Il y a des jours où la seule activité « sportive » de l’Adrienne consiste à monter et descendre les quinze marches de son escalier – oui, quinze, elle les compte chaque fois pour être sûre que pas une ne manque – alors ces jours-là, soit elle est optimiste et se dit « heureusement que je ne me suis pas acheté un appartement, avec l’escalier je fais ma ‘cardio’ quotidienne », soit elle est réaliste et se dit « le jour viendra où… »
Bref, ça lui occupe autant la tête que les jambes 🙂
Il pleuvait mais comme on était au 9 mai l’Adrienne avait décidé de ranger ses chaussures et de ne plus sortir qu’en sandales.
Elle est donc arrivée au rendez-vous les pieds trempés – et les chaussettes aussi, il faisait frisquet – puisque comme chacun sait, le parapluie ne protège que le haut du corps et qu’une petite pluie gentillette au moment où vous mettez le nez dehors se transforme illico en déluge.
Le mardi suivant, en passant devant la jardinerie elle se dit Tiens, c’est le moment de prendre quelques plants de haricots nains!
Malheureusement ils étaient si humides et si fragiles qu’elle les a portés à bout de bras, ou plutôt bras repliés, dans une caissette tenue contre le corps dans le vain espoir de protéger les petites plantes du fort vent du nord qu’il y avait ce jour-là.
Après deux kilomètres à pied elle ne s’étonne plus d’avoir mal aux bras ni que la gentille vendeuse avait eu cet air de commisération en la voyant sortir du magasin.
Le mot de Merkel semble fait pour l’Adrienne, Wir schaffen das! ça va aller, je vais y arriver!
Samedi dernier au petit magasin du coin elle voit des sacs de terreau, elle se dit que ce n’est pas loin de chez elle, que ce serait bien d’en avoir un, HOP wir schaffen das, mais juste après l’avoir soulevé, elle a dû appeler au secours 🙂
La jeune caissière est accourue, « moi je vais au fitness tous les jours » explique-t-elle et HOP! le jette dans un caddie que l’Adrienne a pu faire rouler jusque chez elle 🙂
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Alors hier quand le guide du château de Schwetzingen a dit « Wir schaffen das! », l’Adrienne a bien rigolé 🙂
Il a dû se dire ‘Tiens, voilà une dame qui n’a rien à faire, je vais aller lui raconter ma vie’.
Tous les prétextes sont bons pour parler de sa passion, n’est-ce pas 🙂 et sa passion, c’est de transformer des cuillers, des fourchettes, parfois une vis ou un boulon… en ART.
Dans sa maison il a donc son petit atelier et avec du vieux il fait du neuf. Enfin, c’est comme ça qu’il le voit.
Il a montré des photos à l’Adrienne – qui n’en demandait pas tant, c’est bien l’horreur du téléphone portable de permettre ces choses-là – et ce qu’elle a surtout vu, ce sont des meubles couverts (LOL) de ces objets, ce qui fait qu’elle a surtout eu une pensée émue pour la personne chargée de « faire les poussières ».
– Il y en a beaucoup! a-t-elle dit faiblement.
– Oh! pas tant que ça! Il y en a aussi chez mon fils.
L’Adrienne imagine la joie de la bru 😉
– Je n’arrive pas à m’en séparer, continue-t-il, on m’a déjà demandé si je les vendais, mais non, absolument non! Je passe tellement d’heures à les fabriquer qu’ils font partie de moi.
Bref, L’Adrienne connaît maintenant les difficultés inhérentes à cette occupation – le plus compliqué, c’est l’inox, le plus long, c’est le polissage, voilà maintenant vous savez aussi 😉 mais ce qu’elle n’a pas compris du tout, c’est la conclusion:
– Je ne sais pas si je vais continuer à en faire le jour où je serai retraité!
Et non, Joe Krapov, ne dis pas que c’est parce que le retraité n’a pas le temps, il doit y avoir une autre explication 😉
Ouf! juste à temps, se dit l’Adrienne en déposant le précieux paquet simplement enveloppé d’une feuille de papier.
Elle s’était dépêchée entre deux averses, jeudi dernier, pour aller récupérer la photo de famille chez un encadreur.
La ficelle avec laquelle elle l’avait accrochée au mur du salon, il y a dix ans, datait de l’époque de la photo, 1938-39, de sorte qu’un jour l’Adrienne a entendu un grand bing!
Si vous êtes allé cliquer sur ce lien, vous vous direz « Mais pourquoi avoir attendu six ans avant de le faire réparer? »
Et bien voilà, d’abord l’Adrienne avait pensé le faire elle-même.
Mais elle avait si peur d’aggraver les dégâts, d’abîmer le cadre en essayant d’enlever les petits clous rouillés, bref de ne pas être à la hauteur, qu’elle attendait… quoi, au juste?
Peut-être justement le retour dans sa ville de l’encadreur auquel elle avait déjà confié une tâche vers… 1990-95. Puis il était parti s’installer en Tunisie – il est artiste peintre – où il est resté entre quinze et vingt ans.
Même lui a eu besoin de plus de dix jours, d’ailleurs 😉
– Venez samedi, ce sera fait!
Puis il se ravise:
– Ou plutôt non, samedi sera vite là, venez mercredi prochain.
Mais le mercredi, ce n’était pas prêt.
– Pas grave, dit l’Adrienne, depuis le temps que je l’attends, je ne suis pas à deux ou trois jours près!
– J’ai vraiment de la chance avec mes clients, répond l’artiste, ils sont toujours tellement compréhensifs!
Qui pendant deux ans et trois mois n’ont rien fait d’autre que forer, taper, visser, coller et oublier de payer le loyer.
– Mais comment m’en débarrasser? se plaint-il, on ne peut pas mettre des locataires à la porte, sauf si on vient habiter soi-même ou si on vend… donc voilà: je vends.
Ils sont évidemment partis à la cloche de bois, il y a quinze jours, et il a trouvé un tas de courrier, uniquement des factures en retard et des avis de paiement…
Pendant deux jours entiers, hier et avant-hier, il a vidé la maison de tout le « brol » qu’ils y ont laissé, vieilles planches, nombreuses palettes, quelques meubles, une montagne de choses diverses dont on se demande pourquoi ils les ont collectionnées et laissées là… pour recommencer ailleurs.
– Et maintenant que c’est vidé, je vais encore devoir tout repeindre, soupire-t-il. Je pense qu’ils n’ont jamais nettoyé. Et ils fumaient comme des pompiers!
L’Adrienne sourit: ça devient vraiment marrant, cette histoire 🙂
Le premier miracle de l’année 2023 a eu lieu un soir de la semaine passée: l’électricien qui devait venir faire deux petits travaux de réparation depuis juillet 2022 était enfin à la porte de l’Adrienne.
Elle a failli ne pas le reconnaître 😉
Et pour rendre ce coup du hasard encore plus fabuleux, c’était exactement le jour où dix ans plus tôt, l’Adrienne avait signé le compromis de vente pour la maison de tante Fé.
Fêter cet anniversaire avec deux nouvelles prises de courant, quel cadeau merveilleux 🙂
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Photo de 2013 et des travaux plus conséquents qui ont dû avoir lieu à ce moment-là 🙂
Hier soir en allant à une réunion dans le centre, l’Adrienne est abordée par deux gamins qui lui expliquent qu’ils sont en « dropping » depuis le matin dans sa ville, qu’ils ont soif et pas un seul euro pour s’acheter une boisson.
– Ah! c’est ennuyeux! dit-elle, mais de nos jours on n’a plus de cash sur soi! Je n’ai même pas de portemonnaie!
Ce n’est qu’après leur départ qu’elle a pensé que deux cents mètres plus loin, il y a la grand-place, ses cafés et ses brasseries, et qu’elle aurait pu les y emmener pour leur payer un verre avec sa carte bancaire.
Même si elle s’est dit que vingt-quatre heures dans une ville inconnue, sans le sou, sans sac à dos, c’était un drôle de jeu.
Cinq minutes plus tard, c’était « tintin » aussi pour elle: la réunion à laquelle elle se rendait dans le froid et le noir de ce jeudi 23 février n’a lieu que le jeudi 23 du mois prochain 😉
On peut le voir sur de nombreux petits films, de généreux bienfaiteurs offrent un carton de victuailles, une somme d’argent ou un autre cadeau à un malheureux assis sur son carton sans la rue, et chaque fois l’Adrienne se demande qui tient la caméra, pourquoi il fallait immortaliser ce « beau geste » et surtout quel est l’avant et l’après de cette petite (mise en?) scène…
Mais ce dimanche-là, à Bruxelles, à la gare Centrale, il n’y avait aucune caméra quand l’Adrienne a vu un jeune homme se diriger prestement vers un SDF, lui offrir un petit déjeuner complet qu’il venait d’acheter dans une des boutiques, puis repartir tout aussi prestement.
L’affaire de quelques secondes, en toute modestie et en toute anonymité.
Mais comme ça fait du bien d’en avoir été le témoin!
Non, ça ne lui avait pas plu du tout, à l’Adrienne, quand d’un seul coup d’œil sur le bureau, Berthe avait décrété:
– Moi aussi je suis bordélique.
Bon, on peut s’entendre sur le vocabulaire, elle a dit « ik ben ook slordig » et ‘slordig‘ peut se traduire par négligeant, désordonné, pas soigneux…
Mais là n’est pas la question.
Ce qui n’a pas plu à l’Adrienne, c’est cette conclusion pour le moins hâtive, alors que tout le reste de la maison est parfaitement rangé et que sur le bureau, le désordre n’est qu’apparent.
Bref.
Aujourd’hui l’Adrienne jubile: elle vient de lire que la gourou du rangement a déclaré:
« Ma maison est en bazar, mais la façon dont je passe mon temps est la bonne pour moi à ce moment-là, à cette étape de ma vie. Jusqu’à présent, j’étais une professionnelle du rangement, donc je faisais de mon mieux pour garder ma maison bien rangée à tout moment. J’ai en quelque sorte renoncé à cela, dans un bon sens pour moi. »