J comme juste à temps

Ouf! juste à temps, se dit l’Adrienne en déposant le précieux paquet simplement enveloppé d’une feuille de papier.

Elle s’était dépêchée entre deux averses, jeudi dernier, pour aller récupérer la photo de famille chez un encadreur.

La ficelle avec laquelle elle l’avait accrochée au mur du salon, il y a dix ans, datait de l’époque de la photo, 1938-39, de sorte qu’un jour l’Adrienne a entendu un grand bing!

Le cadre était par terre dans des débris de verre.

Si vous êtes allé cliquer sur ce lien, vous vous direz « Mais pourquoi avoir attendu six ans avant de le faire réparer? »

Et bien voilà, d’abord l’Adrienne avait pensé le faire elle-même.

Mais elle avait si peur d’aggraver les dégâts, d’abîmer le cadre en essayant d’enlever les petits clous rouillés, bref de ne pas être à la hauteur, qu’elle attendait… quoi, au juste?

Peut-être justement le retour dans sa ville de l’encadreur auquel elle avait déjà confié une tâche vers… 1990-95.
Puis il était parti s’installer en Tunisie – il est artiste peintre – où il est resté entre quinze et vingt ans.

Même lui a eu besoin de plus de dix jours, d’ailleurs 😉

– Venez samedi, ce sera fait!

Puis il se ravise:

– Ou plutôt non, samedi sera vite là, venez mercredi prochain.

Mais le mercredi, ce n’était pas prêt.

– Pas grave, dit l’Adrienne, depuis le temps que je l’attends, je ne suis pas à deux ou trois jours près!

– J’ai vraiment de la chance avec mes clients, répond l’artiste, ils sont toujours tellement compréhensifs!

J comme jeune fille

Elle est bien au chaud dans sa voiture d’enfant, à côté de l’étang avec sa grand-mère, et s’amuse des pigeons qui viennent picorer des miettes. C’est un hiver en ville, la pelouse rase est blanche de givre et l’étang aux canards est gelé.

C’est l’été, elle est à la plage avec sa pelle et son seau, elle est si petite que la mer semble un océan, de ce bleu gris parfait des peintures d’Ensor. On lui a mis un chapeau, des lunettes de soleil et un vent léger fait voleter ses boucles blondes.

Elle est à la maison et elle est la reine de la fête: c’est son anniversaire, sur son assiette le gâteau au chocolat est orné d’une bougie, derrière elle on voit une montagne de cadeaux et de surprises.

Elle est à l’école et avec ses amis de classe, sur le podium, les déguisements semblent raconter une histoire inspirée de Love, actually: il y a la banane, la pieuvre, et bien sûr elle est en licorne.

Elle est sportive. Pas de jeux de balles ni de ballon, mais d’abord une période joli petit rat en tutu rose, puis une longue période de championnats de rope skipping, jusqu’au jour où ses jambes, surtout les genoux, l’ont empêchée de continuer.

Alors Cupidon est passé la consoler, avec son arc et une flèche coup de foudre rapide, le temps de reprendre ses esprits et d’aller poursuivre ses études universitaires en Australie.

Voilà en quelques photos toute sa biographie 🙂

***

Écrit avec les mots de cette consigne de Joe Krapov – merci à lui!

Dans cette liste de cinquante mots, choisissez en dix que vous devrez insérer dans votre texte.

montagneassietteratdéguisementrosefoudrechaud – piano – océanblanc – château – rapidepigeon flècheétéballe – vert – pauvre – Australiepieuvreécoleamisbananepetit – malin – villeléger – sucre – bague – plage – blé – prison – licornejolivoituresurprisegris – poisson – reine – Russie – pellemaisonchocolat – sandwich – champignon – histoirejeunejambe – roi – hiver

J’ai zappé le reste de la consigne trop compliquée pour moi et utilisé 36 des 50 mots pour raconter la jeune vie de l’aînée des petites-filles de ma tante 🙂

J comme J’aime!

Hier, on a eu un nouveau professeur de gymnastique.

— Je m’appelle Hector Duval, il nous a dit, et vous?

— Nous pas, a répondu Fabrice, et ça, ça nous a fait drôlement rigoler.

J’étais sur la plage avec tous les copains de l’hôtel, Blaise, Fructueux, Mamert, qu’il est bête celui-là! Irénée, Fabrice et Côme. Pour la leçon de gymnastique, il y avait des tas d’autres types ; mais ils sont de l’hôtel de la Mer et de l’hôtel de la Plage et nous, ceux du Beau-Rivage, on ne les aime pas.

Le professeur, quand on a fini de rigoler, il a plié ses bras et ça a fait deux gros tas de muscles.

— Vous aimeriez avoir des biceps comme ça? a demandé le professeur.

— Bof, a répondu Irénée.

— Moi, je ne trouve pas ça joli, a dit Fructueux, mais Côme a dit qu’après tout, oui, pourquoi pas, il aimerait bien avoir des trucs comme ça sur les bras pour épater les copains à l’école. Côme, il m’énerve, il veut toujours se montrer. Le professeur a dit:

— Eh bien, si vous êtes sages et vous suivez bien les cours de gymnastique, à la rentrée, vous aurez tous des muscles comme ça.

Alors, le professeur nous a demandé de nous mettre en rang et Côme m’a dit:

— Chiche que tu ne sais pas faire des galipettes comme moi. Et il a fait une galipette.

Moi, ça m’a fait rigoler, parce que je suis terrible pour les galipettes, et je lui ai montré.

— Moi aussi je sais ! Moi aussi je sais ! a dit Fabrice, mais lui, il ne savait pas. Celui qui les faisait bien, c’était Fructueux, beaucoup mieux que Blaise, en tout cas. On était tous là, à faire des galipettes partout, quand on a entendu des gros coups de sifflet à roulette.

— Ce n’est pas bientôt fini? a crié le professeur. Je vous ai demandé de vous mettre en rang, vous aurez toute la journée pour faire les clowns!

Sempé et Goscinny, Les vacances du petit Nicolas, Folio Junior n° 457, début du chapitre La gym, p. 37 à 39.

C’est grâce au Petit Nicolas que l’Adrienne a appris le mot « galipette », que Walrus propose cette semaine au Défi du samedi.

***

source de l’image ici (interview de Sempé en mars 2019) – ce volume de la collection du Petit Nicolas peut aussi se lire en ligne ici et ici.
Mais vous n’aurez pas les merveilleux dessins de Sempé 🙂

J comme jeunesse

C’est l’été de ses vingt ans et depuis le printemps déjà, Louis sent qu’il a changé.
Qu’il n’est plus un enfant.
Qu’il veut prendre ses propres décisions.

Mais le père est intransigeant.
Louis sait qu’il ne cèdera sur rien, ni sur ses prérogatives de chef de famille et de maître absolu de son exploitation agricole, ni sur les choix amoureux de son fils.

Parce que c’est ainsi que tout a commencé, à la fin de l’hiver: quand il a été question du meilleur endroit pour y semer le lin et quand il a vu sur lui le regard et le sourire de Schellebelle.

Le père serre les poings, serre la mâchoire, serre son lourd bâton, celui avec lequel il portera le coup fatal.

– Tout est de la faute de cette effrontée, rugit-il. Je t’interdis de t’approcher d’elle.

Louis obéit et attend son heure.
Même si ça lui crève le cœur de voir Schellebelle rire et bavarder avec les journaliers, ses semblables.

Alors il voudrait ne pas être le fils du maître et avoir le droit de batifoler, lui aussi.

Et avoir la certitude d’être aimé pour lui-même.

***

Merci à Monsieur le Goût pour son 146e devoir:

« La multiplicité des interprétations possible de cette toile de Léon Augustin Lhermitte m’a amusé. Elle devrait vous inspirer autant qu’elle m’a inspiré en la voyant. Même mieux encore j’espère. »

Le tableau m’a tout de suite fait penser à l’intrigue d’un roman de Stijn Streuvels, paru en 1907, De Vlaschaard (Le champ de lin).

Pour ceux que ça intéresse, il y a deux billets où j’ai traduit des extraits d’une autre œuvre de Streuvels: ici et ici.

J comme Jeu de paume

Quel geste viril! Il s’effectue de préférence au cours d’une manœuvre un peu délicate, quand une concentration classique, les mains empoignant fermement le volant, semblerait requise. Avec une expression impavide, et souvent un mâchouillement de chewing-gum, comme une métaphore supplémentaire de décontraction affichée, l’automobiliste de paume fait son grand numéro. Il n’a pas besoin de ses doigts. […] Un grand tourniquet dans un sens, puis dans un autre. C’est James Bond au créneau.

Il y a une idée de légèreté dans le projet – je m’appuie à peine sur la surface des choses, et elles m’obéissent. Pourtant, curieusement, cette volonté d’effleurement recèle une violence à la fois arrogante et légèrement bestiale […] une sensualité de petit mec, qui juge les autres hommes timorés et pense que les femmes ont trouvé leur permis de conduire dans un baril de lessive. […] cela veut tellement dire je suis plus fort, plus désinvolte, plus futé, plus rapide, qu’au lieu de susciter l’admiration espérée, le frimeur est tout de suite détesté. […]

Philippe Delerm, L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, Le Seuil, 2020, p.27-28.

Avouons que tous nous avons déjà observé ce geste, ce personnage, et éprouvé ce genre de sentiments en le voyant 😉

J comme jaune

Il était là comme s’il l’attendait et d’une main il montrait la façade de son voisin: elle venait d’être peinte en jaune moutarde.

Het knalt! fait l’Adrienne en riant et il est bien d’accord.

Knallen‘ c’est le verbe qui exprime le crépitement sonore du feu d’artifice. Le bruit du bouchon de champagne qui saute. Ou du pot d’échappement troué.

Knalgeel‘, jaune pétant.

– Ils ont laissé les échafaudages, explique-t-il, parce qu’il faut encore une troisième couche.

Et voilà, se dit l’Adrienne un peu plus tard en poursuivant son chemin, tout ce quartier de maisons ouvrières made in 1922, qui est ‘site protégé’, ce qui interdit de facto d’isoler les murs extérieurs puisqu’il faut garder l’aspect authentique 1922, on a pu lui enlever ses jardinets de rue et on peut cacher la brique, les courbes et les reliefs sous les couleurs les plus diverses et les plus voyantes…

***

Le cher petit monsieur à longue barbe grise apparaît ici depuis une dizaine d’années, j’aurais dû lui prévoir un tag. On peut le trouver ici, par exemple, sauf que ces dernières années il est passé de la pipe aux cigarillos 🙂

J comme Joanna

« À quoi bon ? Enfin… Vous ne supposez pas que ce n’était pas en apparence ? »

Mais qu’est-ce que c’est que ce charabia de précieux ridicule du 21e siècle?
Genre: « vous n’êtes pas sans savoir que… » ou pire encore « vous n’êtes pas sans ignorer que… »

Si vous lui demandez s’il faut prendre un parapluie, il vous répond qu’il « n’est pas impossible qu’il ne pleuve pas » et si vous en concluez – à tort – que vous pourrez donc vous en passer, il vous dira doctement « je ne vous ai pas incitée à ne pas prendre vos précautions ».

Il m’énerve!

Il m’énerve avec ses « je ne peux pas ne pas être satisfait », ses « je n’ai pas l’intention de ne rien faire », ses « vous ne pouvez pas ne pas me le refuser »…

Quand il est au tribunal, à la barre, c’est peut-être un bon moyen d’embrouiller l’adversaire, mais dans la vie courante?
Est-il encore capable d’exprimer une idée claire et nette, sans ambiguïté?

J’arrête de me prendre la tête et je lui réponds comme il le mérite:

« J’ai bien été la première à vérifier l’exactitude de la chose, quand j’étais votre amour… en apparence. »

***

Tout savoir sur le tableau, ici – Merci à Monsieur le Goût pour la consigne du devoir 136:

Cette toile de Gustave Courbet dite « Jo la belle Irlandaise » me dit quelque chose. J’aimerais que cette note commençât par « À quoi Bon ? Enfin… Vous ne supposez pas que ce n’était pas en apparence ? »
Aussi qu’elle finît par « J’ai bien été le premier à vérifier l’exactitude de la chose, quand j’étais votre amour… en apparence. » J’espère que vous aurez une histoire à raconter à partir de ces deux phrases tirées des « Contes d’amour, de folie et de mort » d’Horacio Quinoga.

J comme Je continue

Comme le suggérait Mo dans son commentaire sous le billet du 7 août, continuons.

« Étant donné qu’à cet âge-là Cholokhov avait adopté la mode de bien cacher sa pomme d’Adam sous un col roulé stylé ou une chemise dûment boutonnée, les battements surexcités de son cœur devaient être intenables dans sa gorge compressée quand il monta les marches de l’hôtel de ville avec solennité, comme il sied à un lauréat du prix Lénine, sied à un lauréat du prix Staline, sied à un prix Nobel. Il valait donc mieux qu’il garde le bouton de col bien fermé quand en haut des marches il serra la main du bourgmestre local, Hjalmar Leo Mehr, en réalié Meyerovitch, radical socialiste et fils de juifs russes révolutionnaires. On était entre camarades. Il est possible que Cholokhov ait aussi reconnu Olov Palme parmi les invités, un gars de gauche depuis que de ses propres yeux parfois gris, pendant des vacances en Amérique, il avait vu les différences entre pauvres et riches, ministre suédois des Transports et de la Communication à l’époque de cette remise du Nobel mais loin d’être aussi célèbre que vingt et un an plus tard grâce à une seule balle dans le dos tirée par un meurtrier parfait. Bref, du grand monde, des gens importants. Des membres du puissant clan d’éditeurs Bonnier, par exemple : leur réseau laissait des traces jusque dans les fumoirs du palais. Le roi lui-même n’aurait pas voulu rater ce banquet. Gustave VI, commensal soporifique, mauvais au billard, botaniste amateur avec une légère prédilection pour le monde merveilleux du rhododendron, mais d’après les rumeurs un grand amateur de livres, avec une bibliothèque gigantesque dont le dépoussiérage offrait quelques journées plaisantes chaque année au personnel de sa cour. Tous étaient là pour lever le verre au grand Mikhaïl Cholokhov. Et bien sûr aussi pour être parmi les privilégiés qui entendraient son discours et l’applaudiraient longuement.

Pour atteindre la salle du banquet, Cholokhov et ses admirateurs devaient d’abord traverser la galerie des Princes, que le prince Eugène avait cru devoir orner de fresques de sa main, considérant bêtement tout comme Néron qu’une position sociale élevée produisait automatiquement des talents artistiques. Mais au plus profond de son âme obscure, Cholokhov avait une sympathie immense pour l’artiste de troisième zone, pour des raisons qu’il ne pouvait pas montrer, et certainement pas le jour où on lui décernait le Nobel.

Ensuite l’assemblée fut dirigée vers la Salle Dorée. Plus de pompe que de splendeur. Une boîte de pierre ornée de mosaïques d’or, plus de dix-huit mille, selon un historien de l’art qui s’était donné la peine de les compter. La représentation d’une blonde anorexique sur un des murs devait symboliser Stockholm, au centre de la planète, non, au centre de l’univers entier ! La plupart des dessins d’enfants surpassaient qualitativement cette vomissure picturale. Mais une fois de plus Cholokhov devait ressentir une chaude relation fraternelle avec son auteur.

Du plafond de cette caverne à paillettes descendraient bientôt les plats de manière théâtrale, directement de la cuisine. Des nez exercés étaient peut-être capables de reconstituer le menu à l’odeur : une roulade de soles pochées, du poulet farci servi avec une vinaigrette d’asperges et une sauce madère au foie gras, de l’ananas à la macédoine, avec de la liqueur, bien entendu, et des petits fours. Ensuite du café, et par manque d’inspiration une liqueur Marie Brizard et un cognac Courvoisier. Le cœur de cosaque de l’auteur fêté aurait battu plus joyeusement si par magie on avait fait apparaître un cruchon de vodka mais les rumeurs sur son alcoolisme sauvage dès qu’il y avait de la vodka sur la table étaient sûrement sorties depuis longtemps des limites du village de Kroujlinine ; elles s’étaient même fait un chemin au travers du mur de Berlin et le comité du Nobel redoutait probablement qu’un discours soit lu par une langue triplement fourchue.

Le dîner lui-même avait lieu à côté, dans la Salle Bleue, bien qu’elle ait la couleur du rouge désespérant de ses briques. Les sept cents invités cherchèrent bruyamment la place qui leur avait été désignée à table par une logique inconnue et cachèrent le cas échéant leur déception d’être à côté d’un convive de moindre prestige. Les premières bouteilles de Château du Basque 1959, une année exceptionnelle, comme le savent les épicuriens, se décantaient en cuisine en attendant le poulet. Un défilé de serveurs raides, aux visages pitoyables qui imploraient de recevoir un rayon de soleil et une dose de vitamine D, apportaient les coupes de champagne (Pommery & Greno Brut) et il était très pénible pour les invités de ne pas pouvoir déjà y tremper les lèvres, subrepticement. Mais avant de lever le verre de bulles, il fallait que Cholokhov débite son speech.

Il s’avança. Le grésillement du micro lui offrit l’attention internationale qu’il quémandait depuis des années. Il extirpa le discours de la poche de sa veste. Le lissa. Il crachota pour libérer ses cordes vocales. Et bien que ce ne soit qu’une modeste et théâtrale petite toux de fumeur, on y distinguait déjà la fatalité. Ce membre fêté du Comité Central du Parti communiste avait tout l’air, en effet, de ne pas pouvoir échapper indéfiniment à la mort et mourrait , pesant à peine quarante kilos tout habillé, d’un cancer plus affreux que le goulag, non, ce n’est pas vrai, presque aussi affreux que le goulag, en l’an orwellien 1984. Mais soit, c’étaient des soucis pour plus tard. Ce jour-là était le jour, entièrement sien, où on ne penserait qu’à son immortalité. »

Dimitri VerhulstHet leven gezien van beneden (La vie vue d’en bas), Atlas Contact, 2016, pages 9-14 (traduction de l’Adrienne)

Le livre n’a pas encore été traduit en français, on peut lire ici ces mêmes pages en néerlandais.

A lire cet extrait on devine aisément que ce n’est pas non plus demain qu’il sera traduit en suédois… ni en russe 😉

J comme JOY

C’est fou le nombre de gens qui sont ‘fan‘ de Virginia Woolf et qui ont conseillé sa lecture, à commencer par une ancienne élève, et ce ne sont pas les quelques tentatives entreprises pour satisfaire ceux et celles qui l’ont poussée à la lire qui ont convaincu Madame: chaque fois elle s’est dit: « C’est pour ça qu’on fait tout ce tam-tam? »

Alors pourquoi refaire une tentative, vous direz-vous.

D’abord parce que ce serait bête de passer à côté de quelque chose de vraiment bien, et puis pour deux autres raisons toutes récentes, la visite de Charleston House, imprégnée de souvenirs de la fratrie Woolf, et la 500e Grande Librairie, où « To the lighthouse » était conseillé par Paul Auster.

On trouve ce roman en ligne et peut-être est-ce de bon augure: il y a trois fois le mot ‘joy‘ à la première page 🙂

J comme jeunes et vieux

« Mieux vaut être bourré que moche » affirme-t-elle en lettres noires sur un large T-shirt gris.
Elle soutient gentiment un vieux monsieur en bermuda qui a du mal à faire quelques pas et qui ne cesse de répéter à la cantonade « Moi, je ne suis pas instruit! Je ne suis pas instruit! Je n’ai pas terminé mes études secondaires… ».

Une dame avec un badge autour du cou donne un dernier briefing:
– Alors vous avez bien compris: on ne parle pas, on ne discute pas, on ne bavarde pas, on ne rigole pas! Le seul bruit qu’on est autorisé à faire, c’est d’applaudir à la fin!

Tous hochent la tête, ceux en fauteuil roulant, celles qui en bas, aux toilettes, cherchaient en vain comment tourner au robinet automatique, celui qui se tient bien droit avec sa canne blanche…

C’est aussi ça que l’Adrienne apprécie à la Monnaie, son programme social « Un pont entre deux mondes » qui offre des activités culturelles de la plus grande qualité, gratuitement, à des gens qui n’y auraient jamais accès sans cela.

– Hein Raymond! s’exclame une dame, que tu aimes ça, venir à l’opéra!
– Oui, oui, fait Raymond sans même lever les yeux.
– Il vient chaque fois, hein Raymond que tu viens chaque fois?