Le défi du 20

Herr Gottlieb Biedermaier, par ce beau dimanche de la mi-juillet, dit à son palefrenier:

– Retourne à la maison sans nous attendre, nous rentrerons à pied après la messe, la promenade nous fera du bien!

Frau Biedermaier n’avait pas eu le temps de protester que ni elle ni les enfants n’avaient les chaussures adéquates, la carriole était déjà partie.

Évidemment, la grand-messe avait duré plus longtemps que d’habitude, Fräulein Baumann n’en finissait pas à l’harmonium et quand ils sont sortis sur le parvis, il n’était pas loin de midi, le soleil tapait dur, le temps virait à l’orage.

– En route! dit Herr Biedermaier en prenant la main de la cadette, et il partit, le ventre en avant.

Il dut se rendre à l’évidence, lui non plus n’était pas équipé pour la promenade au soleil, et après avoir ôté la veste, déboutonné le gilet et dégrafé le col, il suait encore à grosses gouttes.

Derrière lui, digne et droite, son épouse ne pipait mot.
Jamais devant les enfants, n’est-ce pas, mais il savait qu’il l’entendrait, le moment venu.

La petite avait soif.
La grande aurait bien cueilli encore quelques fleurs, mais on l’avait obligée à bien tenir son parasol devant son visage.
La belle-sœur claudiquait.

Le seul qui s’amusait était le jeune Werther, qui avait emporté son filet à papillons malgré l’interdiction.

– Il ira loin, celui-là, avait déclaré le père.

Il ne croyait pas si bien dire.

***

Merci à Monsieur le Goût pour ce 156e devoir et merci à Passiflore pour son défi du 20, le thème du jour – « à la campagne » – s’accordait parfaitement au tableau proposé par Monsieur le Goût, Der Sonntagsspaziergang, ou Promenade dominicale, 1841, de Carl Spitzweg.

52 commentaires sur « Le défi du 20 »

  1. J’aime le tableau et le texte que vous avez écrit.
    Par chez nous, il y a encore quelques sentiers appelés chemins de messe; Herr Biedermaier en suit un bien joli.
    Bravo à vous et bon lundi.

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  2. Une histoire qui a bien existé du temps de ma grand mère! Merci à toi et monsieur le goût de me faire découvrir ce charmant tableau que je ne connais pas!
    Merci aussi pour la traduction et ta participation.
    Bonne journée😘

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  3. Bravo pour ce texte de recherches approfondies ! (finalement j’ai un peu honte de mon texte mais je ne voulais pas laisser tomber notre cher Goût, des fois qu’il ne s’en relève pas, hihi).

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  4. Tu t’es bien faite à l’idée qu’ils étaient allemands, finalement !
    Et c’est une riche idée d’être allée chercher le tableau complet, cela a enrichi les personnages…Notamment le jeune Werther, il fallait y penser.
    Génial !
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  5. Coucou Adrienne, j’apprécie cet article qui m’a également renvoyée à l’époque Biedermaier, avec le même tableau où s’ajoute le reste de la famille… merci à vous, à très bientôt le plaisir de vous lire ! Je lirai les autres plus tard…

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  6. Heureusement en ce XXIe siècle plus personne ne va à la grand-messe, d’ailleurs il n’y en a plus. Outre l’inutilité de la chose, ça facilite les promenades dominicales sans l’obligation de rituels religieux sans intérêt.
    Vive la laïque ! 🙂

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      1. Tout à fait ça, maintenant, les gens ne vont plus à la messe, mais chaussent les baskets…comme ma fille et mon petit fils qui courent tous les dimanches…ma fille n’a même pas fait baptiser son 3e enfant…et je le regrette….et puis, plus de paroissiens, plus de sous pour entretenir les églises. Ca me fend le coeur de voir qu’on les abat parce que les communes n’ont pas de fric…

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      1. Ah non, pour aller à la messe, même les pauvres mettaient « les habits du dimanche » et les belles chaussures…nous avions de belles robes qu’on enlevait juste après la messe, on enlevait ses chaussures du dimanche et on mettait les vieilles chaussures percées…quand même bizarre ce raisonnement, le paraître le dimanche et le reste de la semaine, on s’en fichait…

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  7. Leçon de « choses » leçon de vie,
    ça me prend au coeur, merci Adrienne de cette belle élégance de vie
    belle journée
    à bientôt

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  8. C’est chez toi que j’ai vu en premier le tableau en entier…toute une famille rentrant à pied après la messe….La messe, c’était sacré. Au fond, je regrette que les paroissiens aient déserté les églises…Enfant, après la « corvée » du prêche du curé, qui, parfois, durait des heures, j’attendais le morceau de brioche qu’on distribuait tous les dimanches (chaque famille payait à son tour la ou les brioches – ensuite la sortie de l’église et le bonjour à droite et à gauche. C’était notre distraction du dimanche….

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  9. Belle convergence des thèmes. Je ne connaissais pas ce peintre ni cette œuvre. Jolie petite histoire avec clin d’oeil, digne de l’attitude du Herr au chapeau perché C’est très vivant, quasi cinématographique Bonne soirée.

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