Question idiote

Selon le site où on l’a trouvée, cette photo daterait de l’ère victorienne, donc de la seconde moitié du 19e siècle.

Le geste que font ces dames, se frotter les deux index l’un contre l’autre, à plusieurs reprises, aurait comme signification « shame!« , honte sur toi.

Il y a eu un gros déclic dans la tête de l’Adrienne (oui oui 😉 ) parce que ce geste-là se faisait aussi dans la cour de récré de l’école primaire, fin des années 60.

Si elle se souvient bien, c’était une forme de moquerie.
Une façon de traiter l’autre de bébé ou de minus.
Mais les souvenirs sont flous.

Ce qui étonne l’Adrienne avec cette photo, c’est qu’apparemment ce geste existait déjà un siècle plus tôt et dans d’autres pays de par le monde: ce cliché se retrouve sur les réseaux sociaux où des gens d’est en ouest, de la Tchéquie aux USA, réagissent exactement comme l’Adrienne, « Ah! oui! j’avais oublié mais on faisait ça quand on était petits! »

D’où la question idiote qu’elle se pose: comment ces petits gestes voyageaient-ils d’une cour de récré à l’autre, de pays en pays, quand il n’y avait ni internet ni autres tiktokeries pour les populariser?

P comme Pevernage

Andreas Pevernage est né à Harelbeke, près de Courtrai, en 1542 – ou peut-être était-ce en 1543, pour cette date on se base sur son âge au moment de son décès, le 30 juillet 1591, à Anvers.

Il est un de ces nombreux polyphonistes flamands qui connaissent du succès partout en Europe pendant la Renaissance et sont souvent employés en Italie, comme Willaert à Venise ou de Rore à Parme.

Mais contrairement aux autres, Andreas Pevernage n’a jamais quitté le pays: il a fait carrière à Bruges, Courtrai et Anvers, obligé de changer de ville chaque fois que les guerres de religion entre protestants et catholiques l’en chassaient.

Rester au pays ne l’a pas empêché de suivre la mode des madrigaux italiens, qu’il a lui aussi mis en musique, comme le madrigal de la vidéo, qui est un poème de Ludovico Ariosto, extrait de son Orlando furioso, chant XXXIII, 63:

Il dolce sonno mi promise pace,
ma l’amaro veggiar mi torna in guerra:
il dolce sonno è ben stato fallace,
ma l’amaro veggiar, ohimè! non erra.
Se ’l vero annoia, e il falso sì mi piace,
non oda o vegga mai più vero in terra:
se ’l dormir mi dà gaudio, e il veggiar guai,
possa io dormir senza destarmi mai.

Le doux sommeil me promettait la paix,
Mais la vision amère me ramène à la guerre.
Le doux sommeil a été bien mensonger,
Alors que la vision amère, hélas, ne se trompe pas.
Si le vrai m’ennuie et le faux me plaît,
Que je n’entende ni ne voie plus jamais la vérité sur terre;
Si le sommeil me donne de la joie et la vue des problèmes,
(Faites) que je puisse dormir sans plus jamais me réveiller.

(traduction de l’Adrienne)

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Vous ne connaissiez pas ce Pevernage?

C’est normal, moi non plus 🙂

C’est pour ça aussi qu’on va au concert, n’est-ce pas, pour faire des découvertes.

O comme offre d’emploi

A Bruges, au musée du folklore, il y a un « estaminet » qui porte le nom De zwarte kat (le chat noir) et où il y a toujours eu un chat noir, appelé Aristide.

L’Aristide IV étant décédé, les musées brugeois ont lancé une très officielle offre d’emploi, rédigée dans les termes appropriés, pour trouver un Aristide V.

Une des conditions de base est bien sûr que le chat soit noir, parfaitement noir.

Provisoirement, pour les chats on peut encore avoir ce genre de requête 🙂

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La photo d’illustration est celle qui accompagne l’offre d’emploi.

Vous avez jusqu’au 28 mai pour vous proposer.

N comme Nelly

Derrière le nom de ses cousines, grand-mère Adrienne avait l’habitude d’ajouter une précision pour bien savoir de qui il était question.

Dans le cas de ses cousines Jeanne et Marguerite, c’était utile, vu qu’elle en avait deux de chaque, donc elle disait d’une traite « Jeanne de l’oncle Richard » ou « Jeanne de tante Léonie ».

Dans le cas de Nelly, mini-Adrienne ne voyait pas l’utilité de dire « Nelly-de-Bruxelles », vu qu’à sa connaissance il n’y en avait qu’une seule dans la famille, mais l’autre jour ça s’est avéré fort utile:

– Nelly-de-Bruxelles a demandé comment tu allais et pourquoi tu ne lui téléphones plus, a-t-elle dit à sa mère.

Et de cette façon elle savait tout de suite de qui il s’agissait.

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L’arrière-grand-père (sur la photo ci-dessus, prise peu avant la guerre de 14, avec son épouse et sa fille, grand-mère Adrienne) et sa sœur Léonie, tous deux nés au 19e siècle, sont devenus nonagénaires, de sorte que mini-Adrienne a eu la chance de les connaître.

M comme Ma(rc)gritte

Mon très cher Marc,

Merci pour l’envoi de ta dernière peinture.

Tu me demandes ce que j’en pense, et si j’y vois une sorte d' »obsessession crépusculaire« .

Permets-moi de te répondre très franchement: j’y vois surtout une imitation de Magritte.
En moins bien, je suis désolé si je te fais de la peine, mais je crois qu’il vaut mieux que je te le dise et que tu changes à temps ton fusil d’épaule.

Il est loin le temps d’Aristote où on admirait l’art de l’imitatio. Aujourd’hui on attend d’un artiste une plus grande part de créativité.

Je répondrai de même à ta question sur ton autre obsession, « cette bille monstrueuse« : Magritte, encore! Hélas, tout l’aspect philosophique en moins.

Crois-moi, je te le dis en toute amitié et pas seulement parce que m’incombe le souci de vendre tes toiles ou de t’organiser des expos: trouve ton propre chemin!

La flèche de Zénon

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Merci à Monsieur le Goût d’avoir proposé un tableau de Marc Chalme, d’où le titre choisi pour ce billet, choix que confirme une petite visite à son site 😉

L comme Léontine

Oui, c’est grave! C’est même très grave, pour d’honnêtes commerçants comme nous! Et tout ça est de la faute à Léontine! Mais elle va voir de quel bois je me chauffe! Ah ça! Elle ne perd rien pour attendre, foi de Coppenolle!

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Merci à Joe Krapov pour sa consigne et pour la photo de Cartier-Bresson prise à Bruxelles en 1932, où on croirait voir Bossemans et Coppenolle obligés de regarder le foot en stoemeling 🙂

K comme krapoverie

Photo de Joonas ku00e4u00e4riu00e4inen sur Pexels.com

Louis Chèze est mécontent de son nom, depuis toujours.

A l’école il était l’objet de moqueries et maintenant qu’il a l’âge adulte il se sent toujours obligé de l’épeler.

Jusqu’à présent d’ailleurs, personne n’a voulu devenir « Madame Chaise », de sorte qu’il envisage sérieusement un changement de patronyme.

Il a été bien étonné d’apprendre, l’autre jour qu’ils étaient tous attablés au Cochon à Plumes, que ses amis Nicolas le Vergeur, Paul Douce et Just Fontaine vivaient le même genre de problèmes.

Seule Antoinette Paillard ne disait rien et souriait : bientôt elle serait délivrée des quolibets puisqu’elle allait épouser le frère de son amie Françoise Carillon-Ramonet.

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Merci à Joe Krapov pour cette consigne, inspirée des noms de lieux et de gens dans la capitale du champagne 🙂

J comme Jacques

Avec l’amie de toujours, celle qu’on connaît depuis la maternelle, l’Adrienne est allée écouter un concert « Hommage à Brel » par le formidable Filip Jordens, qui a le bon physique, le bon grain de voix et va jusqu’à imiter la diction du grand Jacques.

En « bis » il a offert Quand on n’a que l’amour et l’Adrienne a dit à l’amie: cette chanson-là, elle a été écrite pour toi.

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Ceux qui comprennent le néerlandais peuvent l’entendre s’exprimer ci-dessous, invité à une émission télé chez nos voisins bataves, à propos de sa relation avec Jacques Brel, qui commence par la chanson Quand on n’a que l’amour, que ses parents avaient choisie pour leurs fiançailles.

Il y explique aussi qu’il est un pur produit belge, né en Flandre d’un père francophone et d’une mère néerlandophone 🙂

I comme Il était une fois…

Il était une fois un roi qu’on croyait triste alors qu’il était juste conscient du poids de sa responsabilité morale.

C’est ainsi que vers 1991-92, alors qu’il parcourait son pays dans tous les sens depuis déjà quarante ans, il lit dans le Knack une série d’articles qui l’interpellent.

Ils sont le fruit du travail d’investigation d’un jeune journaliste flamand, Chris De Stoop, qui a infiltré et mis au jour une organisation internationale de trafic de femmes en provenance du Sud-Est asiatique.

Le roi décide de rencontrer le journaliste, puis de se rendre personnellement dans un de ces foyers où ces femmes échappées de l’esclavage sont recueillies et aidées.

Il y fait la connaissance de Luz, une jeune femme des Philippines.

Tout cela fait grand bruit dans le petit pays, et ça décide les politiciens à entrer en action.

C’est ainsi qu’un an plus tard, quand le roi meurt en plein milieu de l’été, les présidents et autres têtes couronnées assistant à son enterrement ont la grande surprise de voir une Philippine en pleurs à côté d’un jeune journaliste qui lit le témoignage qu’elle-même est incapable de lire à cause de l’émotion qui la submerge.

D’autres journalistes, de ceux qui relatent ce genre d’événements « mondains », écriront qu’à l’enterrement de ce roi il y avait une prostituée.

C’est qu’ils n’ont rien compris à l’affaire.

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Écrit à la demande de Chantal, dans son commentaire mardi dernier.

Après cette première série de reportages, publiés en livre sous le titre « Ze zijn zo lief, meneer » (Elles sont si gentilles, monsieur, 1992), d’autres livres de Chris De Stoop ont suivi, dont celui qui a été traduit en français récemment Le livre de Daniel (Het boek Daniel, 2020), et qui est son avant-dernier.

Le tout dernier raconte la vie et la mort en temps de covid dans les maisons de repos, Hemelrijk (littéralement: le royaume des cieux) publié en 2022.

H comme hôtel

Depuis que l’Adrienne a laissé traîner ses précieuses coordonnées – « à l’insu de son plein gré » – lors du séjour au festival de Glyndebourne, au printemps dernier, il ne se passe pas de saison sans qu’elle reçoive d’alléchantes propositions pour des séjours dans des hôtels de charme, au milieu de la campagne du Sussex.

Alléchantes, on parle des photos, bien sûr, pas des prix, qui sont réservés aux happy few.

D’habitude ça passe tout de suite à la poubelle mais là, ce lit à baldaquin… ça l’a fait sourire, penser au temps de sa jeunesse, quand elle s’évertuait à lire Wuthering Heights et elle s’est demandé s’il fallait souscrire une police d’assurance avant de s’aventurer dans un tel lit 🙂

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Source de l’illustration ici. Vous y verrez que l’endroit est tout à fait charmant – so british – et que la chambre avec baldaquin revient à 385 pounds par nuit.