly afterwards to the subcamp Ellrich-Juliushütte. The inmates of the Ellrich Juliushütte subcamp had to do hard physical labour on construction sites around Ellrich. Most of the inmates worked on the expansion of tunnel systems for relocation projects of the Junkers-Werke near the village of Woffleben. Due to the hard forced labour and the catastrophic accommodation and care, many of the prisoners fell seriously ill after only a short time. He died on 29 January 1945 in the Ellrich-Juliushütte subcamp. His body was brought to Mittelbau-Dora the following day and cremated in the crematorium. »
C’est peu de choses, on est d’accord.
Il y avait aussi un lien vers quelques documents photographiés.

Le document qui résume le mieux l’annihilation de l’individu est cette petite carte du 22 mai 1944 où on n’a même plus complété les données: on l’a barrée trois fois, au crayon noir, en rouge, en bleu et on y a écrit qu’il ne s’agissait que de Kleinigkeiten, des bricoles, que la valise a été détruite (Koffer vernichtet) et tout son contenu confisqué (alles entnomen): les deux pull-over, les deux chemises, les deux pantalons, les chaussettes, le linge… que Zélie, son épouse, avait dû tristement plier dans une petite valise lors de son arrestation.
Comme en témoigne cette fiche du 23 mai, avec ce subtil euphémisme, afgegeben, « il l’a donné », au lieu du alles entnomen, « on lui a tout pris ».
La casquette aussi, qui venait de chez le grand-père de l’Adrienne.
Puis on lui demande d’y apposer sa signature pour confirmer (bestätigen) que tout est correct (richtig).
Richtigkeit, ci-dessus.
Bestätigt, ci-dessous.

Tout était noté. Tout a été conservé et numérisé. C’est à la fois terrible et admirable.
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Et absurde et cynique.
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C’est beau l’administration ! (Quand les registres sont bien tenus, mais on peut faire confiance à la rigueur allemande !)
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Bof..
Il y a systématiquement une erreur d’orthographe dans son prénom et souvent dans l’adresse, où « gezusters » devient « gezasters ». Le nom de l’épouse aussi est mal écrit.
Preuves que finalement, toute cette administration est là pour donner un semblant de légalité…
My two cents, bien sûr 😉
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Je me demande comment Anett Dremel vit son métier. Combien d’années peut-on affronter au quotidien l’horreur et l’absurde perpétrés par ceux qui étaient peut-être ses grands-parents ?
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Je me le suis demandé aussi.
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Le génie administratif : tout a été fait dans les règles.
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Voilà ! C’est l’impression que ça me donne aussi.
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Ce n’est pas un job administratif qui m’aurait plu
Cela dit l’administration il y a à boire et à manger …
Bon dimanche Adrienne
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C’est ce que je me dis chaque fois que je fais des recherches, ça a dû donner du boulot à des milliers de gens, toute cette organisation, comment le vit-on, pendant ? et après ?
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Je voudrais réagir, mais je n’ai pas de mots 😥
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Ça frappe fort, oui même si on a du mal à imaginer ce que ça a dû être de le vivre…
Merci d’être passé !
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C’est terrifiant !
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parce que ce sont ces petits détails concrets et à l’air anodin qui le rendent plus palpable, donc plus terrifiant.
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Ce peu de chose serre le cœur, merci pour le partage, Adrienne.
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merci à toi, bonne journée!
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Certains ont vraiment tout donné.
Un de la famille du côté de la meilleure moitié de moi-même a ainsi fini en pain de savon.
Je ne sais pas s’il a concouru à la toilette d’un gardien car les nouvelles étaient rares et incomplètes…
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tu me rappelles un poème que je faisais lire chaque année à mes élèves de Terminale:
TROIS GÉNÉRATIONS Paul Valet
Le père mourut dans la boue de Champagne
Le fils mourut dans la crasse d’Espagne
Le petit s’obstinait à rester propre
Les Allemands en firent du savon
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Des champions reconnus de longue date de l’efficacité administrative, ces Allemands…
Ils ont renoncé à la domination militaire apparemment mais exercent à présent une domination économique, beaucoup plus efficace…
Germanophobe, moi? 😉
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je sais, c’est difficile de les trouver sympathiques 😉
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Ces documents rendent l’histoire tellement concrète…
c’est poignant!
😥
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oui, ça fait tout un film dans ma tête…
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A la fois terrible et très éclairant…
Comment le mal absolu passe par de petits fonctionnaires zélés…
qui administrent les horreurs et les crimes comme si c’était des banalités.
C’est tout le propos d’Hannah Arendt lors du procès d’Eichmann
(la « banalité du mal »)
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c’est ça, des tas de petits rouages… qui réussissent à dormir tranquilles, chaque soir après le « travail »
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