O comme ordalie

Il n’a pas eu besoin de faire passer l’Adrienne par l’épreuve de l’eau ou du feu pour émettre sa sentence 🙂

Mercredi matin, après les sourires, les ‘bonjour!’ et la petite conversation d’usage, au moment où elle allait poursuivre sa route, il l’a hélée, a fait un geste par derrière l’épaule en direction de là d’où elle venait et a dit:

– C’est beau, là, ton…, ta…, ce que tu as mis, là!

Il voulait parler de la clôture, elle l’a compris, une quinzaine de mètres venaient d’être rajoutés juste la semaine d’avant.

Alors elle l’a remercié et est repartie avec un sourire encore plus large.

La journée avait mal commencé, mais trouver le monsieur à longue barbe grise sur le pas de sa porte, c’est toujours un heureux moment.

« ordalie » avait été proposé par Walrus pour le défi d’un de ces derniers samedis 🙂

O comme oxalates

En 2020 une œuvre qui était accrochée dans l’hôtel de ville de la commune de Saint-Gilles et qu’on croyait être une copie de Jordaens a été certifiée et authentifiée comme il est décrit dans la vidéo ci-dessus, puis soumise à d’autres examens dans le cadre de la conservation du patrimoine pictural des 15e au 17e siècle.

Et c’est là qu’arrive le mot inconnu – pour l’Adrienne, pas pour les joyeux chimistes parmi vous – des oxalates.

Des oxalates métalliques qui déforment et abîment les couches de peinture pour lesquelles on a utilisé l’huile comme liant.

Donc à partir de Van Eyck.

Bref, tout ça est bien expliqué ici.

O comme orgueil et préjugés

Janvier est l’époque des discours des chefs de parti et sous prétexte de joyeux rassemblements de nouvel an on constate qu’en réalité les sabres sont déjà bien affûtés en vue des élections communales et régionales de 2024.

Oui, 2024.

On constate qu’il n’est jamais trop tôt pour ressortir les vieilles recettes, celles qui marchent depuis la nuit des temps, Nacht und Nebel, celles de l’orgueil et des préjugés d’un « nous » forcément supérieur à tous les autres, ces « ils » et ces « eux » d’où provient tout le mal.

Alors que la réalité est tellement plus simple – et en même temps beaucoup moins vendeuse – non ce n’est pas « eux », ces autres pauvres ploucs qui vont t’appauvrir.

Ce sont ces 1% de riches toujours plus riches qui t’appauvrissent.

***

L’illustration est celle d’un billet de novembre dernier.

O comme Obo

– Je lisais l’histoire des deux princes ashanti, Kwasi et Kwame, alors bien sûr j’ai pensé à ton père!

Mais Nana est une jeune fille qui aime que tout soit bien précis:

– C’est ma mère qui est Ashanti, répond-elle, mon père est né à Obo, il n’est pas Ashanti, il est Kwahu!

Résultat: l’Adrienne, par la grâce d’une seule réponse, se retrouve avec une foule de questions 🙂

O comme ombre

Une des plus belles photos parmi celles exposées sous les Venetiaanse Gaanderijen à Ostende en ce moment, montre une femme noire et un homme blanc se tenant par la main sous l’ombre de la statue équestre de Léopold II.

Cette symbolique de l’ombre est aussi évoquée dans un poème d’Ahmed Morsi, natif d’Alexandrie d’où il émigre vers les Etats-Unis à l’âge de 44 ans, ce qui lui inspire entre autres ceci:

Quand il quitta Alexandrie
savait-il
que son corps ne jetterait plus
d’ombre courte ou longue,
sur les pavés de ses rues

***

photo prise à Ostende le 10 novembre dernier et extrait d’un poème d’Ahmed Morsi (°1930) trouvé à l’expo Alexandrie (Bruxelles, Bozar)

Et j’oubliais que ces ombres tombaient pile poil pour l’agenda ironique de novembre, alors que je ne comptais même plus y participer.

Comme on peut se tromper…

O comme Outlaw

Rien à voir avec Lucky Luke, cet Outlaw Project mais on comprend que le nom choisi est un clin d’œil.

On est loin des méfaits des frères Dalton, on est plutôt dans le fait divers ou comme sur l’illustration ci-dessus, la poursuite judiciaire d’une femme qui n’a pas envoyé son fils à l’école tous les jours, comme la loi l’y oblige.

Dans la colonne ‘aard der feiten‘ (nature des faits qui ont donné lieu à une poursuite judiciaire) on a noté le mot ‘Schoolverzuim‘, absentéisme scolaire. Ce qui coûte une amende de 5 ou de 10 francs.

Comme tant d’autres beaux projets, celui-ci non plus n’est pas possible sans l’aide de nombreux bénévoles: répertorier et encoder, c’est un travail qui prend des heures.

source ici

O comme Où est Charlie?

– Où est Charlie? demande-t-elle à sa belle-sœur qui hausse les épaules avec agacement. Ne serait-il pas temps qu’elle cesse de l’appeler ainsi? qu’elle garde ce petit nom pour leur intimité?

Five minutes! lui répond-elle.

Dans ce château labyrinthe, il lui faudra bien ça pour arriver jusqu’au salon vert. Surtout à l’âge qu’il a.

– Je lui avais pourtant dit midi pile! A quoi est-il encore occupé, ce fils de dragon?

– Désolée, je suis attendue en bas, répond la belle-sœur, qui préfère s’esquiver plutôt qu’avoir encore une discussion oiseuse avec cette marquise de Poupoupidours dont la seule hâte est de commencer enfin à ce tant attendu premier jour du reste de sa vie, comme si elle était pressée d’entamer sa propre descente aux enfers.

Dehors, depuis la veille au soir, et malgré les fenêtres fermées en ce pluvieux septembre, on entend les rumeurs de la ville.

Sur des kilomètres il n’y a plus de place pour un seul badaud supplémentaire, tout le long du parcours jusqu’à la cathédrale.

What a beautiful life, se dit-elle en s’inspectant pour la centième fois dans un miroir.

***

Merci à Joe Krapov pour sa consigne du 14 septembre!

J’ai utilisé cinq formules de la colonne C5 et chaque fois deux dans les colonnes A, B, C1 et C4.

Photo prise en Angleterre (Yorkshire) un autre été.

O comme obsession mitterrandienne

« C’était une lourde folie que de m’aventurer derrière les parois de verre de la Bibliothèque nationale, dont on m’avait pourtant prévenu que j’y perdrais et mon temps et mon âme. Monument de prétention idiote dont on sortait exsangue, horrifié et bredouille.

Je n’étais jamais entré dans ce bâtiment qui portait haut la double obsession mitterrandienne de la grandiloquence et de l’étanchéité. Les lieux se voulaient écrasants. Ils l’étaient d’ailleurs, au sens où ils ne laissaient aucune place au lecteur, qu’ils maltraitaient en tyran sadique.

Il fallait, pour y pénétrer, se plier à d’interminables rites d’initiation, parcourir des kilomètres et changer plusieurs fois de niveau. Au cours de ce long périple, on franchissait des sas, qui vous exposaient chaque fois à l’angoisse de l’irrémédiable. On se dépouillait aussi de ses effets personnels, manteau, serviette et documents, de sorte qu’on avait depuis longtemps cessé d’être soi-même lorsqu’on pénétrait enfin, le cœur humble et la tête creuse, dans le saint des saints de la salle de lecture.

D’autres procédures m’y attendaient, arbitraires et dilatoires, avant qu’on finisse par m’annoncer la nouvelle qui résumait à elle seule tout le secret de l’édifice: la communication des ouvrages était suspendue jusqu’à une heure indéfinie. L’information aurait pu me faire rire si je n’avais déjà perdu plus d’une heure en travaux d’approche. Mon incrédulité rencontrait celle des autres visiteurs, dont le désespoir était inversement proportionnel à la connaissance qu’ils avaient des lieux. Seuls les novices étaient déconcertés; les habitués avaient depuis longtemps jeté l’éponge. Ceux qui venaient de loin, comme moi, et qui n’auraient pas la possibilité de renouveler leur visite, trompaient leur attente en méditant sur le génie des lieux ou maudissaient une certaine idée de la France, qui ne méritait rien d’autre. »

Christophe Carlier, L’assassin à la pomme verte, Pocket, 2015, pages 41-42. (première édition chez Serge Safran en 2012, Prix du premier roman)

L’extrait ci-dessus montre deux choses: 1) le type sait écrire et 2) ce passage est tellement différent du reste du livre – et tellement étranger à l’intrigue – qu’on ne peut que penser que l’auteur règle des comptes personnels avec le lieu.

Ce serait intéressant de savoir si d’autres utilisateurs de la TGB ont vécu le même genre de déboires et eu les mêmes impressions 😉

Deux pages plus loin, il continue:

« Depuis combien d’heures déjà attendais-je ces livres qui n’arrivaient pas? Avec une attention dilatée par l’attente, j’observais l’écrin de ce désastre. Dans ce funérarium qu’on s’obstinait à présenter comme un lieu de culture, on se sentait l’otage des forces mauvaises.

[…] Signe des temps, on avait même réussi à bannir les lecteurs incertains, déclassés et fantaisistes, qui constituent le charme principal des bibliothèques du monde entier, et grâce auxquels la fréquentation des livres se pimente d’un voyage ethnographique. […] Balayé, ce peuple émouvant et marginal qui campe dans les salles de lecture comme dans des lieux de refuge, ce qu’elles ne devraient jamais cesser d’être.

[…] Pour avoir exilé de sa bibliothèque les hommes et les humanités, le concepteur des lieux avait dû recevoir de vertigineux appointements et une respectable décoration, quand il aurait dû être écorché vif. Éternels alliés, bêtise et béton avaient conjugué leurs forces pour produire cet enfer fonctionnel où rien ne fonctionnait. »

Et ainsi de suite sur encore une bonne page et demie 🙂

Pour ceux qui voudraient savoir de quoi ça parle, mis à part le diatribe contre cette bibliothèque, voir ici.

Pour ce qui est de la Bibliothèque François Mitterrand, un article de 2007 (Le Monde) retrace les difficultés et polémiques des premières années.

O comme Ostende

Tout à coup, comme ça, PAF! l’Adrienne en a eu marre de devoir étouffer la nuit, fenêtres fermées à cause des voisins qui font du bruit jusqu’à minuit et ont un coq-réveille-matin qui s’égosille aux premières lueurs de l’aube, alors en deux ou trois clics elle a trouvé une chambre libre dès ce dimanche à Ostende et HOP! en voiture, Simone 🙂

O comme Opéra

Photo de Joonas ku00e4u00e4riu00e4inen sur Pexels.com

Vous vous souvenez de ces trois rendez-vous ratés avec Mozart pour cause d’éternelle pandémie? Ces trois opéras avec Da Ponte que l’Adrienne attendait avec joie et impatience depuis des mois? Le 5 février 2020 elle y croyait encore et quelques jours plus tard tout était annulé.

Vous vous souvenez aussi de son émotion en avril dernier, quand elle a constaté qu’il suffirait de sauter par-dessus le Channel pour assister à des réjouissances mozartiennes?

Et bien c’est fait: elle a écouté les conseils épicuriens (« on ne vit qu’une fois » a dit Mme Chapeau), pris un passeport international, pris le train, et la voilà prête à partager avec vous ce soir même un grand moment festif, un verre de bulles qui pétillent à la main 🙂

Merveilleuses retrouvailles pour un plaisir immense et éphémère qu’est le spectacle vivant!

***

Merci à Émilie d’avoir repris ses Plumes avec – sous le thème des retrouvailles – les mots imposés suivants:

EMOTION, PARTAGER, FESTIF, REJOUISSANCE, RENDEZ-VOUS, IMPATIENCE, SE SOUVENIR, JOIE, VERRE, PETILLER, EPICURIEN, ETERNEL et EPHEMERE.