Premier baiser

Malgré la chaleur qui humidifie chemise et T-shirt, ils se tenaient collés-serrés, main dans la main, sa tête à elle lovée dans son cou à lui, là où quelques poils de barbe chatouillent agréablement la peau.

Ils étaient en arrêt devant un tableau dans un cadre doré qui ne lui convenait pas du tout. On y voyait un couple enfoncé dans la douceur des draps, des oreillers et de leur étreinte.

Un léger parfum d’érotisme s’en dégageait.

– Il paraît, finit-elle par dire, alors que lui était précisément en train de rêver à leur premier baiser, et peut-être aussi au prochain, il paraît que Toulouse-Lautrec aimait les rousses. Qu’est-ce que tu dirais si je me teignais les cheveux en roux?

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Merci à Monsieur le Goût pour son 133e devoir:

Cette toile de Joseph Lorusso, comme celle de Karin Jurick que je vous ai proposée la semaine dernière, montre un tableau intitulé « Le Baiser ». Il n’est pas peint par Klimt mais par Toulouse Lautrec.
Vous inspire-t-il ? Je vous le propose comme « devoir de vacances ».
Et pour ce « devoir de vacances » ce serait gentil si vous vouliez bien user des mots suivants : oreiller – douceur – roux – parfum – chatouillent – main – chaleur – cou – cadre – T-shirt.

Première fois

La première fois que l’Adrienne a entendu parler de chiens tirant des charrettes, dans sa Flandre jusqu’aux années de l’entre-deux-guerres, c’était dans un article sur le Japon.

Pourquoi les touristes japonais sont-ils pris d’une si grande émotion devant le tableau de Rubens exposé à la cathédrale d’Anvers, La Descente de croix?
Pourquoi, quand ils savent que tu es Flamand(e), commencent-ils à te parler d’un chien qui s’appelle Patrasche?
Et pourquoi s’étonnent-ils que tu ne le connaisses pas?

Et bien, parce qu’il s’agit du personnage d’une histoire écrite au 19e siècle, en anglais, qui a apparemment un succès énorme auprès des écoliers japonais et américains mais qui n’a été traduite en néerlandais qu’en 1987.
Même les nombreuses versions filmées n’étaient pas parvenues jusqu’ici.
Une histoire larmoyante d’un petit orphelin et son chien dans une Flandre anversoise imaginaire.

En 2007, deux réalisateurs de documentaires se posaient encore la question: comment se fait-il qu’une histoire si connue dans de nombreux pays n’intéresse personne chez nous?

Bref, en visitant l’expo consacrée aux photographes ostendais, Maurice et Robert Antony, l’Adrienne n’a pas manqué de remarquer les charrettes tirées par des chiens, comme sur l’illustration ci-dessus, une photo du 4 juillet 1924.

Généralement un ou deux chiens, toujours avec muselière, tirant la charrette du laitier, du charbonnier, du poissonnier, du chiffonnier…

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Expo photos de Maurice et Robert Antony à Ostende jusqu’au 5 novembre 2022, info ici.

Première découverte

C’est aussi grâce au généalogiste dont il était question dans le billet d’hier que l’Adrienne a pu découvrir qu’une légende familiale n’était pas une légende, en fait.

Une première découverte!

En effet, une grand-tante côté paternel prétendait que si quelques-unes des descendantes de l’arrière-grand-père Ernest avaient les yeux si sombres et les cheveux si bruns, c’est parce qu’il y avait « du sang espagnol » dans la famille.

Une affirmation qui faisait toujours se soulever les épaules et lever les yeux au ciel, en premier lieu chez le père de l’Adrienne – il faut bien qu’elle tienne de quelqu’un son côté « saint Thomas », comme dit sa mère.

Bref, personne n’en avait la preuve.

Mais maintenant la preuve est là.
Même s’il faut remonter si loin que le lien avec les yeux sombres en devient de plus en plus ténu, mais soit: il y a du sang espagnol.

Essayez de suivre 😉

L’arrière-grand-père de l’arrière-grand-père Ernest s’appelle Natal. Né en 1762.
Ce prénom, assorti à un nom de famille flamand, avait semblé bizarre à l’Adrienne.
Aujourd’hui, tout s’explique: la maman de Natal a comme nom de famille García.

CQFD.

Avec encore une fois de nouvelles questions qui se posent, quand comment pourquoi Ana Josepha García est arrivée en Belgique…

(et non aucun rapport avec un sergent californien)

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sur la photo, la très brune petite Ivonne posant fièrement avec son mari et leur premier-né, l’été de 1925.

Premier

source ici (récap en 70 titres lors de ses 70 ans)

Le premier, c’était beau-papa.
Au téléphone, belle-maman exultait:

– C’est positif, a dit le docteur, donc tout va bien!

Elle avait compris ce que tout proche aime comprendre: les tests sont positifs, donc c’est bon.
Mais bien sûr, en jargon médical « positif » veut dire mauvais.

Jusqu’à aujourd’hui l’Adrienne ne comprend pas comment le médecin, qui a dû assister à une explosion de joie, lui aussi, vu que belle-maman avait l’émotion explosive, comment il n’a pas rectifié le tir.

Le premier, donc, c’était beau-papa.
Après, bien sûr, il y en a eu beaucoup, beaucoup d’autres.
De toutes les sortes.
Des rapides-fulgurants et des sournois-faux jetons, qui te font croire « en rémission » pour t’anéantir plus fort après des opérations et des thérapies qui te mettent le peu de vie qui te reste complètement à l’envers.

Bref, c’est à lui l’Ostendais et à tous ceux qui ont suivi que l’Adrienne a pensé, père, oncle, tantes, amies, élèves… après avoir entendu la triste nouvelle qu’Arno avait succombé, lui aussi, malgré ses efforts pour rester en vie.

Premier avril

– On a tous reçu un mail de la direction, raconte collègue-amie, pour nous dire que le premier avril on doit libérer le parking de l’école avant dix-sept heures. On a cru que c’était un poisson d’avril, mais non! c’est pour le tour de Flandre!

En effet, le lendemain les seize mille amateurs inscrits (1) pour effectuer le parcours vont terroriser (2) la ville toute la journée.
Le surlendemain ce seront les pro, précédés et suivis de colonnes de voitures tonitruantes, de motos vrombissantes et survolés par les hélicoptères de la police et de la presse.

Bref, ce sera joyeux.

Surtout chez les voisins, qui devront régler leur sono encore plus fort que d’habitude 😉

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(1) et, on peut le supposer, des non inscrits qui en profiteront pour passer avant et après…

(2) en néerlandais pour ‘wielertourist‘ (cyclotouriste) on dit généralement par moquerie (et critique) ‘wielerterrorist‘ (cycloterroriste)

Première fois

C’est bien la première fois depuis 1992 que l’Adrienne est (un tout petit peu) contente que sa bien-aimée grand-mère ne soit plus là.

Plus là pour voir et entendre les actualités du jour, elle qui était angoissée à chaque sursaut de guerre froide.
A chaque fois que des politiciens faisaient de ronflantes déclarations sur la paix dans le monde.

Ce pauvre Neville Chamberlain a eu droit aux sarcasmes du grand-père pendant exactement cinquante ans.

On peut être sûr que son nom tomberait aujourd’hui également, si les grands-parents étaient encore là.

Première!

Nieuwpoort maakt van zeewater drinkwater

C’est une première pour notre pays: rendre l’eau de mer potable, à grande échelle.

Après un stade expérimental, on devrait bientôt passer à une grande usine permettant de transformer jusqu’à quatre millions de m³ d’eau de mer en eau potable par an d’ici 2025, ce qui correspond aux besoins d’une ville comme Ostende, qui compte plus de 70 000 habitants et où près de 300 000 touristes vont et viennent sur l’année.

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photo et article ici.

L’Adrienne pensait que ça se faisait déjà aux Pays-Bas mais apparemment non, Nieuport est la première ville sur la mer du Nord à le faire.

En prévision des étés de plus en plus secs et des grosses consommations d’eau qui en sont la conséquence…

Première ligne

En première place sur la liste-des-choses-à-faire-avant-de… (avant d’avoir 30 ans, disent les anciens élèves, mais pour ça il est bien trop tard ;-)) en première place, donc, l’Adrienne mettrait bien ce voyage mythique – en train, évidemment – qui l’emmènerait d’Ostende à Istanbul et pourquoi pas – puisqu’il s’agit de rêve, rêvons grand – jusqu’à Alep, Bagdad et Bassorah.

Vu que bien sûr, dans les rêves de l’Adrienne, la guerre n’existe plus.

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photo prise à l’expo Orient Express, au musée du train (Train World) à Schaarbeek.

l’affiche de la photo est visible vers la troisième minute 🙂

Premier de classe

– Quoi c’était un canular, peut-être, quand tu disais qu’on irait à Vladivostok avec le Transsibérien, tous les deux ? Ou tu te débines ?

Mais non, mais non ! C’est tout à fait sérieux ! La preuve : j’apprends le russe ! Oui, carrément !

Il montra un petit livre à la couverture rouge :

– Tu vois ? Je ne suis qu’à la lettre C, cabaret, cache-nez, cachot, cadavre

– C’est une blague ? A quoi ça va nous servir, des mots pareils ?

– Je les apprends, c’est tout ! Ça n’existe pas, des mots inutiles ! Moi ce que je veux, c’est être capable d’avoir des vraies conversations avec les gens qu’on rencontrera en route, que ce soit un lecteur des Frères Karamazov ou un caporal qui rentre à la caserne.

– Pfff… ce que je vois surtout, c’est que tu veux encore une fois être le premier de la classe ! Tu sais ce que j’en pense, c’est une vraie calamité d’être comme ça ! Moi quand je voyage, il me suffit de savoir commander una cerveza quand je suis en Espagne ou une vodka quand je serai en Russie. Point barre !

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merci à Joe Krapov pour ses consignes sur un thème russe:

Karamazov – Kalachnikov – Anna Karénine – calamité – cabaret – cabriolet – cache-cache – cache-nez – cachot – cadavre – cafardeux – vodka – caftan – calèche – calfeutrer – califourchon – camarade – canaille – canasson – canon – capitaine – canular – capharnaüm – caporal – capote – carabine – caravane – caricature – carnaval – carrément – casaque – caserne – casse-cou – casse-croûte – casse-noisette – cataplasme – catéchisme – cavalerie – caverne – caviar

Après il fallait remplacer tous les ca/ka par kalinka – vous pourrez en compter douze – mais je préfère la première version 😉

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Quoi c’était un kalinkanular, peut-être, quand tu disais qu’on irait à Vladivostok avec le Transsibérien, tous les deux ? Ou tu te débines ?

Mais non, mais non ! C’est tout à fait sérieux ! La preuve : j’apprends le russe ! Oui, kalinkarrément !

Il montra un petit livre à la couverture rouge :

– Tu vois ? Je ne suis qu’à la lettre C, kalinkabaret, kalinkache-nez, kalinkachot, kalinkadavre

– C’est une blague ? A quoi ça va nous servir, des mots pareils ?

– Je les apprends, c’est tout ! Ça n’existe pas, des mots inutiles ! Moi ce que je veux, c’est être kalinkapable d’avoir des vraies conversations avec les gens qu’on rencontrera en route, que ce soit un lecteur des Frères Kalinkaramazov ou un kalinkaporal qui rentre à la kalinkaserne.

– Pfff… ce que je vois surtout, c’est que tu veux encore une fois être le premier de la classe ! Tu sais ce que j’en pense, c’est une vraie kalinkalamité d’être comme ça ! Moi quand je voyage, il me suffit de savoir commander una cerveza quand je suis en Espagne ou une vodkalinka quand je serai en Russie. Point barre !

Première classe!

C’est sur les conseils de Monsieur Nuages que l’Adrienne, pour la première fois de sa vie, s’est offert un voyage en train en première classe.

L’argument principal en avait été qu’il y aurait beaucoup moins de monde et que ce serait donc plus sûr, rapport au covid en recrudescence.

Et bien, ça lui a vraiment coûté de gros efforts de s’accorder ce privilège: c’est dur de s’offrir un petit luxe sans culpabiliser!

Mais en voyant que le quai se remplissait drôlement, ce vendredi matin, elle s’est dit qu’elle avait eu raison d’écouter Monsieur Nuages.

Pour constater finalement que des tas de gens avaient apparemment eu la même idée: le wagon de première classe était bien rempli!

Jusqu’à l’arrivée du contrôleur, qui a tout de même dû renvoyer des personnes qui s’étaient « trompées » 😉

Au retour, c’était encore plus fort: après le passage du contrôleur, un plein wagon – sauf deux voyageurs – s’était « trompé ».

Bref, le seul train dans lequel personne ne se « trompait », c’est le tchouk-tchouk dans lequel normalement l’Adrienne a toujours la joyeuse compagnie offerte par le hasard d’une rencontre avec un-e ancien-ne élève… et qu’elle a donc manqué cette fois-ci 🙂

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Et tout ça pour quoi? Pour aller voir Lulu à la Monnaie 🙂