J comme Jeu de paume

Quel geste viril! Il s’effectue de préférence au cours d’une manœuvre un peu délicate, quand une concentration classique, les mains empoignant fermement le volant, semblerait requise. Avec une expression impavide, et souvent un mâchouillement de chewing-gum, comme une métaphore supplémentaire de décontraction affichée, l’automobiliste de paume fait son grand numéro. Il n’a pas besoin de ses doigts. […] Un grand tourniquet dans un sens, puis dans un autre. C’est James Bond au créneau.

Il y a une idée de légèreté dans le projet – je m’appuie à peine sur la surface des choses, et elles m’obéissent. Pourtant, curieusement, cette volonté d’effleurement recèle une violence à la fois arrogante et légèrement bestiale […] une sensualité de petit mec, qui juge les autres hommes timorés et pense que les femmes ont trouvé leur permis de conduire dans un baril de lessive. […] cela veut tellement dire je suis plus fort, plus désinvolte, plus futé, plus rapide, qu’au lieu de susciter l’admiration espérée, le frimeur est tout de suite détesté. […]

Philippe Delerm, L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, Le Seuil, 2020, p.27-28.

Avouons que tous nous avons déjà observé ce geste, ce personnage, et éprouvé ce genre de sentiments en le voyant 😉

R comme refaire du Delerm

Faire et refaire du Delerm, l’Adrienne en est friande, il n’y a qu’à voir ici.

Friande aussi des première fois et des nourritures terrestres (sauf le chou rouge ;-))

Alors, alors… y a-t-il encore quelque chose à ajouter sans se répéter?

Par un hasard – qui n’en est évidemment pas un – l’Adrienne l’autre jour était à Bruxelles où elle est bien évidemment entrée à la librairie Tropismes alors que chaque fois elle se dit non, non, faut pas que j’y entre.

La première fois qu’elle a parlé de ce lieu de perdition, photo à l’appui, c’était probablement en 2010, ceci dit entre parenthèses.

Fontaine je ne boirai pas de ton eau!
Cachez ces livres que je ne saurais voir!
Vade retro, satanas!

Elle qui dit à tout le monde « je n’achète plus de livres, je ne sais plus où les mettre », est ressortie de là avec le dernier Delerm.

Et oui.

Et vous savez ce que dit son bandeau publicitaire orange, signé François Busnel?

« Un livre absolument délicieux. »

Bon appétit!

***

écrit pour l’Agenda ironique de septembre, cette fois-ci tenu par Mijo qui demande de parler des premières fois, tout comme Delerm, mais culinairement.

Photo prise à Bruxelles: une table apprêtée pour un festin artistique.

R comme refaire du Delerm

Du plus loin qu’on s’en souvienne, on n’en prend jamais.
Même à l’adolescence on le trouvait trop monstrueux.
On est né dans une famille où le sucre fait peur.
Pas de madeleine avec le thé, pas de spéculoos avec le café.

Au restaurant, sous le sévère regard maternel, on se résigne à prendre un sorbet quand on rêve de profiteroles au chocolat.

— Et pour vous ?
— Un banana-split.

C’est inimaginable.

Heureux ceux qui peuvent le faire avec ce plaisir enfantin, sans regret, sans voir apparaître le doigt accusateur de la morale diététique.

Toute petite, on a appris à avoir la gourmandise la plus discrète possible.

Ainsi, on prétend se délecter d’un simple fruit frais.

Le sucre, c’est un péché.

***

Texte écrit à la façon du Banana-split de Philippe Delerm.

Merci à Émilie et à ses Plumes! Voici les consignes du jour:

Les mots à utiliser sont donc SE SOUVENIR-PLUS-FAMILLE-REGRET-HEUREUX-MADELEINE-AINSI-ALEA-APPARAITRE et ADOLESCENCE mais encore BANANA-SPLIT pour les plus joueurs – 11 mots avec ceux que j’ai ajoutés. S’agissant d’une petite récolte, je vous propose également les mots facultatifs suivants : RESIGNER-REVER-RESTAURER.

J comme Je le lis chez ma coiffeuse

On a rarement rencontré quelqu’un d’aussi bien informé. Sur ce qu’il faut manger ou pas pour devenir centenaire en gardant la ligne et la santé. Sur les amours des stars. Même si on sent le mépris dans sa voix quand incidemment le sujet est abordé.

Mais jamais on n’a rencontré quelqu’un d’aussi bien informé sur le Gotha. On sent que les généalogistes n’auraient plus rien à lui apprendre. Que ces articles-là sont passés à la loupe. Que la réputation du magazine et du journaliste dépendent d’un petit rien, d’une vétille, d’une erreur de jugement, de date, de légende sous une photo. Les écueils sont si nombreux.

On sait depuis longtemps qu’elle est incollable sur le sujet. On pourrait la croire dans l’intimité des rois et des reines, même de celles et ceux qui sont morts depuis deux siècles. On sait lesquels ont sa sympathie, et en quoi ils l’ont méritée. On sait aussi en quoi certains – le plus grand nombre, en fait, comme tous les Grimaldi et la plupart des Windsor – ont démérité.

Et quand on lève un sourcil étonné en entendant une nouvelle diatribe à l’adresse d’une malheureuse princesse qu’on peut à peine situer, arrive la classique petite phrase clôturant le sujet:

– Je l’ai lu chez ma coiffeuse. 

***

D’après une consigne de Joe Krapov, que je remercie: Ecrire comme Philippe Delerm.
L’auteur de « La première gorgée de bière » a publié récemment « Et vous avez eu beau temps ? » 

Il applique la même recette dans ce recueil : chaque texte ne contient pas plus de quarante lignes. L’auteur écrit au présent et use et abuse du pronom « on » et de phrases courtes pour raconter des événements de la vie quotidienne. Dans ce style-là vous écrirez deux ou trois petits textes dont le titre sera choisi dans cette liste :

Et vous avez eu beau temps ? – Renvoyé de partout – Je le lis chez ma coiffeuse – N’oubliez pas… – Je me suis permis – Et tu n’as rien senti venir ? – Il faudrait les noter – Il n’a pas fait son deuil – Un jour peut-être vous jouerez là, vous aussi – Tais-toi, tu vas dire des bêtises – C’est pas pour nous – Et prends-toi quelque chose – Là on est davantage sur… – J’te joue d’l’harmonica – En même temps je peux comprendre – Vous êtes un type dans mon genre – C’est grâce au collectif – Abruti, va ! – Chez nous c’est trois – Tiens, rends-toi utile – Nous allons vous laisser – On l’a déjà vu dans quoi, déjà ? – C’est juste insupportable – Où sont les enfants ? – Il aimait ça le Monopoly – Je sais pas ce qu’on leur a fait aux jeunes – On était bien sous la couette – On peut peut-être se tutoyer ? – Ça finit quand ? – Je préfère Gand à Bruges – Ça pousse et ça nous pousse – Ils n’articulent plus maintenant – C’est pas pour dire mais – J’dis ça, j’dis rien – Pour être tout à fait honnête avec vous. – Oui, mon brave Milou – Ne rentre pas trop tard, ne prends pas froid ! – Vous me flattez – Tu n’as pas lu « Au-dessous du volcan » ?

E comme Et vous avez eu beau temps?

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– Et vous avez eu beau temps? Vraiment? Parce qu’à vous voir, on ne le dirait pas. Vous êtes toujours aussi blanche qu’avant.

On a beau lui dire qu’on a une peau qui ne bronze pas, que par conséquent on évite le soleil, que d’ailleurs on n’aime pas trop ça et que ce n’est pas pour la bronzette qu’on est allée en Italie, mais pour rester à l’ombre et au frais dans des musées ou des monuments et que même certains jours on est restée dans la chambre à lire des livres, de crainte de tomber raide morte de chaleur.

On voit bien qu’il n’en croit rien et qu’il tient à son idée.

– Nous ici on a eu du très beau temps tout le temps, pendant que vous étiez partie!

***

d’après une consigne de Joe Krapov, que je remercie: Ecrire comme Philippe Delerm
Philippe Delerm ! L’auteur de « La première gorgée de bière » a publié récemment « Et vous avez eu beau temps ? » 

Il applique la même recette dans ce recueil : chaque texte ne contient pas plus de quarante lignes. L’auteur écrit au présent et use et abuse du pronom « on » et de phrases courtes pour raconter des événements de la vie quotidienne. Dans ce style-là vous écrirez deux ou trois petits textes dont le titre sera choisi dans cette liste :

Et vous avez eu beau temps ? Renvoyé de partout – Je le lis chez ma coiffeuse – N’oubliez pas… – Je me suis permis – Et tu n’as rien senti venir ? – Il faudrait les noter – Il n’a pas fait son deuil – Un jour peut-être vous jouerez là, vous aussi – Tais-toi, tu vas dire des bêtises – C’est pas pour nous – Et prends-toi quelque chose – Là on est davantage sur… – J’te joue d’l’harmonica – En même temps je peux comprendre – Vous êtes un type dans mon genre – C’est grâce au collectif – Abruti, va ! – Chez nous c’est trois – Tiens, rends-toi utile – Nous allons vous laisser – On l’a déjà vu dans quoi, déjà ? – C’est juste insupportable – Où sont les enfants ? – Il aimait ça le Monopoly – Je sais pas ce qu’on leur a fait aux jeunes – On était bien sous la couette – On peut peut-être se tutoyer ? – Ça finit quand ? – Je préfère Gand à Bruges – Ça pousse et ça nous pousse – Ils n’articulent plus maintenant – C’est pas pour dire mais – J’dis ça, j’dis rien – Pour être tout à fait honnête avec vous. – Oui, mon brave Milou – Ne rentre pas trop tard, ne prends pas froid ! – Vous me flattez – Tu n’as pas lu « Au-dessous du volcan » ?

H comme heureux!

Le Journal d’un homme heureux débute le mardi 6 septembre 1988 et d’emblée on voit de quelle sorte de bonheur il s’agit: celui qui consiste à ne pas se lamenter pour ce qui va mal (par exemple avoir complètement oublié qu’on a invité des tas de gens à passer à la maison pour cette veille de rentrée) mais à se réjouir de tout ce qui est beau et bon dans l’existence (chacun a apporté quelque chose à manger et la soirée a été belle et conviviale).

Au fil des pages, on découvre un Philippe Delerm plus intime que d’habitude – évidemment, c’est un journal, il l’a tenu pendant environ un an et demi – son amour pour sa femme et pour son fils, pour son métier de prof, qu’il exerce avec enthousiasme et respect, pour les livres et la littérature. 

On y découvre la vie dans un village normand, une vieille maison, un grand jardin, et le choix d’une carrière à mi-temps, malgré la précarité financière, pour avoir le temps d’écrire. L’auteur, à ce moment-là, n’est pas encore une célébrité. Il aime cette vie loin de Paris, dans la lenteur des jours ordinaires, comme il les appelle. 

Ici et là, c’est le Delerm d’aujourd’hui qui a ajouté une ou deux pages de réflexion de 2015 pour éclairer ou commenter ce qu’il a écrit vingt-sept ans plus tôt. C’est un plus. 

En 1988, il en train d’écrire un premier roman, Autumn (sur les peintres préraphaélites), il n’a pas encore écrit La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, mais c’est déjà ce style-là, ces petites touches et descriptions précises des petits bonheurs quotidiens, de ceux qu’on trouve généralement si évidents qu’on ne s’y arrête pas, comme le signale Victor Hugo après la mort de Léopoldine: avoir une maison, une famille, des amis, des conversations près d’un bon feu, « j’appelais cette vie être content de peu ». 

J’aime les gens qui, comme Philippe Delerm, se rendent compte que c’est beaucoup, au contraire, et qui réussissent à jouir de l’instant. 

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photo, info, texte, critiques etc sur le site de l’éditeur Seuil 

« Ecrire, dessiner, travailler au jardin, faire l’amour, allumer un feu, lire, goûter avec Vincent quand il revient du collège. Tout cela dans la lenteur d’un temps qui nous ressemble, dans un silence chaud, patient, habité. Il n’y a pas de vie meilleure à boire que la mienne, ces jours-là. Ce sont les jours ordinaires. J’aime moins les jours extraordinaires. » (p.11-12) 

V comme voix (bis)

Il y a ce petit chapitre chez Philippe Delerm qui redit exactement ce que je voulais exprimer dans le billet du mois dernier à propos de la voix de ceux que nous avons aimés et qui ne sont plus là. Leur voix et le souvenir qu’on a de leur voix… 

En voici un extrait: 

La voix qu’on cherche à retrouver en nous de ceux que nous avons aimés. Jamais leur voix dans l’absolu: seulement liée à certaines phrases, parfois les plus banales, mais dont la musique revenait souvent. Parfois cette douloureuse injustice d’entendre des voix qui nous étaient presque indifférentes, et l’impossibilité de redonner musique à celles que nous aimions le plus. 

Philippe Delerm, Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d’habiter sur terre, éd. du Seuil, 2015, p.103

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U comme une, deux, trois…

Hier après l’école, l’Adrienne est passée à la bibliothèque pour y prendre « un livre qui fait du bien ». Elle en avait grand besoin, en ces temps où les gens sont maussades sous prétexte qu’on est en novembre et que la politique internationale est encore plus pourrie que le temps. 

En passant en revue les rayonnages de livres en français, elle a aperçu celui-ci: 

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Une centaine de pages, quarante petits chapitres. On lit les titres et on les trouve plaisants. Ils donnent envie de lire: « Attention, peinture fraîche! » ou « Pitié pour Assurancetourix! ». Certains donnent envie d’écrire parce qu’ils rappellent des souvenirs, « Brocanteur d’un jour » ou « Au troisième balcon ». D’autres intriguent, comme « La mémoire de l’oubli » ou « Le temps est une plage ».

Bref, on se réjouit à l’avance de savourer les jolies phrases de Philippe Delerm et de découvrir toutes ces belles raisons d’habiter sur terre.  

Une, deux, trois… jusqu’à quarante, qu’on essaiera de faire durer le plus longtemps possible. 

***

photo de la couverture et infos sur le site des éditions du Seuil 

ce qu’en pensent l’Express et le Figaro

et trois petits chapitres ici 

U comme univers-renaud

Vous qui ne venez pas ici pour la première fois, vous savez sans doute déjà que l’Adrienne fond pour ce blondinet qui lui a appris le français argotique.

Madame en abreuve d’ailleurs ses élèves, annonçant toujours la couleur: « Je sais que pour vous ce sont des vieux machins d’un vieux pépé, mais Madame au moins se fait plaisir ». C’est important, quand on est prof.

Mais jamais encore Madame n’a fait écouter « Mistral gagnant », une superbe chanson, cependant. Jusqu’à aujourd’hui, elle ne savait pas trop à quoi le titre faisait référence. Il faut dire qu’elle n’avait pas trop cherché non plus.

De plus, bonbecs, carambars, roudoudous, coco-boer, mint’hos, tout ça ne veut rien dire pour l’Adrienne, qui a été élevée sans sucre et dans un pays où les bonbons portaient d’autres noms que ceux-là. Par conséquent, ça veut encore moins dire aux élèves de Madame. Et chacun sait que ça enlève beaucoup de charme s’il faut tout expliquer de A à Z.

C’est tout à fait par hasard (et grâce à lectrice Lulu, merci Lulu!) que le mystère des « mistral gagnants » a enfin été éclairci:

Mistral gagnant: L’introduction au piano est magnifique, d’une nostalgie bouleversante. Par ailleurs, Renaud égrène, au long du texte, tous les bonbons de son enfance et les nôtres, avec mention spéciale pour les vrais roudoudous « qui nous coupaient les lèvres et nous niquaient les dents ». Mais des Mistral gagnants, il ne dit rien. Les deux mots suffisent pour ranimer un cérémonial singulier. Mistral gagnant: c’était Mistral perdant, le plus souvent, car on ne gagnait rien, une fois sur dix. La petite pochette allongée de papier blanc avait, tout en bas, au verso, un rabat qu’on soulevait dès l’objet acheté. « Gagnant », c’était un sachet gratuit en prime. Mais « perdant », au-delà de la petite résignation obligatoire passagère, c’était l’occasion de centrer son plaisir sur une réalité palpable, qui n’avait plus rien du miroir aux alouettes évoqué par le titre: dans Mistral gagnant, la moitié qui comptait, c’était Mistral. A preuve, on ne pouvait gagner qu’un autre Mistral – qui n’eût pas doublé le plaisir -, et c’est donc dans l’essence du Mistral que reposait l’espoir d’une satisfaction.

OK, tout ça est expliqué de façon fort compliquée, mais la suite est plus claire:

Une montagne stylisée sur le sachet (en orange, ou en vert? L’un et l’autre, peut-être) évoquait un contenu oxygéné, nordique et roboratif. On avait droit, pour le même prix, à un mince chalumeau de réglisse, destiné à aspirer la substance mystérieuse. Mais quelques irrépressibles mâchouillements avaient bien vite raison de cette pompe savoureuse que le fabricant vouait sans doute à une consommation post-mistralienne – en fait, on le mangeait toujours avant. Alors on tapotait avec d’infimes précautions le sachet incliné, et le Mistral déversait directement sa neige acidulée jusqu’au fond du gosier. Les lèvres et la langue essayaient en vain de maîtriser ce flot sucreux, piquant, qui faisait tousser avec une jubilation alpestre. On s’en mettait un peu partout, une bonne partie restait collée au tuyau de réglisse. Qui peut maîtriser le mistral?

Philippe Delerm, Dickens, barbe à papa, Folio 2005, pages 23-24.

 

https://www.youtube.com/watch?v=XdjWMHAdYDU

Z comme zélatrice

Petit précis de vocabulaire à usage mondain

par une zélée zélatrice de Philippe Delerm

*** 

1. On ne vous fait pas fuir au moins ?

Petite phrase à l’usage du couple qui fuit lâchement les lieux, profitant de votre arrivée inopinée.

Insister légèrement encore pour qu’ils restent : cela permettra de les voir se contorsionner en excuses bidon : on allait partir de toute façon – la gamine est fatiguée – demain c’est l’école – on a encore une longue route à faire…

 

 2. C’est pas vrai !

Exclamation qui veut dire exactement le contraire de ce qu’elle semble exprimer.

L’utiliser pour montrer à quel point on admire l’invraisemblance du propos.

L’accompagner d’un minimum de théâtralité : yeux grand ouverts, bouche en O majuscule, main sur le cœur.

– Oh ! elle a osé faire ça ? C’est pas vrai !

 

3. Ça va refroidir

Politesse de la maîtresse de maison qui incite à commencer le repas sans elle.

Se récrier que non, que c’est bien chaud et qu’on l’attend.

Rajouter à son énervement de cuisinière des grands soirs en refusant de goûter la moindre bouchée avant qu’elle paraisse à table.

C’est une question de savoir-vivre.

On vous a fait le même coup cent fois.

 

4. Voilà, tu la connais l’histoire

Façon de terminer le récit du malheur des autres.

Toujours raconté avec la délectation de celui/celle qui croit que ça ne lui arrivera jamais. Qui croit que ça ne peut tout simplement pas lui arriver.

– Voilà, tu la connais l’histoire. C’est pour ça qu’ils ne se parlent plus depuis trente ans, son père et lui.

 

5. Il faut le voir sur scène

Expression de la supériorité absolue de l’élu « qui a vu sur scène » sur le commun des mortels « qui a vu à la télé ».

Le tout déguisé en conseil : « Il faut le voir sur scène », qu’on susurre en posant une main sur l’avant-bras de l’interlocuteur, en se penchant légèrement vers lui, sur le ton de la confidence intime.

Note : A ne pas confondre avec « Moi, je l’ai vu sur scène ! En 1967 ! A Bobino ! » qui est trop ouvertement vantard, surtout si l’artiste est mort depuis plus de quarante ans.

 

6. Ça devrait toujours rester comme ça

Petite phrase qui s’accompagne d’un léger soupir plein de faux regrets et qu’on ponctuera d’un grand sourire feint, tout en rendant à la mère – avec une joie qu’on s’efforce de dissimuler – le bébé braillard qui vient de faire un gros caca dans sa couche.  

 

7. J’ai horreur de cette phrase

Propos de personne cultivée face à l’inculture manifeste.

Rejet de l’autre et de son manque de vocabulaire ou de naissance. Ou des deux.

Parce que, bien sûr, « c’est juste une question d’éducation ». Et qu’on est du bon côté de la barrière.

 

8. Du côté de mon mari

Façon subtile de renier des liens de parenté.

– Je croyais que vous étiez famille ?

– Oh ! c’est un cousin éloigné, du côté de mon mari.

D’un geste vague de la main, ce détail qui n’est pas anodin permet de clore la conversation sur un sujet peu reluisant dont on n’a pas envie de parler.

 

9. Ça a été ?

Accueille les clients au sortir de la cabine d’essayage. Signifie généralement qu’on les y a vus entrer avec des vêtements peu appropriés à leur âge ou à leur corpulence.

Leur proposer tout de même, mais sans enthousiasme exagéré:

– Vous voulez que je vous apporte la taille au dessus ?

 

10. C’est maintenant qu’il faut en profiter

Des soldes, des enfants en bas âge, du temps qu’il fait, de la retraite.

Phrase à adapter à l’âge de l’interlocuteur et à la saison.

 De toute façon elle reste sans conséquence. Surtout utile quand on désire prendre congé.

***

Et voilà!

Faudra tout de même que je finisse par trouver ce livre.

Cool

 Que Philippe Delerm me pardonne de le pasticher sans l’avoir lu.

parodie,pastiche,jeu, krapoverie, krapov

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