M comme Marcel

Chaque mardi quand Madame se rend à la petite école d’Alexandra et Lucas, elle passe devant le numéro 124 où la porte et la grande fenêtre qui donne sur la rue ont encore leur peinture d’origine des années soixante: rouge vif.
Rouge sang.

Le numéro 124, c’était la boucherie familiale, qui avait appartenu au père du grand-père et qu’il ne réussissait pas à léguer à un de ses fils.

Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un à atteindre l’âge adulte et à qui il fallait trouver un travail, le cadet des dix enfants, le grand-oncle Marcel.

Qui ne voulait surtout pas devenir boucher mais maçon.

Alors qu’a fait le père? Il a dit à l’entrepreneur, un de ses beaux-fils, sans doute son préféré, qui avait passé toute la guerre de 14-18 dans les tranchées comme volontaire de guerre:

– Tu lui feras faire tout ce qu’il y a de plus lourd, de plus éreintant, je veux qu’il en ait marre en moins de huit jours.

Ainsi fut fait.

– Je crois que je vais quand même devenir boucher, a dit le grand-oncle Marcel.

***

J’ai déjà parlé du grand-oncle Marcel ici.

Sur la photo de famille prise à l’occasion des noces d’or des parents de mon grand-père, les enfants et les conjoints sont dans l’ordre hiérarchique, les aînés flanquent les parents et les trois plus jeunes sont au dernier rang: mon grand-père avec grand-mère Adrienne, le grand-oncle Émile avec son épouse et le grand-oncle Marcel avec son épouse.
L’entrepreneur est le type content de lui qui se trouve juste derrière le couple fêtant ses noces d’or.

Ceux qui savent compter verront qu’il n’y a pas dix couples, mais neuf: un des des dix enfants, une petite fille, est morte à l’âge de 10 ans.

20 commentaires sur « M comme Marcel »

  1. Bonjour Adrienne
    Je rebondis sur ton com chez moi ce matin
    Tu n’as pas dû lire mes explications
    Nous sommes dans la région autour de Billom et la culture de l’ail a même sa fête de ce fait l’ail sur cette fontaine a tout a fait sa place 🙂
    Ah oui le rouge qui annonce la boucherie oui en effet métier difficile mais à une époque ce métier de bouche était respecté …
    Bonne journée Adrienne

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    1. Si si, j’avais bien tout lu, l’ail rose etc mais ça ne me fait pas changer d’avis sur l’aspect esthétique 😉
      Et je répète que c’est une opinion toute personnelle, des goûts et des couleurs etc

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  2. J’ai connu un papa d’élève, qui était à la fois fermier et maçon et qui voulait que son fils fasse des études pour moins souffrir du dos que lui. Ce qu’a fait son fils. Devenu éducateur spécialisé, pour le moment, il travaille comme éducateur interne dans un internat.
    La dernière fois que je lui ai parlé, il m’a dit que beaucoup de parents s’étonnaient:
    « Quoi, on a mis notre enfant à l’internat et il a encore des échecs! ».

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    1. typique: ce que le père et la mère n’obtiennent pas de leur enfant dans leur propre maison, il faudrait – hocus pocus – qu’on l’en obtienne à l’intérieur de l’école 🙂
      (je n’oublierai jamais ce papa qui m’a dit: Mijn zoon studeert niet, wat gaat u daaraan doen?
      (avec l’accent sur le « U »)

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  3. Belle et impressionnante photo de famille!
    A cette époque-là, un métier, c’était pour toute la vie.
    J’espère que le grand-oncle Marcel y a trouvé quelques bons côtés!
    Ça me fait penser à un autre grand-oncle, du côté de la famille du Nini, qu’on a obligé à reprendre le commerce familial mais qui n’avait tellement pas de goût pour ça que l’affaire a fini par péricliter.

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  4. Coucou, je lis ce texte et visualise cette photo qui nous ramène aux très anciennes photos de famille qui disparaissent … définitivement… avec le numérique … sauf chez Adrienne !
    Incroyable comme les parents choisissaient pour « leurs enfants qui, pourtant, ne leur appartiennent pas ! » C’est ainsi que beaucoup -de certaines générations- n’ont pu choisir selon leurs dons, leurs capacités ! Le temps perdu ne se rattrape jamais ! Merci Adrienne, à demain…

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    1. oh! ça existe encore! de manière directe ou de manière subtile, je l’ai souvent constaté à quel point les parents « dirigent » les vocations de leurs enfants selon leurs propres critères…
      Merci à vous, bonne journée!

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  5. Je lisais hier soir l’histoire d’un vieux monsieur très brillant puisqu’il a été premier de son canton au certif’ et qui souhaitait continuer ses études. Le père a refusé et il est devenu charpentier selon la volonté paternelle : il le regrette encore à ce jour, mais il n’y avait pas moyen de contrer une décision paternelle à son époque.

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    1. ce n’est toujours pas facile, le père est le sponsor des études, généralement 😉
      on peut désormais l’y contraindre légalement, mais avant d’aller jusque-là… on plie ou on arrive à un compromis, aujourd’hui encore.

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    1. les fils aîné et même l’avant-dernier (mon grand-père) étaient tous entrés dans l’industrie textile, ne restait plus que Marcel pour reprendre la boucherie (lui le textile ne l’intéressait pas)

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