T comme Timmers

C’est avec la lecture de ce merveilleux petit livre pour enfants, Meneer René (Monsieur René) de Leo Timmers, auteur et illustrateur, qu’une bibliothèque de Schaarbeek a réussi à entrer au livre Guinness des records.

Bien sûr, ce n’est pas le record qui compte le plus, mais que la bibliothèque ait pu être le lieu de rencontre de lecteurs de soixante-cinq langues différentes.

Monsieur René, le chien qui a le talent de peindre des choses si vraies, porte évidemment ce prénom en clin d’œil à Magritte, comme l’indique également la belle pomme verte sur son tableau.

Dans notre ville aussi, s’est dit l’Adrienne, on devrait organiser ce genre d’événement, vu que nous avons une bonne centaine de nationalités différentes sur notre petite entité 🙂

T comme tintin!

Hier soir en allant à une réunion dans le centre, l’Adrienne est abordée par deux gamins qui lui expliquent qu’ils sont en « dropping » depuis le matin dans sa ville, qu’ils ont soif et pas un seul euro pour s’acheter une boisson.

– Ah! c’est ennuyeux! dit-elle, mais de nos jours on n’a plus de cash sur soi! Je n’ai même pas de portemonnaie!

Ce n’est qu’après leur départ qu’elle a pensé que deux cents mètres plus loin, il y a la grand-place, ses cafés et ses brasseries, et qu’elle aurait pu les y emmener pour leur payer un verre avec sa carte bancaire.

Même si elle s’est dit que vingt-quatre heures dans une ville inconnue, sans le sou, sans sac à dos, c’était un drôle de jeu.

Cinq minutes plus tard, c’était « tintin » aussi pour elle: la réunion à laquelle elle se rendait dans le froid et le noir de ce jeudi 23 février n’a lieu que le jeudi 23 du mois prochain 😉

T comme Tu as la patate


J’ai une histoire à raconter
Qu’est d’la plus grand’ simplicité:


C’est que sur tout’ la ter-re, oui bien, oui bien,


On mang’ des pomm’ de terre
Eh! vous m’entendez bien,


On mang’ des pomm’ de terre
Eh! vous m’entendez bien,

Mais si vous passez le pays,
Celui qu’j’habite, sapristi !
Par devant par derrière, oui bien, oui bien,
On mange des pomm’s de terre

Les habitants les plus huppés
Afin d’avoir l’air distingué
Port’nt à la boutonnière, oui bien oui bien
Un’ fleur de pomm’ de terre

Et quand les petits crient Papa !
Et quand les petits crient Mama !
La mèr’ pour les fair’ tai-re oui bien, oui bien,
Les bourr’ de pomm’ de terre

Au déjeuner, premier repas
Que ça te plais’ où n’te plais’ pas
On s’met plein la cuillè-re, oui bien, oui bien
De plats de pomm’ de terre

Et tous les jours la même histoir’
Les jours de fêt’ les jours de foir’
Pour la soupe et l’dessert oui bien, oui bien
On mange des pomm’s de terre

Et même (ça c’est encore mieux!)
Les deux fiancés au coin du feu
Au lieu d’s’dir’ leurs affaires, oui bien, oui bien
Se pass’nt de pomm’s de terre

Et quand ils font battre tambour
V’là un qui cri’, v’là l’aut’ qui court
Ça part à la frontiè-re, oui bien, oui bien
Victoire et pomm’ de terre

***

source du texte, de la partition et même un peu de musique ici

merci à Joe Krapov pour sa consigne qui m’a fait tomber sur la chanson d’origine 🙂 et merci à lui pour l’illustration en couleurs!

T comme Trio (lalala)

C’est en 1672 que Molière fait la connaissance de Charpentier, qui vient de passer quelque temps de formation musicale en Italie. Charpentier n’a pas trente ans et Molière mourra un an plus tard, mais cette année de collaboration entre eux deux a été harmonieuse et fructueuse jusqu’à la dernière pièce, le Malade imaginaire.

Jusqu’en 1672, Molière avait pu compter sur la collaboration de Lully mais celui-ci, après une ascension sociale fulgurante, obtient de Louis XIV « de faire chanter aucune pièce entière en France, soit en vers françois ou autres langues, sans la permission par écrit dudit sieur Lully, à peine de dix mille livres d’amende, et de confiscation des théâtres, machines, décorations, habits… »

Bref, une mainmise totale sur la vie musicale en France dont souffriront tous les autres compositeurs.

Molière reçoit tout de même un assouplissement et la permission de reprendre ses pièces à condition qu’il n’utilise pas la musique que Lully avait composée pour elles.

C’est alors qu’il fait la rencontre fort opportune de Charpentier, qui réécrira de la musique pour Le mariage forcé, dont l’extrait comique ci-dessus 🙂

Au colloque sur « Molière et ses amis » au Palais des Académies le 10 décembre dernier, madame Catherine Cessac, spécialiste de Marc-Antoine Charpentier, a appelé leur collaboration « le mariage parfait ».

T comme throwback

Hier matin c’était le moment de montrer sa dentition au professionnel qui s’en occupe depuis 1980 – oui, il a dépassé l’âge de la retraite mais il continue à soigner ses habitués – et allez savoir pour quelle raison l’Adrienne lui dit:

– Il va falloir que je consulte, je perds la mémoire.

Lui ça l’a fait rire.

– Je connais quelqu’un qui trouve ça très pratique, il oublie toutes les choses désagréables et ne se souvient que des bonnes!

Justement, en arrivant devant la porte du dentiste, l’Adrienne avait vécu le contraire: un « throwback » au moment exact où en se trouvant devant cette même porte, elle avait eu un appel de son cousin pour lui annoncer le décès de la Tantine.
Celle qui a juste quinze ans sur la photo ci-dessus.

Alors ce « throwback » d’hier remplace le billet qui était prévu pour aujourd’hui et qui aurait dû s’appeler « T comme truth decay« . La traduction du néerlandais « waarheidsverval« .

Un nouveau mot que l’Adrienne a appris lors d’une conférence donnée la semaine dernière par le directeur de l’institut Hannah Arendt, venu parler dans sa petite ville des problèmes de polarisation et de la mise en doute conséquente de ce qui est vrai, prouvé, étayé, mesuré, une tactique avérée de tous les partis extrémistes, semer le doute, polariser, faire perdre confiance dans les institutions…

Si vous comprenez le néerlandais, voici un article récent de sa main, sur la polarisation et « le grand remplacement ».

T comme Terremoto

– Call me Pablo, please, dit-il en souriant de toutes ses blanches dents et son regard était aussi caressant que la pression de ses doigts sur la main tendue de l’Adrienne, qui avait évidemment vingt ans de moins qu’aujourd’hui 😉

– Je vous ai réservé ce qu’il y a de mieux comme hôtel, dit-il encore, ce n’est pas à Valparaíso mais juste à côté, à Viña del Mar. Vous verrez, c’est magnifique!

En effet, c’était magnifique, un hôtel ressemblant à ceux qu’il y avait dans les années trente à la côte belge, une sorte de tarte à la crème à plusieurs étages, située sur un rocher noir, entourée sur les trois quarts par l’océan Pacifique si mal nommé.

Du bleu, du noir et du blanc et tout ça brillait au soleil, les verres fumés auraient dû exister en force cinq pour en supporter la vue en plein midi.

– N’est-ce pas, dit-il en cherchant l’approbation, que c’est le paradis, ici?
Nous n’avons qu’un seul inconvénient: c’est que la terre bouge beaucoup et souvent. Mais vous verrez, on s’habitue! Vous n’avez rien à craindre!

Cette nuit-là, en effet, la terre lui a tout de suite donné raison: elle a bougé, et beaucoup, au point que l’Adrienne, qui vivait cela pour la première fois, n’a pas tout de suite compris pourquoi son lit était secoué de cette façon.

Et par la fenêtre ouverte, on voyait et on entendait gicler les vagues jusqu’à hauteur de la terrasse.

***

écrit pour le devoir 140 de Monsieur le Goût – merci à lui – qui propose un tableau d’Edward Hopper.

T comme Taalgrens

Frontière linguistique, taalgrens, c’est un mot que le père de l’Adrienne détestait: il ne voulait pas l’entendre. Il voulait en nier l’existence. Ou plutôt: continuer à croire que les francophones apprendraient le néerlandais et les Flamands le français.

A Bruxelles le week-end dernier, l’Adrienne a pu constater que cette frontière est bien réelle: lors de la visite du Parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles, le groupe néerlandophone ne connaissait aucun nom de ceux donnés aux diverses salles du bâtiment.

Même le guide avait dû se renseigner pour savoir qui était Amélie Nothomb, qu’il appelait systématiquement Nathalie Nothomb (vous imaginez à quel point l’Adrienne a dû se retenir pour ne pas le corriger ;-)) et en entrant dans la salle Maurane il demande à la cantonade:

– Quelqu’un ici connaît Maurane?
– Oui, fait l’Adrienne.

Apparemment, il ne voulait pas la croire:

– Ah bon? et c’est quoi? un peintre?
– Une chanteuse.

Le type avait ses idées sur la frontière linguistique et culturelle et aurait aimé qu’elles soient entièrement partagées. Confirmées.

Que José van Dam soit inconnu, passons, mais Philippe Gelück et son Chat?

Puis le groupe arrive dans la salle Eddy Merckx, que tout le monde connaissait, évidemment.

Et là son réflexe territorial lui fait dire:

– Je ne sais vraiment pas pourquoi ils ont choisi Eddy Merckx: il est Flamand! Il y a tout de même aussi de grands sportifs wallons?
– Ben oui, a dit quelqu’un, Justine Hénin.

Bref, une journée du patrimoine fort instructive.

Il aurait été intéressant de faire l’exercice inverse et d’accompagner un groupe francophone en visite au parlement flamand.

Photos prises à Bruxelles aux Journées du Patrimoine le 17 septembre dernier.

T comme tendance

C’est depuis 2020 que l’église gothique est en travaux divers, à commencer par une nouvelle toiture, et aujourd’hui on en arrive aux finitions.

Comme la tendance est à l’authenticité et au retour à l’état d’origine, des spécialistes sont venus étudier les traces des peintures anciennes et autres grimoires afin de pouvoir restituer le plus exactement possible la décoration intérieure… gothique.

Il y a une semaine, l’Adrienne a pu « jeter un œil » dans une des chapelles latérales où ce travail de décoration est terminé.

Et bien vous savez quoi? ça la laisse dubitative.

Elle a beau se dire « c’était comme ça, avant! », ça ne la convainc qu’à moitié.

Exactement comme si vous remettiez en technicolor les temples grecs, sous le même prétexte.

Mais tout ça sans doute est affaire d’habitude: ne trouve-t-on pas merveilleux les murs des villas de Pompéi, Oplontis, Stabiae, avec leurs fresques colorées?

Bref, faudra s’y faire.

T comme Tôt

Tôt le matin la digue est à l’ombre des immeubles qui la bordent et jusqu’à huit heures la plage appartient aux chiens avec leurs promeneurs.

Qu’il y ait des poubelles tous les vingt pas, que ce soit sur le sable ou sur la digue, n’empêche pas qu’il faille une armée d’hommes en orange pour que tout soit impeccable et que les sales touristes puissent recommencer à salir.

Malgré les températures déjà élevées – pour une Adrienne – et malgré les recommandations à cause de la canicule, on voit autant de joggeurs que d’habitude le long de la plage ou dans le Bosje.

L’Adrienne a décidé de ne plus s’étonner de rien.

Mais c’est difficile 😉

***

photo prise à Ostende le matin du 18 juillet.

T comme téléphonez-mi

Mini-Adrienne était en visite avec le petit frère et les parents chez des amis de ceux-ci qui avaient un fils de son âge.
Pas encore dix ans à l’époque.

Un fils que les parents aimaient mettre en valeur de toutes sortes de façons, ce qui étonnait toujours beaucoup la petite.

– Vous voyez, disait la mère du petit Christian, il ne réussit pas à dire correctement le mot ‘décalcomanie’ mais il vous dit la formule de Mary Poppins d’une seule traite.

Et en effet, il en a tout de suite fait la démonstration.
Jusqu’à trois fois: Supercalifragilisticexpidélilicieux!

Il savait aussi chanter et a choqué mini-Adrienne en lui chantant « J’aime les filles« .
Qu’elle ne connaissait évidemment pas, et il faut croire qu’à pas-dix-ans elle avait déjà des idées bien arrêtées sur l’exclusivité en amour 😉

Bref, c’est au petit Christian et à son refrain « téléphonez-moi/téléphonez-mi » qu’elle a pensé en voyant l’arrière d’une fourgonnette anglaise sur laquelle on pouvait lire la question suivante: « How is my driving? » accompagnée d’un numéro de téléphone pour les plaintes et/ou les félicitations.

***

Et pour boucler la boucle: ce « how is my driving? » est… une décalcomanie.
Mais on peut supposer qu’aujourd’hui le petit Christian réussit à mieux dire ce mot-là que supercalifragilimachin 🙂