En photographiant cet arbre sur fond de ciel le matin du premier janvier, l’Adrienne s’est tout à coup souvenue que c’était exactement ce genre de branchage qu’elle dessinait autrefois à l’encre de Chine.
Elle avait « oublié » qu’elle s’était adonnée à la passion de l’encre de Chine 😉
Impossible d’ailleurs de se rappeler où sont passés tous ces dessins, toutes ces aquarelles, tous ces fusains…
C’est tout de même bizarre, les trous dans la mémoire de quelqu’un qui a la réputation d’être hypermnésique 😉
L’origine étymologique du mot français ‘guerre’ est germanique, c’est ‘werra‘ et vous vous demandez sans doute quel est le rapport avec la photo des collines boisées.
L’Adrienne s’y promenait samedi dernier, l’automne était riche de couleurs mais là, dans ces creux et ces bosses, en 14-18, les Allemands avaient rasé tous les arbres – nos collines sans leurs arbres, on frémit à l’idée! – et creusé des tranchées.
On peut encore en voir de « beaux restes » même si aujourd’hui les arbres sont bien là.
Mais l’Adrienne était en sandales, donc pas équipée pour aller voir les tranchées 😉 et de toute façon, juste savoir qu’elles sont là lui suffit.
C’était le début des années nonante et l’Adrienne se promenait en ville avec sa grand-mère qui ne cessait de s’exclamer, chaque fois qu’elle voyait apparaître un nouveau chantier ou s’élever des étages de béton:
– Encore des appartements!
Et elle ne manquait jamais d’ajouter la question qui restait sans réponse:
– Mais qui va habiter là-dedans?
Trente ans plus tard, il y a toujours des chantiers pour de nouveaux blocs d’appartements qui se construisent, jusque dans la rue de l’Adrienne où un ensemble de six blocs porte le nom charmant de « parc » et chaque fois qu’elle passe devant, c’est-à-dire tous les jours, l’Adrienne pense à la question de sa grand-mère: est-ce que tout ça trouvera acquéreur?
Alors vendredi soir, assise avec une maman d’élève à la terrasse d’un café – oui ces jours-ci même en Belgique à la mi-octobre on peut passer une soirée en terrasse non chauffée et même sans manteau – quand vendredi soir leur regard à toutes deux s’est porté sur un nouveau bloc d’appartements au coin de la grand-place, elles ont exprimé la même pensée, sauf que chez l’autre dame la question lui vient de son père:
– Mais qui va habiter dans tous ces appartements?
***
photo prise dans ma rue, la démolition d’une villa avec usine et cheminée d’usine, pour construire six blocs d’appartements. Le beau saule pleureur n’a pas survécu non plus.
C’est grâce au concert du groupe Jiraan puis à leur CD Sirto que l’Adrienne a découvert ce chant traditionnel bulgare.
Elle a évidemment cherché les paroles et même tenté de les apprendre mais elle se contente généralement de chanter lalalalala.
Depuis des semaines 🙂
Elle ne peut malheureusement pas vous le faire écouter dans la magnifique version de Jiraan vu que ce n’est pas disponible parmi les vidéos qu’ils proposent sur leur site.
Elle ne vous le montre pas non plus dans la version Sylvie Vartan émotionnée par son retour en Bulgarie, la qualité du film et du son est trop mauvaise.
Reste celle-ci, avec des sous-titres en anglais, grâce auxquels vous comprendrez que ce n’est pas seulement le petit air qui plaît à l’Adrienne 🙂
Oui, qu’elle est belle, la forêt.
Espérons qu’on puisse continuer à en parler au présent.
Il y a un mot qui énerve beaucoup l’Adrienne, non pas le mot mais l’idée qu’il y a derrière, et elle a été très heureuse de voir que quelqu’un partageait son avis 😉
« Quelles sont nos racines? Et même, en a-t-on? Le débat fait rage, il est politique, moral, culturel, il tourne en rond et il m’exaspère. Je regarde sous mes pieds: pas de racines, je marche sans peine, je me déplace comme je veux. Les racines nationales, chrétiennes, européennes, c’est une métaphore, une image, une idée, on passe de l’un à l’autre par glissements de langage, on fait l’aller et le retour entre le propre et le figuré, on ne sait plus de quoi on parle, ça n’empêche pas de parler, de s’engueuler, d’envisager même de se battre; ça m’exaspère. Ce que j’ai appris de consistant sur les racines, c’est pour avoir roulé à toute vitesse [en rollers] dans les rues tant qu’elles étaient bitumées. […] J’ai appris ceci de fondamental en parcourant Lyon la nuit sur mes rampes de roulettes lancées à tout vitesse: les racines, c’est ce sur quoi on trébuche. Voilà une bonne définition de la prétendue racine humaine, et qui explique qu’elle nous lance dans d’absurdes débats. […]
La racine humaine, si on en revient à cette image approximative, est perçue spontanément comme ce qui nous tient, nous nourrit, et nous relie à un passé ancestral qu’étrangement l’on pense enfoui, d’autant plus profond qu’il est ancien, cela doit être l’influence de nos rites funéraires. […]
La métaphore de la racine appliquée à l’homme est un caillou dans la chaussure, tout à la fois symboliquement parlante et botaniquement fausse, on y revient toujours, on s’en agace aussitôt, on la rejette, et on y revient sans le souhaiter. On le sent, dit-on, que l’on a des racines; comme si on le pouvait. L’homme n’est pas un arbre, la cause est entendue, les racines qu’on lui prête sont une image inventée, mais sans doute est-ce cela la meilleure propriété de cette image: la racine est ce sur quoi on trébuche, ce qu’on n’a pas choisi et qui est toujours en travers du chemin, ce qui par là même fait le chemin. »
Alexis Jenni, Parmi les arbres. Essai de vie commune, Actes Sud, 2021, extraits des pages 27 à 36.
Toute l’info et les premières pages à lire sur le site de l’éditeur, d’où vient aussi l’illustration ci-dessous.
En cette mi-juin, le climat anglais proposait une chaleur sans nuages et des ciels d’un bleu si dur qu’on finissait par espérer la tempête orageuse annoncée pour le vendredi, puis pour le samedi, et qui ne cessait d’être reportée.
Dans le minibus, chacun ramenait sa science – ‘chacun’ étant à prendre ici au sens strictement masculin – comme l’expert en vins qui va deux fois par an en Bourgogne et une fois dans toutes les autres régions viticoles, possède deux caves pleines de bouteilles qu’il ne réussira jamais à boire en cette vie et qu’il commence donc à revendre. Certains vins faisant l’objet de spéculation, son hobby est devenu fort rentable.
Un autre parle de son jardin – plus de trois hectares, songe l’Adrienne, est-ce que ça s’appelle encore un jardin? – où ses hêtres bicentenaires se meurent. Il a voulu les remplacer. On lui conseille le châtaignier ou le chêne.
– Mais ça pousse si lentement! se plaint-il.
Alors il a fait venir à grands frais des marronniers qui ont déjà plus de 15 mètres et dont la motte pèse plusieurs tonnes. Qu’il a fallu beaucoup arroser, vu la sécheresse de nos étés.
– Il y en a deux qui vont assez bien, dit-il. Le troisième, je ne sais pas s’il va reprendre…
On arrive enfin à Charleston House. Une maison où certes on ne censurait aucune forme d’amour 😉 Au jardin, l’Adrienne prend évidemment des tas de photos.
Comme celle en haut du billet, où on voit à peine le pommier sous l’avalanche de roses parfumées. A leur pied, des céraistes tomentueux et des pivoines Bowl of Beauty en fin de floraison.
– Heaven! I’m in heaven! chantonne l’Adrienne, qui ne sait pourtant pas plus ce qu’est le paradis que l’enfer mais dont la grand-mère était fan de Fred Astaire.
On pourrait paraphraser Aristote et dire que la quiddité d’un jardin, c’est l’âme 🙂
Justement, en cherchant quelque chose dans le foutoir de photos de mon PC, j’ai vu quelque chose. Une photo que j’ai prise en 2018 du côté de la rue du Faubourg Montmartre. Elle m’avait frappé car elle posait une question que je m’étais déjà posée il y a bien longtemps. Ah oui… Que diriez-vous d’y mettre les neuf mots suivants ? Ciels – Enfer – Tomenteux – Quiddité – Abricot – Climat – Nuages – Tempête – Chaleur
Le trottoir était encombré de « nains » qui réalisaient une drôle de gymnastique, les bras levés au-dessus de la tête.
L’Adrienne se demandait pourquoi ils restaient les mains en l’air en regardant le verger.
– Ils arrivent trop tard, se dit-elle, la floraison se termine, c’était bien plus joli la semaine dernière. Et les quatre agneaux ont bien grandi, ils ne sont plus si blancs ni si attendrissants…
Mais ce n’étaient ni les agneaux ni les floraisons qui les occupaient:
– Regardez cet arbre-là, demandait la maîtresse, et faites avec vos bras la forme qu’il a… Est-ce que c’est la forme d’une pomme ou d’une poire?
Bref, le soleil brillait, ils prenaient l’air, apprenaient le mot « kruin » et pourraient expliquer le soir à papa et maman comment reconnaître un poirier, gestes à l’appui…
Voilà des années que l’Adrienne utilise uniquement ecosia comme moteur de recherche et qu’elle croit dans sa promesse: replanter des arbres.
Une ou deux fois au cours de ces années passées, elle a regardé ce genre de vidéo qui fait du bien.
« Pruning shrubs« , tailler les arbustes, c’est pour l’avenir de ses enfants, explique la dame, étant donné que la pluie vient à manquer et que les arbres disparaissent.
Trouver les arbustes de la bonne essence, les élaguer, les marquer pour qu’ils ne soient pas coupés mais qu’ils puissent pousser, offrir leur ombre et leur protection du sol.
Pour de meilleures récoltes maraîchères et la survie de la communauté.
Comme tout le monde, à l’école primaire l’Adrienne avait appris où se situait « le grenier à blé » de l’Europe mais ces derniers jours on peut lire par-ci par-là que ce grenier à blé a bien d’autres choses à offrir.
Oui continuons à en parler au présent.
Les fabricants de biscuits et les brasseurs craignent un manque de miel, l’agro-alimentaire est en manque d’huile de tournesol, la liste s’allonge quotidiennement.
Un petit tour sur wikisaitout apprend ceci, que sans doute nombre d’entre vous savaient déjà:
En 2018, l’Ukraine :
C’était le cinquième producteur mondial de maïs (35,8 millions de tonnes), face aux États-Unis, à la Chine, au Brésil et à l’Argentine ;
C’était le huitième producteur de blé (24,6 millions de tonnes) ;
C’était le troisième producteur mondial de pomme de terre (22,5 millions de tonnes), dépassé seulement par la Chine et l’Inde ;
C’était le premier producteur mondial de tournesol (14,1 millions de tonnes) ;
C’était le septième producteur mondial de betterave à sucre (13,9 millions de tonnes), qui est utilisée pour produire sucre et éthanol ;
C’était le septième producteur mondial de orge (7,3 millions de tonnes) ;
C’était le septième producteur mondial de colza (2,7 millions de tonnes) ;
C’était le 13e producteur mondial de tomates (2,3 millions de tonnes) ;
Était le cinquième producteur mondial de chou (1,6 million de tonnes), face à la Chine, à l’Inde, à la Corée du Sud et à la Russie ;
C’était le 11e producteur de pomme (1,4 million de tonnes) ;
C’était le troisième producteur mondial de citrouille (1,3 million de tonnes), dépassé seulement par la Chine et l’Inde ;
C’était le sixième producteur mondial de concombre (985 000 tonnes) ;
C’était le cinquième producteur mondial de carotte (841 000 tonnes), face à la Chine, à l’Ouzbékistan, aux États-Unis et à la Russie ;
C’était le quatrième producteur mondial de pois séchés (775 000 tonnes), seulement dépassé par le Canada, la Russie et la Chine ;
C’était le septième producteur mondial de seigle (393 000 tonnes) ;
C’était le troisième producteur mondial de sarrasin (137 000 tonnes), seulement dépassé par la Chine et la Russie ;
C’était le sixième producteur mondial de noix (127 000 tonnes) ;
Produit 4,4 millions de tonnes de soja ;
Produit 883 000 tonnes de oignon ;
Produit 467 000 tonnes de raisin ;
Produit 418 000 tonnes de avoine ;
Produit 396 000 tonnes de pastèque ;
Produit 300 000 tonnes de cerise.
L’Adrienne a évidemment surtout été interpellée par ces tonnes de noix, parce que les noix, ça pousse sur des arbres, et qu’il est plus facile de réensemencer une terre pour qu’elle produise du blé, de l’orge, des tournesols… que de replanter des noyers et d’attendre vingt ans qu’ils offrent leur production.