Une dame à l’accent roumain essayait de répéter ce qu’elle avait retenu du chemin à suivre – « donc je continue par là et puis ce sera légèrement à droite et … euh … c’est bien ça? » – oui c’est ça a répondu l’homme.
A ce moment-là, l’Adrienne était arrivée à leur hauteur et comme la dame poursuivait son chemin, l’Adrienne se tourne vers elle et lui lance:
Alors pendant la vingtaine de minutes qu’il a fallu pour s’y rendre, elles ont eu l’occasion de parler de la Roumanie.
Mira était surtout curieuse de savoir quand, comment, pourquoi l’Adrienne avait fait la connaissance de ce pays, par conséquent elle a eu droit à l’histoire de la lettre 🙂
Chaque mardi quand Madame se rend à la petite école d’Alexandra et Lucas, elle passe devant le numéro 124 où la porte et la grande fenêtre qui donne sur la rue ont encore leur peinture d’origine des années soixante: rouge vif. Rouge sang.
Le numéro 124, c’était la boucherie familiale, qui avait appartenu au père du grand-père et qu’il ne réussissait pas à léguer à un de ses fils.
Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un à atteindre l’âge adulte et à qui il fallait trouver un travail, le cadet des dix enfants, le grand-oncle Marcel.
Qui ne voulait surtout pas devenir boucher mais maçon.
Alors qu’a fait le père? Il a dit à l’entrepreneur, un de ses beaux-fils, sans doute son préféré, qui avait passé toute la guerre de 14-18 dans les tranchées comme volontaire de guerre:
– Tu lui feras faire tout ce qu’il y a de plus lourd, de plus éreintant, je veux qu’il en ait marre en moins de huit jours.
Ainsi fut fait.
– Je crois que je vais quand même devenir boucher, a dit le grand-oncle Marcel.
Sur la photo de famille prise à l’occasion des noces d’or des parents de mon grand-père, les enfants et les conjoints sont dans l’ordre hiérarchique, les aînés flanquent les parents et les trois plus jeunes sont au dernier rang: mon grand-père avec grand-mère Adrienne, le grand-oncle Émile avec son épouse et le grand-oncle Marcel avec son épouse. L’entrepreneur est le type content de lui qui se trouve juste derrière le couple fêtant ses noces d’or.
Ceux qui savent compter verront qu’il n’y a pas dix couples, mais neuf: un des des dix enfants, une petite fille, est morte à l’âge de 10 ans.
Les poissons remontent les rivières au moment exact à l’endroit exact d’où ils viennent. Les oiseaux aussi ont cette connaissance innée de l’exactitude du temps et du lieu.
Mais les gens, privés de leur instinct, s’aident de recherches scientifiques. Voilà la clé de cette histoire.
Un soldat devait tirer un coup de canon chaque soir à six heures précises. Ce qu’il faisait comme il sied à un soldat. Quand sa ponctualité a été testée, il a déclaré:
Je me base sur le chronomètre absolument exact dans l’étalage de l’horloger de la ville. Chaque jour à dix-sept heures quarante-cinq, je règle ma montre sur lui et je grimpe la colline où se trouve le canon. A dix-sept heures cinquante-neuf exactement, j’arrive au canon et à dix-huit heures précises je fais feu.
Il s’est avéré que cette manière de tirer était parfaitement exacte. Seul le chronomètre devait encore être inspecté. Donc on a questionné l’horloger de la ville sur l’exactitude de sa montre.
Oh, dit l’horloger, cette montre est l’exactitude même. Imaginez, ça fait des années qu’ici on tire au canon à six heures précises. Et chaque jour je vérifie le chronomètre et il indique toujours exactement six heures.
Voilà pour l’exactitude. Et les poissons remontent les rivières et le ciel résonne du bruissement des ailes d’oiseaux, pendant que
Les chronomètres font tic-tac et les canons des coups de tonnerre.
Miroslav Holub (1923-1998)
Poème traduit par l’Adrienne à partir d’une traduction en néerlandais mais pour ceux qui connaissent le tchèque, la version d’origine se trouve ci-dessous 🙂
Le titre en néerlandais ainsi que celui en tchèque contiennent le lien qui mène à leur source.
Vissen trekken altijd exact daarheen en exact dan, zo hebben ook vogels een ingebouwd exact tijdsbesef en plaatsbesef.
Maar mensen, beroofd van hun instinct, behelpen zich met wetenschappelijk onderzoek. Dat is de kern van dit verhaal.
Een zekere soldaat moest een kanon afvuren elke avond klokslag zes. Dat deed hij zoals ’t een soldaat betaamt. Toen zijn exactheid werd getest, meldde hij:
Ik richt me naar de volstrekt exacte chronometer in de etalage van de klokkenmaker in de stad. Elke dag om zeventien vijfenveertig zet ik mijn horloge ermee gelijk en klim de heuvel op waar het kanon klaarstaat. Om zeventien negenenvijftig exact bereik ik het kanon en om achttien uur exact vuur ik af.
Gebleken is dat deze wijze van afvuren volstrekt exact is. Alleen de chronometer moest nog worden onderzocht. Dus vroeg men de klokkenmaker in de stad naar de exactheid van dat uurwerk.
O, zei de klokkenmaker, dit uurwerk is het allerexactst. Stel u voor, al jaren wordt hier exact om zes uur een kanon afgevuurd. En elke dag kijk ik naar de chronometer en die wijst altijd exact op zes.
Tot zover over exactheid. En vissen trekken door het water en uit de hemel klinkt geruis van vleugels, terwijl
vždycky táhnou přesně tam a přesně tehdy, jakož i ptactvo má vestavenou přesnou časomíru a zeměmíru.
Lidstvo pak,
ochuzeno o pudy, vypomáhá si činností vědeckovýzkumnou. K její podstatě odnáší se tento příběh.
Jistému vojínovi
bylo vypáliti z děla vždy v šest večer přesně. Činil tak, jsa vojínem. Když byla zkoumána jeho přesnost, uvedl:
Řídím se
naprosto přesným chronometrem, který chová ve výkladu hodinář dole ve městě. Každý den v sedmnáct čtyřicet pět nařídím podle něho své hodinky a ubírám se na kopec, kdež dělo stojí pripraveno. Přesně v sedmnáct padesát devět dojdu k dělu a přesně v osmnáct vypálím.
I shledáno,
že tento způsob vypálení jest naprosto přesný. Jen onen chronometr bylo ještě prověřit. I dotázán hodinář, dole ve městě, po přesnosti onoho stroje.
Ó, pravil hodinář,
tento přístroj je z nejlepších vůbec. Představte si, už od let se tu přesně v šest střílí z děla. A já káždého dne pohlédnu na onen chronometr, a on vždy ukazuje přesně šest.
Tolik o přesnosti.
A ve vodách táhnou ryby a z nebes ozývá se šumění křídel, zatímco
Tikají chronometry a hřmí děla.
Pour ceux qui veulent voir ce que g**gl* tr*nsl*t* fait de ce texte tchèque, c’est ici 🙂
Nous avons repris de la mythologie gréco-romaine que ce sont les Muses qui inspirent l’artiste.
Dans la tradition arabe, nous dit-on, ce sont les Djinns qui murmurent à l’oreille des humains et peuvent exaucer leurs vœux ou enflammer leur imagination.
Les deux artistes, la Belge et l’Irakien, ont rassemblé leurs deux traditions musicales et leurs instruments, l’oud pour l’un, le luth pour l’autre.
Ils jouent ensemble des morceaux issus de la Renaissance européenne – Alfonso Ferrabosco, Francesco da Milano, Pierre Attaignant, Robert de Visée… – et de la tradition arabe.
C’était un très chouette concert dimanche dernier dans la petite ville de l’Adrienne 🙂
– Il ne faut pas, précise le guide à un groupe de gens penchés au-dessus d’un tas de bûches en train de se décomposer, il ne faut pas confondre ça avec des champignons! Ce ne sont pas des champignons, ce sont des myxomycètes.
Les deux ou trois chiens présents à cet exposé s’en fichent royalement et préfèrent tirer sur leur laisse pour s’intéresser à l’Adrienne, qui a encore le temps d’entendre d’autres précisions:
– Het zijn boomwratten (traduction littérale: des verrues d’arbre) maar we noemen ze liever « babybilletjes » (mais on préfère les appeler des petites fesses de bébé).
***
photo prise le 11 novembre à la sortie du Bosje, où des tas d’énormes sapins de Noël attendent d’être mis en place pour les festivités de décembre…
Dans la maison de l’amie d’enfance, là où il y avait quatre enfants et une maman qui savait à la fois faire des crêpes pour huit et faire tomber des friandises du haut de l’escalier, il y avait aussi une télé.
C’est là que mini-Adrienne a pu voir de temps en temps quelques bribes d’émissions enfantines.
Ainsi elle se souvient du tournicoti tournicota du Manège enchanté, auquel elle ne comprenait pas grand chose et qu’elle trouvait nul.
A la maison, il y avait la mère et ses torticolis.
Auxquels mini-Adrienne ne comprenait rien non plus, sauf que ça rendait de très mauvaise humeur.
***
Écrit pour le Défi du samedi 737 où Walrus – merci à lui – propose le mot torticolis.
En cherchant l’info correcte sur le Manège enchanté, je me suis rendu compte qu’on n’y disait pas tournicoti tournicota – comme j’avais toujours cru entendre dans ma petite enfance – mais tournicoti tournicoton 😉
Un tiers du territoire sous eau, le lieu de vie d’environ 33 millions de personnes détruit, dans un des pays les plus pauvres sur terre.
« Coup de gueule » du secrétaire-général de l’ONU qui accuse – à juste titre – la folie du monde: ce ne sont pas les gros pollueurs qui sont les premières victimes du réchauffement climatique.
Et comment réagit l’Unesco?
Elle pourrait retirer le site de Mohenjo Daro (source de la photo ci-dessus) de la prestigieuse liste du « Patrimoine mondial » vu que le pays ne réussit pas à fournir l’effort financier nécessaire pour le préserver des pluies ou des inondations…
Quand on pense qu’il faudrait au moins 10 milliards de dollars pour réparer et reconstruire les infrastructures endommagées ou détruites, une somme impossible à rassembler pour un pays comme le Pakistan.
Et que la priorité devrait être de nourrir et d’abriter les plus de 33 millions de personnes victimes des inondations… dont certaines ont précisément trouvé refuge dans les ruines du site.
Les deux sœurs étaient on ne peut plus différentes, de caractère comme d’aspect physique, pourtant bien souvent Maria disait:
– Il y avait quinze mois d’écart entre nous, mais nous étions comme des jumelles!
Et c’est vrai que sur les photos de la petite Ivonne, avec mari et enfants sur une plage de Knokke, il y avait généralement aussi Maria, devant ou derrière la caméra.
Maria, dont ils se moquaient gentiment dans les lettres qu’ils s’écrivaient dès qu’ils étaient séparés plus de deux jours: chaque fois qu’ils la nommaient, c’était pour annoncer qu’elle s’était encore disputée avec son fiancé et que cette fois c’était définitif!
Ceux qui l’aimaient disaient qu’elle avait du répondant, les autres qu’elle était impossible à vivre et qu’elle finirait vieille fille.
C’est d’ailleurs ce qui lui est arrivé, puisque dix ans plus tard, quand la petite Ivonne est décédée, les beaux-frères du veuf ont mis tout leur poids dans la balance pour qu’il épouse la si différente « jumelle », la faisant passer ainsi du statut de tante à celui de maman.
– Tu ne peux pas continuer éternellement à confier tes enfants à l’une ou l’autre de tes belles-sœurs, argumentait un des frères aînés. Épouse Maria et tout est résolu!
Ce qui a fini par arriver, à la longue.
Sans enthousiasme ni passion, mais avec assez de sympathie mutuelle.
– J’ai tout de même posé mes conditions! disait Maria. Tout d’abord, faire disparaître toutes les photos et tous les souvenirs d’Ivonne!
C’est donc miracle si aujourd’hui l’Adrienne dispose de quelques lettres et de quelques clichés témoins de ce court bonheur.
Le 10 juillet 1640, à l’église Notre-Dame de la Chapelle, Catherine Pepersack, 20 ans, la fille d’un tapissier bruxellois, épouse un militaire espagnol, don Valeriano de Borja Le Bron.
C’est le 33e mariage hispano-belge contracté dans cette église en une quarantaine d’années, le premier ayant eu lieu le 20 juin 1599.
Quand Catherine meurt à 45 ans, ils ont douze enfants qui sont à l’origine d’une nombreuse descendance bruxelloise.
C’est ainsi que quatre générations plus tard on arrive au document ci-dessus, avec la magnifique signature de Martin Emanuel de Borja Le Bron le jour de son mariage avec une autre Catherine, qui appartient à la généalogie de l’Adrienne.
Et qui, bien que simple couturière, sait lire et écrire. L’autre signataire est le grand-père maternel du marié, Jacques Van Vreckom.
Le document dit qu’ils sont mineurs: il a tout juste 22 ans, elle 21.
Huit ans plus tard elle sera veuve, avec un fils de quatre ans et une petite fille de trois mois. Tous deux atteindront l’âge adulte, se marieront, auront des enfants.
Une dernière occasion d’admirer la belle signature de Martin, sur l’acte de naissance de sa fille un matin d’avril, moins de trois mois avant sa mort.
à gauche la signature de Martin Emanuel et au milieu celle de son frère François Joseph Hyacinthe, moins artistique 😉