Le défi du 20

La salle où ont lieu les expositions était autrefois une usine textile, de sorte que la lumière est idéale: les toits pentus, tout de verre, sont exposés au nord.
Jamais de soleil direct et une luminosité qui dénature le moins possible les coloris.

Quand l’Adrienne y arrive peu avant l’heure d’ouverture, elle allume les écrans – vous connaissez des artistes contemporains qui n’ont rien à montrer sur ordi? – installe le fléchage et allume les lampes.

Puis se ravise: la salle est si lumineuse qu’on n’a vraiment pas besoin de gaspiller de l’électricité.

Arrive le premier artiste.
Le sculpteur.

– La lumière est bonne? lui demande-t-elle.

Il la trouve parfaite.

Arrive l’aquarelliste.

Elle veut qu’on allume.

Pourtant, ses aquarelles sont sous verre et font encore plus un effet de miroir avec la lumière artificielle.
Elle teste.
Un côté.
L’autre.
Recommence.

Puis donne raison: ça fait trop de reflets.

Un quart d’heure plus tard entre le peintre.

– Il fait trop noir! s’écrie-t-il. Il faut allumer!

Et vous savez quoi?

L’Adrienne, ça l’a bien fait rigoler: qu’ils se débrouillent entre eux, s’est-elle dit.

***

Pas de photo des aquarelles sous verre qui font miroir et reflètent le décor mais une autre, prise à Aix, qui a aussi bien fait rigoler l’Adrienne – oui ça rigole beaucoup – quand elle a lu « ici peignait Cezanne » (1).

Le lieu n’est plus qu’un pâle reflet de ce qu’il était: il est aujourd’hui entouré de murs et de maisons de sorte que si on voulait peindre la montagne Sainte-Victoire, il faudrait une échelle 🙂

Merci à Passiflore pour son Défi du 20: en ce mois d’avril la consigne était Reflets.

(1) Cezanne lui-même écrivait son nom sans l’accent.

Le défi du 20

Vous l’entendez dire « Vous me connaissez mal, la même ardeur me brûle et le désir s’accroît quand les fesses reculent » alors en toute logique vous êtes ahurie et vous vous demandez s’il le fait exprès ou si vraiment il ne se rend pas compte de ce qu’il profère.

Vous le trouvez lourd. Relou.

– Faudra m’expliquer, demande Madame aux filles de la classe, vous dites que vous détestez les « macho » mais vous voulez « un mec bien viril »?

Les filles accordent qu’en effet, c’est un peu contradictoire. Leur mec perso peut être un tout petit peu macho quand même. Mais pas les autres.

Les garçons ricanent.

Les garçons disent qu’ils sont convaincus de l’égalité des sexes.
Enfin, une certaine égalité.
Il y a des limites.

– Il y a des choses, disent-ils, qui ne sont pas pour les filles.

Ils n’aimeraient pas non plus que leur chef soit une femme.
Ou que leur femme gagne plus qu’eux.

Les filles ricanent.

Prendre toute la lumière?
Laisser l’autre dans l’ombre?
Lui faire de l’ombre?

L’égalité des sexes ne peut se concevoir que sans rapport de force, puisque « c’est ne pas régner qu’être deux à régner »

jeu d’ombre et de lumière sur le couple sur la digue d’Ostende avec l’ombre de Léopold II

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Illustration en haut de page et consignes de Monsieur le Goût pour son 154e devoir du lundi – merci à lui – et consigne « Ombre et lumière » chez Passiflore en ce 20 février – merci à elle!

La lumière de mes jours est une experte de la phrase ambiguë, comme « Minou ! Montre-moi ton machin ! » lancé en pleine rue à propos d’une chose que je viens d’acheter. Chaque fois elle est indignée et me jette à la face « Mais tu es relou !!! Ne crois pas je ne sais pas à quoi tu as pensé ! »
« Miss Tic », notre feue poétesse des rues de Paris et peut-être d’ailleurs aurait-elle eu de plus un talent de prescience ? À moins que ce ne soit dû à un long entraînement à la fréquentation du mâle de l’espèce.
Bien qu’amateur de kakemphaton, je ne vous infligerai pas le « Il voulut être César et ne fut que Pompée » de Clémenceau à la mort de Félix Faure. J’aimerais néanmoins que, comme le disait Polyeucte au début de l’acte I, vous commençassiez ce devoir par
«  Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle
    Et le désir s’accroît quand l’effet se recule »
Ce qui serait bien aussi serait que vous terminassiez par ce que dit Phottin dans « La mort de Pompée »: « Car c’est ne pas régner qu’être deux à régner »
À vous de le dire lundi…

7 services

Quand le grand-père emmenait sa petite famille au restaurant, en mai et en octobre, grand-mère Adrienne était toujours la première à refermer le menu.

– Tu as déjà tout lu ? demandait grand-père.

– Tu sais déjà ce que tu veux prendre ? demandait sa fille.

– Je prendrai comme vous, répondait-elle.

Elle savait bien que les autres finiraient par tomber d’accord sur le « menu gastronomique » en sept services – si pas neuf, l’époque n’était pas encore diététique – et que c’était de toute façon le même menu pour toute la table.

Par contre, ce qu’elle ne manquait pas d’avoir repéré, malgré sa lecture rapide, c’est « qu’il n’y avait de nouveau pas de patates ».

Puis en douce, à Mini-Adrienne assise à côté d’elle, elle soufflait :

– Tu as vu ? Il est marqué « Farandole de desserts »! C’est ça qui va être bon !

Et ses yeux brillaient.

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écrit pour le Défi du samedi 749 où Walrus – merci à lui – proposait le mot farandole.

Si l’Adrienne est si souvent tentée de photographier des devantures de pâtisseries, c’est toujours en pensant avec émotion à sa grand-mère, « een zoet mondje« , comme elle disait, « une petite bouche sucrée ».

Celle-ci est une pâtisserie bruxelloise, près de la grand-place, où on propose des « merveilleux » 😉

Dernier défi

Des souvenirs d’enfance et de grand-mère Adrienne sont remontés en force dès la découverte du mot proposé par Walrus pour le dernier défi du samedi de l’année: élixir.

Élixir! Déjà rien que le mot avec tout ce qu’il avait de mystérieux. Il semblait sorti tout droit des contes de mille et une nuits. En tout cas dans l’imagination fertile de la petite.

Un « dé à coudre » d’Elixir d’Anvers, c’est ce que prenaient les dames, après les repas de fête, quand les hommes passaient au cognac.
Mini-Adrienne ne pouvait que constater que les hommes et les femmes ne buvaient jamais les mêmes sortes d’alcool.

L’Élixir d’Anvers était supposé avoir des vertus thérapeutiques. Tant de choses qu’on croyait bonnes pour la santé quand l’Adrienne était petite fille!

Mais allez savoir pourquoi, elle-même n’a jamais voulu y goûter: que ce soit l’odeur de l’élixir, du cognac ou du whisky, elle n’aime RIEN de tout ça…

Allez, bon passage à l’an neuf, et restez prudents 😉

Le défi du 20

On nous offre régulièrement des horoscopes… Pierre est Taureau, Paul est Scorpion… Cela indiquerait des traits de caractère de l’un ou de l’autre. Cela orienterait même son avenir… Or, qu’est-ce que cela veut dire: « Pierre est Taureau » ? Cela veut dire que quand Pierre est né, le Soleil, qui parcourt le ciel constellé en une année, se trouvait dans la région du ciel qu’occupe le signe du Taureau. Le caractère de Pierre, selon l’horoscope, est calqué sur ceux qu’on prête à l’imaginaire mythique brodé autour de l’image de la constellation astronomique du Taureau… Or le Taureau, constellation, était dans le signe du Taureau il y a deux mille ans – il n’y est plus maintenant… Maintenant c’est le Bélier qui s’y trouve ! Cet horoscope simpliste est donc une mystification. Que valent les horoscopes dans de telles conditions ? Rien!

Les astrologues les plus savants en astronomie tiennent compte du glissement des constellations par rapport aux signes du Zodiaque, un glissement qui se continue, depuis 2000 ans que l’on a défini l’astrologie sous sa forme actuelle. Mais tiennent-ils compte de ce qu’il y a TREIZE, et non DOUZE, constellations traversées par le Soleil en un an ? La treizième, entre Scorpion et Sagittaire, c’est Ophiucus, le Serpentaire… Savent-ils, ces savants astrologues, que le Soleil reste près de deux mois dans la constellation de la Vierge, à peine 10 jours dans celle du Scorpion, et le reste à l’avenant ? Que veulent donc dire ces horoscopes qui classent les gens en tranches d’un mois, chaque mois en trois décans ? Rien… Encore une mystification ! L’horoscope, même celui qui tient compte du glissement des constellations, n’a aucun sens.

L’astrologie suppose une action des astres sur les hommes. Ceci était raisonnable au moyen âge, quand on croyait que les étoiles étaient des lampes fixées sur une voûte cristalline mobile. La hauteur de cette voûte était assez faible pour qu’on pût loger les dieux au delà. Aujourd’hui, on sait que les distances sont considérables. La lumière parcourt, en une seconde, 300.000 km, le Soleil est à 150 millions de km de nous, -huit minutes de lumière ! Les plus proches des étoiles sont à des années de lumière, 10 000 100 000 fois plus loin que le Soleil et les planètes. Le ciel constellé, loin de nous, est aussi profond. Les constellations ne sont qu’apparences, effets de perspective. Deux étoiles du Taureau, par exemple, sont à des distances de nous très différentes bien qu’elles apparaissent proches sur le ciel. Les dessins qui ont donné leur nom aux constellations sont artificiels. Vues d’un autre point de l’Univers, aucune de ces représentations pittoresques ne se maintiendrait… Par ailleurs, les Chinois donnent d’autres noms aux constellations. Le destin des Chinois obéirait-il aux astres d’une façon différente du nôtre ?

On justifie souvent l’astrologie en invoquant les correspondances mystérieuses entre les signes du Zodiaque et les parties du corps humain… Le cœur serait gouverné par le Lion, le sexe par le Scorpion, les pieds par les Poissons… La médecine du moyen âge a largement utilisé (à tort !) ces correspondances, – et elle ne soignait pas grand-chose. Cela avait un sens il y a mille ans. Ciel et Terre étaient complémentaires, mais essentiellement différents: le monde des hommes est périssable, fragile; il est dominé par le monde du ciel, éternel et puissant… Ce genre d’idées ne tient plus dés lors que nous savons que la nature physico-chimique des astres est la même que celle des êtres vivants: hydrogène, oxygène, carbone…, tout cela constitue la matière des étoiles, celle du Soleil celle des hommes. Il n’y a pas de correspondance ou d’analogie mystérieuse. L’unité de la nature est profonde, réelle et non fantastique. Et cela élimine ces analogies sans signification, sous-jacentes pourtant à toute astrologie…

Les planètes jouent dans l’astrologie qui se dit  » savante  » un grand rôle… Mais quelles planètes ? Quand l’astrologie s’est codifiée… il y a plus de deux mille ans, on connaissait 5 planètes, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne… Uranus, Neptune ou Pluton n’avaient donc pas d’influence avant leur découverte récente ? Aujourd’hui, on connaît autour du Soleil 8 grosses planètes, des milliers de petites, quelques satellites de même nature et de même taille que Mercure ou Vénus, et beaucoup de plus petits. Il y a dans le ciel des milliards de soleil comparables au nôtre, des milliards de planètes comparables aux nôtres… Et pensez que Mars, par exemple, est à une distance de nous qui varie d’un facteur 5 d’une année à l’autre ! Toutes ces planètes, à toutes ces distances de nous, ont-elles une influence ? Pourquoi pas, si l’on croit à l’influence de certaines d’entre elles ? La vérité est que l’astrologie planétaire n’a pas plus de valeur que l’astrologie zodiacale et qu’elles ne sont que de la poudre aux yeux…

Cinq réponses à un amateur d’astrologie, par Jean-Claude Pecker (1923-2020), astrophysicien et membre de l’Académie des Sciences, a été Président de l’AFIS.

Pour ceux que ces questions intéressent, il y a aussi le site des Sceptiques du Québec.

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écrit pour le Défi du 20 – merci Passiflore! – qui demandait de parler des 12 signes du zodiaque.

Sur la photo, de gauche à droite, une Vierge, un Verseau, un Taureau, un Scorpion, deux Sagittaires, un autre Taureau, trois Olibrius… et un raton-laveur 🙂

B comme brol

C’est quoi ce brol? se demande l’Adrienne en découvrant la photo qui accompagne le mot de la semaine au Défi du samedi.

Mot qu’elle ne connaît pas, évidemment.

Apotropaïque.

Comme tant d’autres, elle se demande où Walrus va les chercher.
Et pourquoi cette fois il a choisi un adjectif.

Bref, l’objet apotropaïque, ça lui a évidemment rappelé des souvenirs de sa superstitieuse grand-mère et de son Saint-Antoine.

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Merci à Walrus de continuer à nous entretenir, chaque samedi, et à nous cultiver 🙂

Le défi du 20

Elle était bien la seule à ne pas savoir qu’elle abdiquerait devant la volonté de l’Homme: en 2013, c’était fait, elle abandonnait – avec les regrets que l’on sait – le vert paradis, laissant les mésanges abasourdies devant leur mangeoire vide…

Désormais elle irait faire ses abécédaires du-temps-qui-passe en ville.

Elle ne savait pas non plus qu’elle aurait des voisins abominables ni que l’aménagement de son jardinet susciterait un tel commentaire.

Par contre, ce qu’elle savait, c’est qu’elle abhorrerait le bruit et les odeurs de la circulation…

Bref, l’an prochain elle fera tout de même la fête pour le dixième anniversaire de son installation dans la maison de tante Fé 🙂

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Texte écrit pour le défi du 20 chez Passiflore – merci à elle – qui pour ce mois de novembre demandait onze mots de onze lettres.

Vous pouvez vérifier, le compte y est 🙂

Sur la photo d’illustration vous voyez le chat Pipo Rossi installé dans la clematis montana rose et parfumée, sur le toit du kot à outils.

M comme Manège

Dans la maison de l’amie d’enfance, là où il y avait quatre enfants et une maman qui savait à la fois faire des crêpes pour huit et faire tomber des friandises du haut de l’escalier, il y avait aussi une télé.

C’est là que mini-Adrienne a pu voir de temps en temps quelques bribes d’émissions enfantines.

Ainsi elle se souvient du tournicoti tournicota du Manège enchanté, auquel elle ne comprenait pas grand chose et qu’elle trouvait nul.

A la maison, il y avait la mère et ses torticolis.

Auxquels mini-Adrienne ne comprenait rien non plus, sauf que ça rendait de très mauvaise humeur.

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Écrit pour le Défi du samedi 737 où Walrus – merci à lui – propose le mot torticolis.

En cherchant l’info correcte sur le Manège enchanté, je me suis rendu compte qu’on n’y disait pas tournicoti tournicota – comme j’avais toujours cru entendre dans ma petite enfance – mais tournicoti tournicoton 😉

F comme fan!

Les parents consternés étaient assis face à monsieur H*rb**rt, l’instituteur de leur fils :

– Il faudrait qu’il lise, disait-il. Il est intelligent mais il n’apprend pas ses leçons. Et il ne lit pas.

Il le leur a encore bien répété quand ils ont pris congé de lui, croyant sans doute que si le goût de la lecture venait, celui des études suivrait :

– Il faudrait qu’il lise !

Qu’il lise, oui. Mais quoi ? La seule lecture qui intéresse cet enfant, c’est le résumé en quelques chiffres de la carrière des footballeurs de division 1 belge, dans ses albums Panini. Il est incollable sur leur taille, leur poids, le nombre de buts marqués et les divers clubs par lesquels ils sont passés.

Le père ayant grandi avec les albums de Tintin, la mère avec la Semaine de Suzette, c’est donc tout naturellement qu’ils ont fondé leurs espoirs dans la BD. Ils ont acheté une grande armoire laquée de jaune et elle s’est rapidement remplie de tout ce qu’il y avait sur le marché : Michel Vaillant, Gaston Lagaffe, Astérix et Obélix, Lucky Luke, Spirou et Fantasio, Boule et Bill, Tif et Tondu, Blake et Mortimer, Yoko Tsuno, Les Tuniques bleues, Benoît Brisefer, Blueberry, l’Agent 212, Achille Talon, Johan et Pirlouit, les Schtroumpfs, le Marsupilami (liste non exhaustive) et bien sûr le journal Pilote ainsi que tous les albums de Spirou et de Tintin.

Ceux qui dévoraient toutes ces saines lectures avec délectation, c’étaient le père et la grande sœur : ce n’est rien de dire qu’ils étaient à la fête 🙂

Peu à peu leur langage familial s’est enrichi de mots et de petites phrases sortant tout droit de leurs albums préférés, à commencer par le M’enfin ! de Gaston. Ils ne disaient plus ‘le thé’ mais ‘de la chaude eau’. Ils ne disaient plus ‘là, c’est stationnement interdit’ mais ‘sucette géante!’. Tout repas copieux recevait l’exclamation ‘c’est frugal’, tout avis différent recevait un ‘ils sont fous ces Romains’, tout ronchon devenait scrogneugneu.

Les injures du capitaine Haddock étaient des cadeaux du ciel grâce à leur inépuisable variété et leur forte expressivité, tout en restant parfaitement innocentes. Ils ne s’en privaient pas!

Seul le rongtudju de Prunelle était interdit par la mère, ce qui lui donnait évidemment une saveur supplémentaire.

– Mais si ! Je peux le dire ! Puisque c’est dans le livre ! affirmait le petit frère de son air le plus candide.

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Texte écrit pour le Défi 736 où Walrus – merci à lui – proposait le mot scrogneugneu.