Le 10 juillet 1640, à l’église Notre-Dame de la Chapelle, Catherine Pepersack, 20 ans, la fille d’un tapissier bruxellois, épouse un militaire espagnol, don Valeriano de Borja Le Bron.
C’est le 33e mariage hispano-belge contracté dans cette église en une quarantaine d’années, le premier ayant eu lieu le 20 juin 1599.
Quand Catherine meurt à 45 ans, ils ont douze enfants qui sont à l’origine d’une nombreuse descendance bruxelloise.
C’est ainsi que quatre générations plus tard on arrive au document ci-dessus, avec la magnifique signature de Martin Emanuel de Borja Le Bron le jour de son mariage avec une autre Catherine, qui appartient à la généalogie de l’Adrienne.
Et qui, bien que simple couturière, sait lire et écrire. L’autre signataire est le grand-père maternel du marié, Jacques Van Vreckom.
Le document dit qu’ils sont mineurs: il a tout juste 22 ans, elle 21.
Huit ans plus tard elle sera veuve, avec un fils de quatre ans et une petite fille de trois mois. Tous deux atteindront l’âge adulte, se marieront, auront des enfants.
Une dernière occasion d’admirer la belle signature de Martin, sur l’acte de naissance de sa fille un matin d’avril, moins de trois mois avant sa mort.
à gauche la signature de Martin Emanuel et au milieu celle de son frère François Joseph Hyacinthe, moins artistique 😉
Avoir eu à la fois un père et un mari tous deux très partageurs de leurs connaissances encyclopédiques dans le domaine du vin n’empêche pas que, quand l’Adrienne a vu le titre disant que « les vins oranges sont à la mode« , elle a d’abord lu et compris « vin d’oranges« .
Probablement parce qu’elle avait en tête l’amie Colo, sa recette de gâteau à l’orange de son jardin des délices sur son île merveilleuse, alors en plein dans la tourmente Hortense.
C’était le week-end dernier, et ici la nouvelle ne nous était même pas parvenue.
Puisqu’il apparaît que les lecteurs de ce blog sont friands de vocabulaire d’un goût douteux, voici un mot découvert il y a deux jours à la lecture du livre qui illustre ce billet.
L’Adrienne, vous le savez, aime l’histoire, celle avec un grand H, et il n’y a rien de plus intéressant que d’avoir le point de vue d’un autre pays que le sien propre sur les événements passés – puisque toute histoire et tout historien adoptent plus ou moins un point de vue national(iste).
Ainsi donc, elle s’est offert récemment cet hilarant ouvrage de Pérez-Reverte qu’elle lit à petites doses pour en jouir plus longuement.
L’auteur étant espagnol, vous devinerez aisément vers quel camp va sa sympathie, même s’il ne ménage aucunement ses critiques envers les monarques, nobles, membres du clergé et autres puissants de son pays, qu’il nomme généralement hijos de puta.
Quand il parle des Français, il les désigne généralement par le mot gabachos, qu’il a fallu chercher au dictionnaire. C’est ainsi que de fil en aiguille on est arrivé au CNRTL car le mot existe aussi en français: gavache.
Bonne découverte à ceux que ça intéresse!
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Pour ceux qui comprennent l’espagnol, on peut l’écouter en entier ici : huit heures quarante-deux minutes et vingt-huit secondes d’élocution en castillan zézayant 😉 et une critique du livre ici. Et qui sait, avec google translate, c’est peut-être aussi hilarant que le livre 🙂
C’est parfois par d’étranges chemins qu’on apprend des choses.
D’abord, si on s’appelle Adrienne, c’est en se trompant. Vous trouvez un livre italien signé Gioconda Belli: pas un moment vous ne soupçonnez qu’il puisse s’agir d’une traduction ni qu’avec un nom pareil l’auteur soit hispanophone.
Bref.
La pergamena della seduzione, titre original El pergamino de la seducciòn, raconte le destin de Jeanne de Castille, une de ces (trop nombreuses) femmes que les hommes de leur entourage ont traitées de ‘folles’ pour pouvoir plus aisément s’en débarrasser.
Bref.
Dans le roman apparaît le personnage (historique) de Beatriz Galindo et c’est là qu’on se dit une fois de plus qu’il faut revoir les préjugés sur la place des femmes au moyen âge.
Exclues de l’université jusqu’à la fin du 19e siècle, interdites d’apprentissage du latin, certaines ont apparemment pu faire l’exception, comme Beatriz Galindo, à l’époque charnière entre Moyen Age et Renaissance, professeur à l’université de Salamanca et si experte en latin qu’on l’appelait La Latina 🙂
Les voisins pensaient que ma mère était folle. Comment comprendre qu’elle étendait parfois le linge sur l’étendoir ou dans le champ, à même l’herbe, ou encore sur les branches des arbres ? Comment concevoir qu’elle le posait souvent à l’ombre ou en plein vent, maintenu par de gros cailloux, comme les points de ponctuation d’une phrase secrète?
Serge Pey, Le linge et l’étendoir, in Le trésor de la guerre d’Espagne, Récits d’enfance et de guerre, éd. Zulma, 2011, incipit.
De buren dachten dat mijn moeder gek was. Hoe moest je anders begrijpen dat ze soms haar was aan de waslijn hing, of op de akker legde, op het gras, of aan de takken van de bomen hing? Hoe kon je bevatten dat ze hem vaak in de schaduw legde of in volle wind, vastgelegd met dikke stenen, zoals leestekens van een geheime zin?
traduction de l’Adrienne – allez voir chez Colo pour une version en espagnol 🙂
—Vite, enlève ta chemise et va l’étendre sur l’étendoir, ramène le linge qui reste. Vite… Dépêche-toi… Je compris sa précipitation quand je vis, depuis notre jardin qui surplombait la route, une longue file de camions bleus de la gendarmerie. Ainsi ma chemise faisait partie, elle aussi, d’une longue phrase. Elle était une lettre, peut-être un mot. J’étais fier. J’étais devenu une conjugaison, presque un verbe. J’existais dans le langage secret de ma mère, comme un mot important qu’elle n’avait encore jamais employé, puisque c’était la première fois qu’elle voulait laisser ma chemise seule sur l’étendoir.
Serge Pey, Le linge et l’étendoir, in Le trésor de la guerre d’Espagne, Récits d’enfance et de guerre, éd. Zulma, 2011, p.19-20.
– Vlug, doe je hemd uit en hang het aan de waslijn, breng de rest van de was terug. Vlug… haast je…
Ik begreep de hoogdringendheid als ik vanuit onze tuin, die hoger lag dan de straat, een lange rij blauwe vrachtwagens van de rijkswacht zag.
Zodus, ook mijn hemd maakte deel uit van een lange zin. Het was een letter, een woord misschien. Ik was trots. Ik was een vervoeging geworden, een werkwoord bijna. Ik bestond in de geheime taal van mijn moeder, als een belangrijk woord dat ze nog nooit gebruikt had, aangezien het de eerste keer was dat ze mijn hemd alleen wou laten aan de waslijn.
traduction de l’Adrienne – merci à Colo d’avoir suggéré cet exercice en duo 🙂
« J’allais partir, tout seul, pour une promenade au clair de lune vers le point le plus haut de l’île, la Talaia de Sant Josep, quand tout à coup survint un ami de la maison, un jeune scandinave qui ne se montre que rarement dans les lieux fréquentés par les étrangers et habite dans un village perdu dans la montagne. Il s’agit du petit-fils de Paul Gauguin. Il s’appelle exactement comme son grand-père. Le jour suivant, j’ai eu l’occasion de connaître mieux ce personnage assez fascinant ainsi que son village de montagne où il est le seul étranger. »
Walter Benjamin, Récits d’Ibiza, D’une lettre à Gretel Karplus, le 10 juin 1933 (incipit), éd. Rive neuve, 2020, p.33.
Une note explicative en fin de volume nous apprend que Paul René Gauguin, le dernier petit-fils du peintre, est né à Copenhague en 1911. Il a fait un séjour à Ibiza quand il avait 22 ans. Il a participé à la guerre civile espagnole dans les Brigades internationales.
Enfin, sur wikisaitout on peut mieux comprendre la généalogie familiale des Gauguin (ici)
Le père du jeune Paul René est Pola, le dernier des cinq enfants que le peintre a eus avec son épouse (danoise) et sa mère est norvégienne. On comprend donc pourquoi W. Benjamin l’appelle « scandinave » 🙂
Par une froide après-midi de février 1932, Walter Benjamin rencontre dans une rue de Berlin Félix Noeggerath, son ancien camarade de lycée. Ce dernier lui parle d’une île, au sud des Baléares, où il va partir avec sa femme et son fils, « faire l’exode ». Le climat y est doux, la vie très bon marché. Le Frankfurter Zeitung vient d’offrir à Benjamin quelques centaines de marks pour un supplément spécial dédié au centenaire de la mort de Goethe. « Heureuse conjonction », écrira-t-il plus tard. Île ouverte, la blanche Ibiza des années 30, accueille chercheurs de silence, de paix et de modernité. A bord du Catania, Benjamin s’y rend dès le mois d’avril, par le plus grand détour, le contour d’un continent entier, du port de Hambourg à celui de Barcelone, dernière escale avant l’éblouissement. Et bientôt des histoires jaillissent, des amitiés se nouent, des amours, des projets d’écriture : le récit d’un voyage raconté avec des histoires vraies, et celui d’une enfance. Il revient à Ibiza le printemps suivant, déjà sur le chemin de l’exil, y retrouve la foi en son étoile, son Ange nouveau. Cependant, le répit que sont peut-être ces semaines, ces quelques temps de bonheur, la détente de la pensée qui se met en images de paix et de beauté frugale, celle de l’île sauvage, sont probablement les derniers du philosophe. La vie d’errance au cours des sept années qui lui restent à vivre, entre Paris, l’Italie, le Danemark, auprès de Bertolt Brecht et de quelques amis, va se faire plus dure, jusqu’à l’internement à Nevers et le dernier voyage, vers Portbou…
où il se suicide. Le 26 septembre 1940.
illustration et texte pris sur le site de l’éditeur,Rive neuve.
Mini-Adrienne a une Tantine qu’elle aime beaucoup ainsi qu’un tout nouveau Tonton qui ne parle pas le français mais qui est gentil quand même.
C’est avec le sérieux qu’on lui connaît qu’elle a porté les deux anneaux d’or, noués sur un coussinet blanc, de la maison jusqu’à l’église et pendant toute la cérémonie, jusqu’au moment où il a fallu les confier au prêtre pour la bénédiction. Elle n’a d’ailleurs lâché le coussinet qu’après avoir reçu l’accord formel de sa Tantine.
Mini-Adrienne a été heureuse et soulagée de voir enfin briller les précieux anneaux au doigt des mariés, qui avaient l’air très heureux aussi.
Puis il y a eu la fête et bien d’autres émotions dont il ne sera pas question aujourd’hui.
Quinze jours plus tard, Tantine est revenue de son voyage de noces. Elle avait un cadeau pour mini-Adrienne.
– Ça vient d’Espagne, lui dit-elle, mais la petite n’avait que cinq ans et aucune notion de géographie.
Dans la boîte, il y avait deux machins noirs d’une forme bizarre, noués par une cordelette. Tous les adultes présents ont voulu faire une démonstration sur la façon de bien les tenir en main pour les faire claquer. Aucun n’y est vraiment parvenu.
Mini-Adrienne était impatiente de pouvoir essayer, elle aussi, mais elle a dû attendre que parents, grands-parents, oncles et tantes les aient eus entre les mains.
Elle a même eu peur qu’on ne les lui abîme, tant la tension et l’émulation allaient grandissantes.
– Les grandes personnes sont décidément très bizarres, s’est dit mini-Adrienne, chose que lui a confirmée sa lecture du petit Prince, six ans plus tard.
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Sur la photo ci-dessus, on repère aisément la Tantine 🙂 le nouveau Tonton est le jeune homme du deuxième rang, qui donne le bras à sa mère. On n’est encore qu’à l’hôtel de ville – le mariage civil doit légalement avoir lieu avant le mariage religieux – mais mini-Adrienne porte déjà le fameux coussinet 🙂
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Consignes de Walrus au Défi du samedi: Pour vous proposer ces sujets que vous appréciez certainement à leur juste valeur, j’ai pris l’avance et établi une liste qui couvre encore une cinquantaine de propositions à venir.
Régulièrement bien sûr, au moment de poster le sujet, je change d’avis et en choisis un autre, on ne se refait pas.
Ce sera le cas aujourd’hui encore jugez-en plutôt : la liste stipulait « Cathèdre ». Comme je ne veux pas foutre le feu au blog, je vous laisse choisir :
Castagne ou castagnettes
Et si vous pouvez associer les deux, ce sera encore mieux.
Tous les hommes désirent naturellement savoir si une femme porte des bas ou des collants, dit Anna Gavalda. En amour comme en affaires, tous espèrent rencontrer l’occasion unique, la chance de leur vie.
Mais la femme à la fenêtre a d’autres préoccupations: elle est au cœur de la vraie vie. Elle n’a jamais été la reine du bal. Elle n’a jamais pensé non plus à la révolte.
Depuis toujours le monde est partagé entre maîtres et esclaves.
Comment pourrait-elle s’échapper de sa vitrine?
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jeu proposé par Joe Krapov dont j’ai pris 7 titres pour écrire mon texte:
A son image – Balles perdues – Capitaine – Ca raconte Sarah – Carnaval noir – Chien-Loup – Cirque mort – Dans les angles morts – Dix-sept ans – Einstein, le sexe et moi – En nous beaucoup d’hommes respirent – Entre deux mondes – Evasion – Fais de moi la colère – Helena – Isidore et les autres – (2) La chance de leur vie – La disparition de Stéphanie Mailer – (3) La femme à la fenêtre – L’Ame des horloges – La papeterie Tsubaki – (5) La reine du bal – (6) La révolte – La rose de Saragosse – La somme de nos folies – La tresse – (4) La vraie vie – Le cœur perdu des automates – Le guetteur – Le prince à la petite tasse – Les dix vœux d’Alfred – Les frères Lehman – Les prénoms épicènes – L’été des quatre rois – L’étoile russe – Leurs enfants après eux – L’hiver du mécontentement – L’or du diable – Loup et les hommes – Ma dévotion – (7) Maîtres et esclaves – Millésime 54 – Miss Sarajevo – Modèle vivant – Mourir n’est pas de mise – My absolute darling – Nulle autre voix – Oublier mon père – Quand Dieu boxait en amateur – Rien d’autre sur Terre – Sales gosses – Station : la Chute – Tenir jusqu’à l’aube – (1) Tous les hommes désirent naturellement savoir – Trancher – Une ombre au tableau – Un funambule – Un manoir en Cornouailles – Un monde à portée de main.
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source de la photo ici, un article de 2013 sur la traite des femmes pour la prostitution espagnole – 12 000 victimes qui rapportent aux criminels environ 5 millions d’euro.