En Thaïlande, les autorités encouragent les personnes âgées de plus de 65 ans à retourner sur les bancs de l’école. Non pas pour acquérir des diplômes mais pour lutter contre l’isolement croissant et les problèmes liés à la solitude.
C’est ainsi qu’on peut voir de facétieuses vieilles dames en jupette rouge, la couleur de l’uniforme, ayant poussé le jeu jusqu’à se faire des couettes comme quand elles avaient dix ans. Rouge aussi, bien sûr, le chouchou à pompon pour les attacher!
Le but est que pendant les douze semaines où ils iront à l’école, ces messieurs et ces dames retrouvent une vie sociale. Se fassent des copains, donc.
L’article ne dit pas quels profs le gouvernement a trouvés pour leur faire la classe, ni ce qu’il y a au programme des études. On sait juste que la journée commence par le salut au drapeau et l’hymne national. En uniforme rouge et blanc. Exactement comme pour les petits écoliers.
On n’est pas près d’organiser ce genre d’occupation pour nos propres personnes âgées, ce mois-ci de nouveaux chiffres ont paru dans la presse concernant le manque toujours croissant de profs. Rien qu’en Flandre et uniquement pour le secondaire, il en faudra 4000 à la rentrée. Personne ne sait où on les trouvera.
Chaque année, au moment de la floraison des glycines, je me redis qu’il faudrait que j’en plante une. Celle-ci, photographiée le 25 avril dans un jardin de ma ville, était en début de floraison et déjà de toute beauté.
J’y songe donc sérieusement, une fois de plus, pour l’automne prochain, si les travaux à la rue sont terminés.
On peut rêver 🙂
Spéciale dédicace à ma grand-mère Adrienne, dont le bleu était la couleur préférée et qui fête l’anniversaire de sa naissance demain 🙂
Ils étaient jeunes et sans le sou, ce qui est absolument dans l’ordre des choses. Mais ils avaient besoin d’une bagnole.
Par bonheur, le beau-frère d’un beau-frère était carrossier et vendait des voitures d’occasion.
C’est beau la vie, parfois.
Il leur a tout de suite dégoté ce qu’il leur fallait: une super occase, pas chère du tout, une Fiat vert d’eau qu’ils ont payée rubis sur l’ongle.
Les voilà sur la route, tout heureux, tout fiers. Pensez donc, leur première bagnole!
Elle est pas belle, la vie?
Sur les conseils du grand-père, ils l’ont d’abord bien bichonnée, passée au simonis longue durée: le vert d’eau, les vitres et les chromes, tout brillait au soleil de juin.
Une heure et demie plus tard, ni les roues ni les freins ne répondaient plus: ils venaient de passer au travers du châssis.
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écrit pour le Défi du samedi
G comme guimbarde
photo de Walter Vermeir (source de la photo)
Fiat 509 peinte aux couleurs de celle de Gaston Lagaffe
salon de l’auto de Bruxelles en 2006
Quand elle a vu l’affiche jaune chez le notaire, la photo – pourtant de mauvaise qualité – a tout de suite attiré son attention: une maison de l’entre-deux-guerres, située dans un des beaux quartiers, vraiment pas chère… Peut-être une opportunité à saisir. Des mois déjà qu’elle cherche, hésite, compare…
A l’étude, une des nombreuses secrétaires lui a remis un pesant trousseau de clés. Non, personne ici n’a le temps de l’accompagner, et de toute façon on lui fait confiance. Juste penser à bien refermer la porte en partant.
La maison lui a plu tout de suite. Son charme vieillot, ses parquets ayant vécu, ses couleurs fanées. Elle s’y voit déjà. Peut-être juste repeindre en blanc les plafonds et leurs stucs… Au premier, une antique salle de bains avec la baignoire à pattes de lion et le grand lavabo carré, au second encore deux chambres spacieuses…
Tiens, il y a un troisième étage? Toutes les portes sont fermées à clé mais celles du trousseau reçu à l’étude n’y entrent pas. Elle sourit des pensées frivoles qui lui viennent, des envies enfantines de pièces encombrées de vieilles malles aux trésors, de bahuts anciens lui révélant leurs merveilles cachées depuis bientôt un siècle…
De retour chez le notaire, qu’elle a finalement pu coincer entre deux rendez-vous, elle ne cache pas son enthousiasme.
– Et au troisième, demande-t-elle avec de l’excitation dans la voix, il y a quoi dans ces pièces fermées à clé?
– Au troisième? fait-il éberlué. Mais il n’y a pas de troisième étage dans cette maison! Vous le voyez bien sur la photo, d’ailleurs.
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tableau et consignes chez Lakévio qui nous demandait « simplement d’écrire, à partir de la toile du jour, une histoire un peu, beaucoup, passionnément … ONIRIQUE, ÉTRANGE, MYSTÉRIEUSE…
Un début curieux, et qui a infiniment intéressé, c’est celui de M. Bridgetower, jeune Nègre des Colonies, qui a joué plusieurs concertos de violon avec une netteté, une facilité, une exécution et même une sensibilité qu’il est bien rare de rencontrer dans un âge si tendre (il n’a pas dix ans). Son talent, aussi vrai que précoce, est une des meilleures réponses que l’on puisse faire aux Philosophes qui veulent priver ceux de sa Nation et de sa couleur, de la faculté de se distinguer dans les Arts.
Le Mercure de France, avril 1789.
Cet enfant de neuf ans, George Bridgewater, vient de donner un premier concert à Paris, aux Tuileries. Emmanuel Dongala retrace sa carrière à partir de ce moment-là jusqu’à celui de la rupture avec Beethoven, à Vienne, en 1803.
Ce récit, nous dit l’auteur dans ses remerciements en fin d’ouvrage, « est une fiction fondée sur des faits réels ». En effet, quelques documents et témoignages d’époque attestent des voyages, des rencontres, de la carrière aussi brillante que précoce du violoniste et compositeur George Bridgewater. Emmanuel Dongala a donc, pourrait-on dire, « rempli les trous » par la fiction qu’il a imaginée pour nous parler de ce jeune homme mais surtout de tout ce qui est en train de bouger dans la société de cette fin du 18e siècle, à commencer par la révolution française, et bien sûr la question de l’esclavage et du statut de l’homme noir.
« C’est un travail qui m’a pris plusieurs années pendant lesquelles non seulement j’ai suivi des cours d’histoire de la musique, j’ai consulté de nombreux ouvrages, documents et articles, je suis allé à de nombreux concerts, mais j’ai aussi visité les sites importants d’Eisenstadt, de Vienne, de Londres et de Paris où se déroule l’histoire. »
Ce sont probablement ces longues études et nombreuses recherches qui se trouvent à l’origine de quelques longueurs fort didactiques et superflues, ou même carrément invraisemblables, comme cette petite servante d’auberge qui explique à George comment on procède à l’époque pour laver le linge:
Ce n’est pas un travail de tout repos: entasser le linge sale dans d’énormes baquets en bois, le recouvrir d’une toile sur laquelle on répand de la cendre préalablement tamisée, puis jeter par-dessus cette toile des chaudronnées d’eau bouillante et attendre ensuite que cette eau filtre lentement à travers le tissu poreux et imprègne le linge sale. […] Et le lendemain, sortir le linge détrempé des baquets, le charger sur une brouette et transporter le lourd fardeau au lavoir. Une fois au lavoir, tremper ce linge sale dans des bacs de lavage, le battre et le frotter énergiquement sur les planches à laver, le retourner et le rincer plusieurs fois avant de l’essorer péniblement à la main.
Mais que cet aspect didactique ne rebute pas le lecteur et qu’il le prenne comme une garantie que tout le reste a été également fouillé et vérifié, à commencer par les nombreuses rencontres parisiennes: Olympe de Gouges, Condorcet, Jefferson, Desmoulins, Lavoisier.
Bref, une belle histoire, un beau destin d’artiste et cette découverte, pour moi, que la fameuse Sonate numéro 9 dédicacée à Kreutzer l’avait été, au départ, à George Bridgetown, « sonata mulattica composta per il mulatto Brischdauer, gran pazzo e compositore mulattico. » Grand fou et compositeur mulâtre, écrit Beethoven en haut de la partition.
Moi aussi j’ai marché sur la Lune. C’était en décembre et c’était beaucoup plus impressionnant que ces amateurs d’Apollo 11.
D’abord, c’était en couleurs: la fusée était du plus bel effet, avec ses carrés rouges et blancs, et nos costumes de bibendums oranges surmontés d’un beau globe aquarium tout à fait jolis et pratiques. En plus on avait un chien. Pas une malheureuse Laïka attachée comme un condamné à mort (lente) mais un vrai compagnon, intelligent et en alerte.
Quand j’étais petit, disait mon frère alors âgé de huit ou neuf ans, et il ne pouvait jamais finir sa phrase tellement ça faisait rigoler les grandes personnes. Moi je savais qu’il allait dire qu’il voulait un chien quand il était petit mais qu’il en aurait un quand il serait grand. Ou même deux. Je ne pense pas qu’on aurait pu prendre deux chiens dans la fusée, surtout pas des grands comme mon frère en voulait. C’est sûr qu’on aurait manqué d’oxygène, sur ce coup-là!
Et croyez-moi, ce problème d’oxygène nous a salement pourri la balade! Quelle tension dans la cabine, quelles inquiétudes! Sans compter que je suis déjà claustrophobe dans un ascenseur et que je manque d’air dès que mon nez est sous la couette. Bref, il fallait garder son calme et ne pas respirer trop fort.
Quand soudain un type en plus est apparu dans la cabine, on a paniqué. Déjà qu’on était drôlement à l’étroit, avec Dupont et Dupond qui n’étaient pas prévus au programme et qui s’amusaient à mettre le bazar, comme d’habitude… alors quand ce Jorgen a sorti son arme à feu, on ne savait vraiment plus où se mettre.
Mais ce n’est pas si grave et j’aurais dû le savoir, puisque ces aventures se terminent toujours bien – d’ailleurs sans cette garantie je ne me serais jamais embarquée dans cette fusée, malgré ses jolis carrés rouges et blancs. Ce n’est pas si grave, me suis-je dit, si un mauvais tue un autre mauvais et s’il se suicide après. De toute façon des gens comme lui ne peuvent aller qu’en enfer. C’est obligé.
Et comme par magie on a eu pile poil assez d’oxygène pour arriver sur terre presque en bonne forme. On était juste un peu évanouis.
Consignes et illustrations chez Joe Krapov, que je remercie!
Comment j’ai adopté un dragon
Il s’agit d’un jeu de cartes et de dés d’Yves Hirschfeld et Fabien Bleuze édité par « Le Droit de perdre ».
incipit n°14 Moi aussi, j’ai marché sur la Lune
Toutes les sept minutes l’animateur lance un dé. On doit alors inclure dans son histoire les petits mots qui sont apparus. Pour cette séance les mots à inclure ont été :
Quand j’étais petit Et croyez-moi Quand soudain Mais ce n’est pas si grave Et comme par magie
A chaque fois, c’était un tel plaisir, cette ambiance de bivouac, ces uniformes, ces feux de camp, et cette émulation entre les participants, perceptible jusque dans les moindres détails de l’équipement.
Lui, il était particulièrement fier du sien, de cette veste aux poignets qui s’effilochent, de ce pantalon à la couleur passée, de cette médaille épinglée là où bat son cœur. Seule la casquette à visière était un peu trop neuve et luisante.
Mais le reste, tout le reste, avait appartenu à cet ancêtre irlandais dont, il en était sûr, il avait hérité le regard bleu gris. Qu’importe si nulle photo ne pouvait en témoigner. Il y a de ces choses qui sont une évidence, il n’en démordait pas.
Il sirotait son café tiède en regardant au loin les deux simili-bataillons se livrer leur fausse guerre, avec de vrais coups de canon, des tirs au fusil, des cris de commandement, des clairons qui sonnent, des nuages de fumée planant sur la pente herbeuse.
Si seulement ça pouvait l’aider à oublier les cauchemars de sa vraie guerre…
Est-ce que dans cent ans un de ses descendants s’amuserait à rejouer la guerre du Vietnam?
Pour terminer le mois belge, voyons ce que dit Théophile Gautier à propos de son voyage dans notre pays:
extrait 1: Mons
« Mons est une vraie ville flamande. Les rues y sont plus propres que les parquets en France ; on les dirait cirées et mises en couleur. Les maisons sont peintes, sans exceptions, du haut en bas, et de teintes fabuleuses. Il y en a de blanches, de bleu cendré, de ventre de biche, de roses, de vert pomme, de gris de souris effarouchée, et de toutes sortes de nuances égayées, inconnues dans ce pays-ci. Le pignon découpé en forme d’escalier s’y montre assez fréquemment. La toiture de l’Ambigu-Comique peut donner aux Parisiens, qui ne sont pas très-cosmopolites en général, une idée assez nette de ce genre de construction : cela produit un effet d’une bizarrerie assez agréable. » (p.60)
extrait 2: la « catholicité » dans le paysage traversé
« Plus on avance, plus on sent dans l’air un vague parfum de catholicité totalement inconnu en France ; presque à chaque maison il y a une vierge ou un saint dans une niche, et non point un saint ou une vierge avec des nez cassés et des doigts de moins comme ici, mais jouissant de tout leur nez et très-peu manchots. Dans beaucoup de villages les vierges sont habillées en robe de soie et ornées de couronnes, d’oripeaux et de moelle de sureau ; elles ont une lampe devant elles comme en Espagne ou en Italie ; les églises sont aussi parées avec une recherche et une coquetterie amoureuse tout à fait méridionales. » (p.66)
extrait 3: Bruxelles
« Après avoir traversé une infinité de rues bordées de maisons avec des toits en escaliers, nous débouchâmes tout d’un coup sur la place de l’Hôtel de Ville, c’est la plus vive surprise que j’aie éprouvée dans tout mon voyage.
Il me sembla que j’entrais dans une autre époque, et que le fantôme du moyen âge se dressait subitement devant moi ; je croyais que de pareils effets n’existaient plus qu’au Diorama et dans les gravures anglaises.
Qu’on se figure une grande place dont tout un côté est occupé par l’Hôtel de Ville, un édifice miraculeux avec un rang d’arcades, comme le palais ducal à Venise, des clochetons entourés de petits balcons à rampes découpées, un grand toit rempli de lucarnes historiées, et puis un beffroi de la hauteur et de la ténuité la plus audacieuse, tailladé à jour, si frêle que le vent semble l’incliner, et tout en haut, un archange doré, les ailes ouvertes et l’épée à la main.
À droite, en regardant l’Hôtel de Ville, une suite de maisons qui sont de véritables bijoux, des joyaux de pierre ciselés par les mains merveilleuses de la Renaissance. On ne saurait rien voir de plus amoureusement joli ; ce sont de petites colonnettes torses, des étages qui surplombent, des balcons soutenus par des femmes à gorge aiguë, terminées en feuillages ou en queues de serpent, des médaillons aux cadres fouillés et touffus, des bas-reliefs mythologiques, des allégories soutenant des écussons armoriés, et tout ce que la coquetterie architecturale de ce temps-là peut imaginer de plus séduisant et de plus amusant à l’œil. Toutes ces maisons sont admirablement conservées, il n’y manque pas une pierre ; la triple chemise de couleur dont elles sont couvertes les conserve comme dans un étui. » (p.78-80)