A comme à l’avance

Oublions pour une fois le Carpe diem et réjouissons-nous à l’avance de ce qui nous attend demain – inch’Allah, disait grand-mère Adrienne, mais dans son patois flamand – la première vaccination!

– Peut-être bien, écrit-elle à Monsieur Filleul, que je pourrai être présente au baptême du petit Jean-Baptiste, finalement!

Bon, d’accord, il ne s’appelle pas Jean-Baptiste, mais avouez qu’il aurait pu 🙂

Dernière fois

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Avec sa classe de cinquième (la Première, en France), Madame termine le programme de littérature, ces quelques poèmes choisis parce qu’ils sont beaux et représentatifs, en un mot: incontournables.

Vendredi dernier, elle leur a donc servi Demain, dès l’aube… et mardi Le dormeur du val.

– Est-ce que vous voyez des liens, des points communs avec d’autres textes que nous avons lus? demande Madame.

– Ça parle de la mort, répond Yorrick.

Alors Madame pense à François, comme chaque année au moment de lire Le dormeur du val.

Et dans ce silence si spécial d’une classe qui écoute un témoignage personnel, Madame raconte François, son cancer fulgurant, et ses doutes à elle, concernant son programme de littérature et la présence du thème de la mort.

– Je suis allée trouver mon directeur de l’époque, explique Madame, pour lui demander conseil. Il avait été mon propre prof de français. Qu’est-ce que je dois faire, lui ai-je dit, Demain dès l’aube, Le dormeur du val, tout ça parle de la mort d’un jeune. Et le directeur a répondu: c’est normal, oui c’est ainsi, toute la littérature, tout l’art parle de la mort, de notre finitude.

– Vous comprenez, poursuit Madame, que ça ne m’a pas trop aidée. C’est vrai que tout, finalement, parle de la mort, même l’Ode à Cassandre que nous avons lue: même le Carpe diem veut en fait dire « vis aujourd’hui parce que demain tu n’y seras peut-être plus ».

– Alors, termine Madame, c’est à François lui-même que j’ai exposé mon problème…
Et il m’a dit: « Ne vous inquiétez pas pour ça ».

7 conseils

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La nipotina trouve l’endroit absolument gezellig (1). Il est vrai que de là où j’étais assise, j’avais de quoi occuper les yeux.

Vieilles plaques publicitaires en métal peint, agrandissements de photos anciennes sépia, objets divers des milieux ruraux d’autrefois… et cette affiche sentencieuse, en anglais of course, la langue qui met tout le monde d’accord et que soi-disant tout le monde comprend 🙂

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La table laissée par quatre cyclotouristes et à droite, la nipotina, cachée derrière le menu.

(1) gezellig n’a pas d’équivalent en français, c’est un adjectif qui permet d’émettre une opinion toute personnelle sur ce qu’on trouve à la fois agréable, sympathique et convivial comme ambiance, décor, lieu ou personne.

Z comme zen

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Ah! petite fille, petite fille!
Tu es pressée de dévorer les plaisirs de la vie, d’être déjà au lendemain et de vieillir!
Apprends à profiter de l’immédiateté au lieu de te pencher au-dessus de la margelle dans l’espoir d’entrevoir le visage de ton prince charmant.
Vis aujourd’hui et reste sereine face à ces proliférations de hasards: ils sauront répondre à tes désirs.
Retiens ces deux mots de latin ou lis les poètes: cueille les roses de la vie…

Petit poisson deviendra grand, laisse-lui le temps.

***

Texte écrit en hommage à ma grand-mère Adrienne pour les Plumes reprises par Emilie avec les mots imposés suivants: PLAISIR – HASARD – PROFITER – CUEILLIR – AUJOURD’HUI – LENDEMAIN – ROSE – SEREIN – POISSON – PROLIFÉRATION – LATIN – IMMÉDIATETÉ – MARGELLE – DÉSIR – DÉCADENT – DÉVORER – on pouvait en laisser tomber un.

Photo: la rose Pierre de Ronsard, déjà utilisée ici plus d’une fois 🙂 

X c’est l’inconnu

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– Il y a un ingrédient mystère dans ce petit dessert, dit la gentille Delfine en apportant une assiette surprise ornée de sa bougie d’anniversaire. A vous de le trouver! 

Alors l’Amie et l’Adrienne dégustent à la petite cuiller et trouvent le spéculoos, le chocolat, le caramel, la banane, le fromage frais… et cette petite mousse au milieu, peu sucrée, au goût de… au goût de… 

De quoi, au fait? 

L’Amie est une ancienne collègue, à la retraite depuis sept ans déjà. Elle voyage beaucoup. Elle a passé septembre et octobre chez elle et s’embarque pour les Philippines la semaine prochaine. 

– Toi, dit-elle, tu sais ce que tu as fait de septembre et d’octobre. Mais moi? qu’en ai-je fait? c’est passé, c’est tout ce que je sais. 

Et autres considérations philosophiques sur le temps qui passe. 

– On reviendra ici, dit l’Amie.

H comme heureux!

Le Journal d’un homme heureux débute le mardi 6 septembre 1988 et d’emblée on voit de quelle sorte de bonheur il s’agit: celui qui consiste à ne pas se lamenter pour ce qui va mal (par exemple avoir complètement oublié qu’on a invité des tas de gens à passer à la maison pour cette veille de rentrée) mais à se réjouir de tout ce qui est beau et bon dans l’existence (chacun a apporté quelque chose à manger et la soirée a été belle et conviviale).

Au fil des pages, on découvre un Philippe Delerm plus intime que d’habitude – évidemment, c’est un journal, il l’a tenu pendant environ un an et demi – son amour pour sa femme et pour son fils, pour son métier de prof, qu’il exerce avec enthousiasme et respect, pour les livres et la littérature. 

On y découvre la vie dans un village normand, une vieille maison, un grand jardin, et le choix d’une carrière à mi-temps, malgré la précarité financière, pour avoir le temps d’écrire. L’auteur, à ce moment-là, n’est pas encore une célébrité. Il aime cette vie loin de Paris, dans la lenteur des jours ordinaires, comme il les appelle. 

Ici et là, c’est le Delerm d’aujourd’hui qui a ajouté une ou deux pages de réflexion de 2015 pour éclairer ou commenter ce qu’il a écrit vingt-sept ans plus tôt. C’est un plus. 

En 1988, il en train d’écrire un premier roman, Autumn (sur les peintres préraphaélites), il n’a pas encore écrit La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, mais c’est déjà ce style-là, ces petites touches et descriptions précises des petits bonheurs quotidiens, de ceux qu’on trouve généralement si évidents qu’on ne s’y arrête pas, comme le signale Victor Hugo après la mort de Léopoldine: avoir une maison, une famille, des amis, des conversations près d’un bon feu, « j’appelais cette vie être content de peu ». 

J’aime les gens qui, comme Philippe Delerm, se rendent compte que c’est beaucoup, au contraire, et qui réussissent à jouir de l’instant. 

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photo, info, texte, critiques etc sur le site de l’éditeur Seuil 

« Ecrire, dessiner, travailler au jardin, faire l’amour, allumer un feu, lire, goûter avec Vincent quand il revient du collège. Tout cela dans la lenteur d’un temps qui nous ressemble, dans un silence chaud, patient, habité. Il n’y a pas de vie meilleure à boire que la mienne, ces jours-là. Ce sont les jours ordinaires. J’aime moins les jours extraordinaires. » (p.11-12) 

Stupeur et tremblements de rire

Madame a eu beaucoup de mal, à l’examen d’hier, vraiment beaucoup de mal à garder son sérieux.

Elle a fait tout ce qu’elle a pu pour ne pas éclater de rire quand James, qui analysait l’Ode à Cassandre, a dit:

– Il lui a montré que la rose était affamée.

 école, élève, prof

Par contre, elle ne s’est pas gênée pour éclater de rire quand il a déclaré:

– Il veut dire qu’elle doit l’aimer maintenant qu’elle est jeune et belle parce qu’elle va vite devenir vieille et moche.

7 conseils

Je vous livre tels quels les 7 conseils trouvés l’autre matin. Ils sont censés nous donner du cœur au ventre pour affronter le prolongement des années de carrière.

L’âge de la retraite s’éloigne de plus en plus, mais que ce ne soit pas une raison de se rendre malheureux, lit-on dans le chapeau de l’article, et voici le pourquoi et le comment:

1.ne pas faire le décompte des années qui séparent de la retraite

ça semble évident, puisque c’est devenu une chose impossible à calculer.
Dans l’enseignement, par exemple, chaque ministre s’est employé à reculer cette date, petit à petit, de sorte que plus aucun prof ne sait à quel âge ça lui sera possible.
Sauf ceux de cette année dont les formulaires viennent d’être acceptés et signés.

2.planifier la carrière: changer de boulot, d’heures, de jours ou de tâches au travail

les heures et les jours d’école sont fixes, les matières enseignées, les contenus et les démarches sont imposés
et comme je réponds chaque fois aux anciens élèves qui me demandent si je suis toujours prof de français:
« Je ne sais rien faire d’autre » Langue tirée

3.apprécier les contacts sociaux qu’offre le travail

no comment Langue tirée
(quoi, il y en a que tu ne peux pas blairer, qui te pompent l’air, qui font mal leur boulot et en plus ta directrice est une incapable? Apprécie, je te dis!)

4.rester en bonne santé

chère amie atteinte d’un mal incurable, tu n’as pas bien suivi le conseil numéro 4, alors voilà où tu en es!
Eigen schuld, dikke bult!

5.ne pas attendre la retraite pour profiter de la vie

ah génial! je ne l’avais encore jamais entendue, celle-là Cool

6.être flexible et ne pas avoir peur d’entamer une activité indépendante à côté de son boulot

je vais m’installer comme répétitrice à mes moments perdus (c’est-à-dire le dimanche matin) et me faire payer 20 € à l’heure, ça c’est le vrai bon plan. Mouarf!

7.planifier les finances, i.e. économiser en vue de la retraite

en légère contradiction avec le numéro 5, qui préconise de faire un grand voyage chaque année etc. Mais soit.

Alors? Vous vous sentez mieux?

Et maintenant tous en chœur:  

Soixante-sept ans?
Nous sommes partants!actualité,prof

photo du couvent à côté de mon école
qui est une maison de retraite pour religieuses
(de toute façon, il n’y en a plus aucune en-dessous de 67 ans)

http://www.jobat.be/nl/artikels/7-tips-om-zonder-zorgen-tot-je-67ste-te-werken/?utm_source=standaard&utm_medium=content&utm_content=link&utm_campaign=newsletter&utm_term=ochtend

chantons avec les Charlots:
« Quand on arrive à l’usine
La gaieté nous illumine« 

ou

répétons avec Fernand Raynaud:
– Je m’amuse!
http://www.musicme.com/Fernand-Raynaud/titres/J’m’amuse-t120353.html

J comme j’ai compris

J’ai compris très tôt que je ne serais pas danseuse étoile.

Que je ne chanterais jamais en public.
Que je ne verrais jamais New-York.
Que je ne prendrais pas de bain de minuit dans le Pacifique.
Que je ne parlerais pas toutes les langues du monde.
Que je ne guérirais pas ceux que j’aime en leur tenant la main.
Qu’il n’y aurait pas de miracle.
Qu’il n’y a pas de Dieu.

Mais là j’ai mis plus de temps.

J’ai compris très tôt que les enfants meurent.
Même tout bébés.
J’ai compris que les cadres accrochés aux murs sont des expiations.
Que la tombe est une pierre froide sous laquelle on pourrit lentement, mangé par les vers.
Je l’ai compris à cinq ans.

Un jour peut-être je comprendrai que pour avoir compris tout ça à cinq ans, je n’aurai pas vécu.
Pas compris ce qu’il fallait comprendre.
Qu’il faut vivre et jouir de l’instant.
Et cesser de regarder ces photos de morts dans leurs cadres accrochés aux murs.

  souvenirs d'enfance,vie quotidienne,vive la famille

 celle dont je porte le prénom et dont, jusqu’à mes 4 ou 5 ans, je croyais que c’était moi