M comme Moerbeke

ça a quelque chose de complètement surréaliste d’entendre dire qu’un certain Willem Van Moerbeke a été évêque de Corinthe de 1276 à 1286.

Mais son plus grand mérite est d’avoir été un excellent traducteur du grec ancien, par exemple d’Aristote ou d’Archimède, au moment où on était obligé de passer par des traductions via le syriaque et l’arabe.

Mais de surréalisme, l’histoire ne manque pas: n’y a-t-il pas eu un Baudouin, comte de Flandre par sa mère et comte de Hainaut par son père, devenu empereur de Constantinople vers la même époque?

Bref, ceux qui croient que les voyages et les réseaux sociaux sont des inventions récentes, doivent lire des biographies du 13e siècle: notre Willem/Guillaume, né dans le comté de Flandre, n’a cessé de voyager entre la Grèce, l’Italie et la France, a correspondu avec l’intelligentsia de son temps et noué une longue amitié avec Thomas d’Aquin.

Jamais on ne comprendra pourquoi on a appelé le Moyen Age « the dark ages » 😉

I comme Ioannis

C’est tout à fait par hasard que la petite troupe visitait le village natal du grand poète de la résistance grecque, Yannis Ritsos, le jour anniversaire de sa naissance.

Pour lire quelques-uns de ses poèmes en traduction française, voir ici et ici.

En 1936, il écrit Épitaphe (ΕπιτάφιοςEpitáfios) après des affrontements sanglants avec la police.
C’est la photo de cette mère pleurant son fils qui l’a incité, dit-il, à écrire ce chant d’appel à l’unité.
Le 4 août de cette année-là, un général fasciste prend le pouvoir après un coup d’État et la persécution des opposants, dont Iannis Ritsos, commence.
Résistant pendant la guerre, il est ensuite emprisonné au cours de la guerre civile qui a suivi.
Il n’est libéré qu’en 1952.

Pour ceux qui comprennent l’allemand:

W comme Wavrin

C’est comme « tintinophile » et comme visiteuse de la Cinematek de Bruxelles que l’Adrienne a rencontré deux fois au moins le nom du marquis de Wavrin (1888-1971), et plus elle se renseigne sur ce monsieur, plus elle le trouve exceptionnel et fascinant.

Bref, si vous avez deux minutes, lisez sa bio sur wikisaitout 🙂

Un peu plus d’explications sur le film ici:

H comme Hop

– Vous cultivez le houblon? demande l’Adrienne à la dame chez qui elle vient d’arriver.

Elle s’était laissé prendre à l’aspect du lieu – grande ferme entourée de champs hérissés de perches à houblon – mais elle se trompait: la dernière génération a transformé la ferme familiale en ‘Bed and breakfast‘.

En visitant le musée du houblon on en voit la confirmation sur une grande carte du monde: en Belgique, il ne reste plus que 181 hectares en exploitation, répartis sur 23 producteurs dont 18 autour de Poperinge.

Tout savoir sur le houblon belge: c’est ici.
Pour voir les activités des douze mois de l’année dans une ferme en culture biologique du houblon de Poperinge (Proven), c’est ici.

***

photo prise à Poperinge le 9 mars – on peut voir les gens au travail et le chien qui surveille la photographe.

Le titre ‘hop‘ veut dire houblon – le ‘bed & breakfast‘ est situé dans l’ancien ‘hopast‘, séchoir à houblon.

D comme (dé)courage(ment)

– Quelqu’un a une suggestion pour notre prochain sujet de conversation? avait demandé l’Adrienne le vendredi précédent, et Naila avait proposé « la culture ».
– La culture, ici, précise-t-elle.

Vous qui connaissez l’Adrienne, vous devinez la suite: elle s’est rendue à l’hôtel de ville, au centre culturel et à l’office du tourisme, pour être sûre d’avoir toute l’info et toutes les brochures, un gros paquet qu’elle a apporté pour la conversation du vendredi suivant.

Comme mise en bouche, elle demande aux dames autour de la table de leur dire ce que c’est pour elles, la culture, quelles formes d’expressions culturelles les intéressent.
Latifa se lance:

– La culture, pour moi, c’est que je suis Marocaine, et musulmane et (etc.).
– Ah! vous voulez parler d’identité, fait l’Adrienne.

Qu’avait-elle donc cru! On allait encore tourner en rond à éplucher les couches de l’oignon… pour finalement rester sur « votre » culture et « notre » culture au sens le plus étriqué du terme.

– Il y a des aspects de ma culture, dit Zohra, auxquels je tiens particulièrement. Comme le henné pour les mariages.
– Pour mon mariage, dit Naila, je ne voulais pas de henné, mais ma mère m’y a obligée. Pas question d’y échapper!
– Pareil pour moi, dit Asma, ma mère disait que ça me porterait malheur.

Bref, celle qui apprend le plus à ce genre de réunion, c’est l’Adrienne: le palanquin, les chevaux, le voile, les trois jours de fête, le sacrifice d’une vache et de trois moutons…

– Tout de même, conclut Sarah, dans nos traditions il n’y a pas que du bon: ma mère a été mariée à quatorze ans.

Petit silence autour de la table.

Puis, quand tout le monde est parti, Naila dit à l’Adrienne:

– Moi j’aurais bien aimé qu’on parle de la culture d’ici. C’est ici qu’on vit, maintenant.

K comme Kaap

De campagne van de Oostendse cultuurhuizen.

A Ostende, dans les lieux de culture, on peut voir une série d’affiches qui posent la question de l’utilité de l’art.

Et si la musique, le théâtre, si toutes les formes d’art étaient le vaccin? nous demande-t-on, au moment où de plus en plus de gens s’insurgent contre le fait qu’on peut passer deux ou trois heures en avion, mais pas dans une salle de spectacle, où le gouverneur d’Anvers a fermé les théâtres, mais pas les cinémas et où les musiciens sont juste bons à jouer gratuitement sur les pelouses devant les maisons de retraite.

D’annulation en annulation, le monde artistique s’inquiète de n’avoir à ce jour encore aucune perspective en ce qui concerne la saison 2020-2021.

La culture, dit-on à KAAP, nous apporte réconfort, espoir, délassement et nous aide à vivre au quotidien.

Ce qui est vrai, bien sûr, comment survivre au confinement sans musique, sans livres…

Mais aujourd’hui le secteur culturel fait appel aussi au public: à lui de se manifester, par exemple en écrivant aux responsables politiques, pour faire bouger enfin quelque chose de positif.

photo de l’affiche ©rv De campagne van de Oostendse cultuurhuizen

Stupeur et tremblements

Plazanterikken - Home | Facebook

En quelques endroits du pays, une école primaire ou maternelle à peine rouverte depuis le 8 juin a déjà dû renvoyer tous les enfants dans leur foyer.

Après détection d’un élève présentant l’un ou l’autre symptôme.

Mais il ne faut pas s’inquiéter, c’est une simple mesure de précaution et de toute façon, la contamination est venue de l’extérieur, pas de l’école.

Rassurant, en effet!

Chaque soir de la semaine, une émission consacrée à l’actualité débrouille pour nous l’écheveau des destinations de vacances possibles. Avec l’expert pour rassurer le consommateur et le remettre dans l’avion à destination de la Grèce: on y sera au coude à coude mais l’air est renouvelé en permanence et les filtres sont si performants qu’ils ne laissent passer aucun virus.

C’est formidable!

Si le coude à coude dans l’avion pendant une paire d’heures ne pose aucun problème, demandent quelques anciens élèves actifs dans le secteur culturel, pourquoi n’a-t-on pas pu rouvrir les salles de spectacle, alors qu’elles ont tout adapté en fonction d’une distanciation garantie d’un mètre et demi?

Il est trop tôt pour prendre l’avion, dit une autre experte.

Ik ben ongerust dat dit alles tot doel heeft om zo snel mogelijk terug te keren naar een maatschappij die als ‘normaal‘ beschouwd wordt. Ik maakte me namelijk, eerlijk gezegd, vóór de coronacrisis al wat zorgen over deze maatschappij.

Je m’inquiète (écrit une psychiatre dans une lettre ouverte du 12 juin) que tout soit mis en oeuvre pour un retour rapide ‘à la normale’. En réalité, je m’inquiétais déjà avant la crise du corona, de ce qu’était l’état ‘normal’ de notre société.

Et c’est ainsi que les jours se succèdent avec leur lot infini de stupeurs et de tremblements…

***

sur les réseaux sociaux fleurissent des dessins comme celui en illustration, où on se demande pourquoi les salles de concert ne sont pas accessibles alors que les avions peuvent voler avec chaque siège occupé.

Question existentielle

Cartoon van de dag - juni 2013 - De Standaard

Wat gaat u doen…? Qu’allez-vous faire pour les milliers de gens qui travaillent dans le secteur culturel et qui n’ont d’autre choix que de rester chez eux à attendre que le rideau tombe définitivement? Qu’allez-vous faire pour les millions de gens qui craignent de devoir se passer encore longtemps des productions culturelles qu’ils aiment voir et entendre, parce qu’elles donnent de la couleur à leur quotidien? 

Wat gaat u doen voor de duizenden werknemers die hun brood verdienen met cultuur en die geen enkele andere keuze hebben dan thuis te zitten wachten tot het doek valt? Wat gaat u doen voor de miljoenen toeschouwers, luisteraars en lezers die nu al vrezen – en wie weet voor hoe lang – dat ze het zonder de culturele producties en evenementen, die hun dagelijks leven kleur geven, moeten doen?

C’est la question posée dans la lettre ouverte en bas de laquelle trois cents noms du secteur culturel belge ont mis leur signature.

Datée du 11 mai, elle n’a cependant pas été entendue par le gouvernement.
Pas de compensations.
Pas de perspectives.
Pas un mot pour tous ces gens qui nous sont essentiels.

Pour ceux que ça intéresse, Le Vif y a consacré un article le 14 mai.

***

Dessin humoristique de Lectrr:
– Papa, c’est quoi, des Primitifs flamands?
– Des gens qui économisent sur la culture, chérie.

F comme Fauvel

Fauvel

Dès qu’il s’agit de littérature française, l’Adrienne se croit en devoir de connaître. La voilà donc bien marrie l’autre soir, quand la prof d’histoire de la musique parle du Roman de Fauvel, oeuvre majeure du début du 14e siècle dont l’Adrienne n’avait à ce jour jamais entendu parler.

Epoque de Philippe le Bel. Une oeuvre satirique dans la veine du Roman de Renart mais qui, en plus, est un monument musical: le manuscrit comporte 132 morceaux de musique dans les genres les plus divers, « œuvres monodiques (empruntées aux répertoires sacré et profane) [qui] montrent toute la multitude des formes musicales de l’époque: conductus, séquence, prose, rondeau, lai, virelai, séquences et répons [et des] pièces polyphoniques (à 2 ou 3 voix) [qui] ont toutes la forme du motet.  » (wikipédia)

Voilà donc une grave lacune qu’il fallait combler.

Lacune qui prouve aussi à quel point l’éducation musicale devrait faire partie de tout cursus, et pas seulement être offert aux enfants dont les parents décident de les envoyer à l’école de musique à l’âge de huit ans.

***

On peut voir 40 illustrations du manuscrit ici

Pour ceux qui aiment la musique ancienne, voici l’oeuvre interprétée par le Clemencic Consort:

source de l’image en haut de page: wikipédia