G comme gauche!

– Maintenant, tournez à gauche! commandait la voix désormais française de Madame GPS.

Or, à gauche, qu’y avait-il?

Un canal, plutôt large, et pas de pont.

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Après la voix hollandaise qui prétendait appeler l’autoroute « E troisième » au lieu de « E 3 », voilà que celle-ci veut se jeter à l’eau.

Sans doute à cause des noms de rue tout à fait imprononçables pour elle, devinez comment elle dit « Bachtekouter » 🙂

Ah ça rigole bien, dans la nouvelle auto!

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photo prise dans une galerie d’art bruxelloise

G comme GPS

– Il va faire beau ce week-end, avait dit le vendeur, profitez-en pour aller faire un tour en auto!

C’était la fin du mois de mai et en effet, l’Adrienne aurait dû « apprivoiser » sa nouvelle bagnole, au lieu de se lancer sur les routes de France un mois plus tard sans savoir comment activer les phares antibrouillards ou les essuie-glaces.

– Bah! je n’en aurai pas besoin en cette saison, s’était-elle dit. Mais évidemment sur les hauteurs de Fix il y avait une épaisse purée de pois et aux alentours de Clermont il avait drôlement draché.

Bref.

Elle avait pourtant bien lu le mode d’emploi, une fois en français et une fois en néerlandais 😉 mais elle n’en avait pas retenu grand-chose, sauf que le véhicule était conçu en pensant à sa sécurité: ainsi par exemple, il était impossible de manipuler le GPS tout en roulant.

Ce qui fait que toute la route, elle a dû bien tendre l’oreille pour comprendre ce que disait la dame du GPS: elle avait un (très) fort accent hollandais et quelques autres particularités, comme de dire les chiffres ordinaux au lieu des cardinaux.

Comme on ne peut pas non plus manipuler le GPS quand le moteur est coupé, elle a fait le chemin du retour avec la même voix hollandaise.

L’essence est trop chère et la planète bien assez polluée sans qu’on fasse tourner des moteurs juste pour tripoter des boutons 😉

V comme voyage, voyage

– Je ne comprends pas, dit la mère de l’Adrienne au téléphone, toi qui aimes tant le train, pourquoi tu veux absolument venir en auto!

Il faut trois secondes à l’Adrienne éberluée pour savoir comment y répondre calmement:

– Mais tu sais bien qu’il y a ces cadres? Ces deux peintures que tu voulais garder?

Sans compter qu’ils encombrent le couloir depuis deux ans. Le plus grand fait 128 cm sur 100, même pas sûr que ça y rentre, dans la voiture achetée spécialement avant les vacances au lieu d’attendre la fin de l’année.
Et qu’il y a aussi un gros sac avec des affaires que la mère avait oubliées à l’appartement, le jour du départ et qu’elle a bien demandé de lui apporter.
Comment mettrait-on tout cela dans une valise dans le train?

– Oh! fait-elle, ces cadres! Tu peux les garder!

Et elle ajoute même:

– Tu n’aurais jamais dû les prendre chez toi!

Faites donc plaisir au gens 😉

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Bref, aujourd’hui l’Adrienne prend la route pour aller passer huit jours chez sa mère.

Y comme YYY

– Vous qui êtes curieux de tout et vraiment intéressé pour tout savoir, dit finement la guide à Jef, il y a une chose que vous avez sûrement déjà remarquée mais que vous ne m’avez pas encore demandée…

Jef s’arrête, tout interdit.
Bravo Madame la guide, sourit l’Adrienne.

– Vous aurez sûrement remarqué que ma plaque d’immatriculation commence par YYY?

Jef ne l’avait pas remarqué mais bien sûr il a sa fierté et ne l’avoue pas 😉

– Et bien, une plaque comme celle-là, c’est pour indiquer que j’ai trois enfants. Et que donc je ne paie pas de taxe.

L’Adrienne, qui subodore une bonne petite blague que se permet la guide envers un emm…, examine attentivement toutes les plaques d’immatriculation qu’elle rencontre, jour après jour, et toutes les voitures du parking où la guide a rangé son auto.

Aucune plaque n’a les trois lettres YYY.

Aujourd’hui encore derrière son écran l’Adrienne sourit.
Aucun des sites consultés sur la politique de natalité en Grèce ne parle d’exonération de taxes, uniquement d’une récente prime par naissance comme seule tentative de faire remonter la courbe.

Bien joué, Madame la guide 🙂

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Photo prise en descendant de Mystras, la guide à l’avant-plan et oui, Jef est visible aussi.

Bien sûr, si quelqu’un a envie de creuser, de vérifier et de contre-vérifier, no problem: l’Adrienne aussi aime tout savoir 🙂

L comme limousine

– Tu as une nouvelle voiture? demande l’amie à qui l’Adrienne ouvre sa porte.

Elle montre le bel exemplaire long et sombre et rutilant garé juste devant et oui, elle est sérieuse: comme chaque fois qu’elle vient et qu’une bagnole est garée devant chez l’Adrienne, elle lui pose cette question:

– Tu as une nouvelle voiture?

C’est ainsi que tous ceux qui passent devant sa maison pensent que les poubelles ou autres choses qui traînent devant chez elle lui appartiennent 😉

Comme le jour où quelqu’un avait déposé (ou perdu?) un matelas sur son bout de trottoir et que sa directrice s’était étonnée, en route pour l’école, de voir ça là, alors que l’Adrienne est tellement « écolo » 😉

D comme décision

fiat 509.jpg

– A votre avis, demande l’Adrienne au garagiste, est-ce que cette auto pourrait encore faire 850 km? Un aller et un retour?

Il soupire, fait la grimace, se gratte la tête.

Il vient de lui annoncer que le passage au contrôle technique a été problématique et qu’on lui a bien dit que la prochaine fois, ça ne passerait plus. Et qu’il y aurait de gros frais à faire, des machins à propos des freins et des pneus et d’autres choses qui chez elle sont entrées par l’une oreille et ressorties par l’autre, sauf la conclusion: ça va coûter beaucoup de sous pour un an de répit 😉

– Je ne dis pas non, mais 850 km? deux fois? c’est risqué, tout de même.

C’est évidemment ce que l’Adrienne pensait aussi, elle a quinze ans de bons et loyaux services au compteur, cette bagnole, alors vous direz: était-ce bien la peine de poser la question?

Mais voilà, c’était une entrée en matière.
Le vif du sujet, c’est la décision à prendre: une électrique? une hybride? Même le garagiste n’a pas la réponse toute prête.

– Et pourtant, dit-il, je lis absolument tout ce qui se publie sur le sujet!

L’Adrienne aussi, et elle aurait préféré attendre encore deux ou trois ans, vu les améliorations attendues des batteries et toutes ces autres questions des vrais et faux débats écologiques.

– Ou alors une occasion, en attendant? suggèrent les amis.

Mais pour ce qui est du marché de l’occasion, chat échaudé craint l’eau froide.
Et puis, l’Adrienne n’aime pas les solutions à court terme.

Bref, elle est perplexe.

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photo de Walter Vermeir  (source) une Fiat 509 peinte aux couleurs de celle de Gaston Lagaffe, exposée au salon de l’auto de Bruxelles en 2006 

P comme Progrès

grayscale photo of man and woman sitting on car hood
source Immo Wegmann

C’était l’époque où on passait l’auto au polish pour que ses chromes brillent au soleil.

L’époque où on vérifiait le niveau d’huile, parce que c’était la question que le grand-père ne manquait jamais de poser.

Et l’époque où on avait toujours un jerrycan dans le coffre…

– Tu m’attends là? disait l’homme. Je vais voir si on peut avoir de l’essence quelque part.

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la véritable histoire de la Fiat est racontée ici et ici 🙂

7 comme 1907

Le 19 novembre 1907, l’écrivain préféré de Walrus a l’honneur de trois colonnes en première page du Figaro pour y donner ses Impressions de route en automobile.

Style et contenu sont fort différents – évidemment – du même genre d’exercice réalisé par René Boylesve (voir ici). Il faut dire qu’entre 1894 et 1907, ces drôles de machines ont eu le temps de faire quelques progrès, non seulement au niveau de la mécanique mais aussi en ce qui concerne le confort des voyageurs.

Et le voyage de Proust est un peu moins téméraire que les 600 km prévus par Boylesve et ses amis: son chauffeur, Alfred Agostinelli, doit le conduire de la côte normande – probablement Cabourg – jusqu’aux environs de Lisieux. Même pas 40 km.

Ce qui leur prend tout de même de nombreuses heures 😉

Ceux qui voudraient lire le texte entier plus facilement que sur cette page du Figaro le trouveront ici.

J comme Jaguar

L’Adrienne pataugeait dans la boue devant chez elle, en route pour faire les courses, quand elle a vu un homme en détresse – oui, vous lisez bien, un homme en détresse – lui faire de grands signes pour attirer son attention.

– Je dois être à la rue du F***, crie-t-il, c’est par où?
– Alors là, à pied vous y seriez très vite, sauf qu’en ce moment, même à pied on ne passe pas… et en voiture, c’est compliqué, à cause des travaux.
– Oui, j’ai remarqué, fait-il.
– Vous avez un GPS? demande l’Adrienne, qui se rendra compte du ridicule de sa question quand elle verra la bagnole, cinq minutes plus tard.

Bref, il devait faire demi-tour, s’y retrouver dans le labyrinthe du nouveau quartier résidentiel, remonter jusqu’à l’entrée de la ville puis redescendre par la grand-rue et ne pas rater le bon embranchement, sur sa droite.

Pas évident pour quelqu’un qui ne connaît pas le patelin et qui va manquer son rendez-vous avec un mort. Il aurait déjà dû y être. Au funérarium.

– Vous savez quoi, dit l’Adrienne, en voyant qu’il restait planté là sans avoir l’air de bien enregistrer ses explications – données déjà au moins deux ou trois fois, moult gestes à l’appui – je vais monter dans votre voiture et vous accompagner jusque-là.

Ce n’est qu’après avoir ouvert la portière et posé un premier soulier – fort crotté – sur l’élégant tapis assorti aux coussins de cuir beige clair, que l’Adrienne a vu les sigles et constaté qu’elle embarquait dans la bagnole préférée de sa mère. Une Jaguar.

Une Jaguar XJ (1) – pour cinq à six minutes de confort et la voix de Madame GPS qui a fini par être d’accord avec les indications que donnait l’Adrienne.

Au dernier embranchement 😉

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(1) c’est de là aussi que vient l’illustration

Y comme yolo

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L’Adrienne est sur l’autoroute entre Ostende et Bruxelles.

Elle essaie de se maintenir autour des 120 km à l’heure parce que c’est la limite imposée en Belgique, quand tout à coup une Porsche la dépasse à toute allure.

Le propriétaire est une de ces personnes qui ont mille euros de trop et se sont offert une plaque d’immatriculation personnalisée.

Sur la sienne, seulement quatre lettres: YOLO.

Et bien vous savez quoi? L’Adrienne a éclaté de rire, là, toute seule à son volant.

You only live once, et peut-être plus très longtemps…

Voilà exactement le genre de conducteur dont grand-mère Adrienne disait, chaque fois qu’elle en rencontrait un: « celui-là, il ne mourra pas dans son lit! »

source de la photo ici.