
– Eh bien? Qu’est-ce que vous faites? lance Cindy, tout étonnée de voir Mme de B*** assise à table en train de griffonner, au lieu de l’attendre dans son fauteuil comme d’habitude.
– Vous le voyez bien, ma petite Cindy: j’écris!
– C’est vos cartes de vœux, peut-être? Moi y a longtemps que j’en écris plus!
Cindy jette ses affaires au portemanteau et booiinng le casque de moto sur le petit meuble de l’entrée.
Inutile de s’énerver, pense Mme de B***, elle ne changera jamais.
Elle en est encore à se demander si elle va lui répondre qu’elle écrit une nouvelle pour un concours organisé par son magazine quand elle se rend compte que Cindy ne l’écoute déjà plus.
– Faudra que je retourne chez le docteur. Pour mon poignet. Je vais lui dire de me mettre en congé. Comme ça je serai à la maison pour Matteo. Rapport à ses examens de décembre…
– Ah oui, je vois.
– Bon, je vous laisse à vos écritures, je me mets au travail, plus vite ce sera fait, plus vite je peux rentrer!
« La marquise de B*** a trente ans, le teint frais, le nez court, les yeux noirs ; elle préfère l’été à l’automne et les remords aux regrets » relit-elle, dans le but de reprendre le fil de son écriture. Mais c’est compter sans l’ouragan qui sévit dans sa cuisine.
Pauvre Matteo, se dit Mme de B***, il serait bien plus tranquille pour préparer ses examens si sa mère allait au travail…
Son but est d’écrire une sorte de « folle journée de Mme de B***« , avec des quiproquos amoureux, des portes qui claquent, une petite touche de Mozart et de Beaumarchais, mais transposé sur une île grecque.
Oui, pourquoi une île grecque? la voilà qui hésite.
Elle n’a jamais mis les pieds en Grèce.
Peut-on parler d’un pays dont on ne connaît même pas l’odeur? Est-ce que la plage y sent plutôt la mer ou les pins? ou l’huile à bronzer?
– Ben quoi, vous êtes où, là? fait Cindy, campée devant elle, les poings sur les hanches. ça fait bien trois fois que je vous parle et que vous répondez même pas!
– Oh! pardon, ma petite Cindy. Je crois que j’étais en Grèce, sourit Mme de B***
– En Grèce? qu’est-ce qu’y mangent, là-bas? J’ai justement pas d’inspiration pour ce soir.
– De la moussaka? propose Mme de B***. De la feta? Des feuilles de vigne?
– Beurk non, je vais plutôt faire des frites, tout le monde aime ça!
La voilà, mon île grecque ! se dit Mme de B*** en refermant son cahier.
***
Merci à Joe Krapov pour sa consigne « Petit éloge des vacances » où on a puisé les éléments suivants:
La folle journée de Mme de B*** | La marquise de B*** a trente ans, le teint frais, le nez court, les yeux noirs ; elle préfère l’été à l’automne et les remords aux regrets. | La voilà, mon île grecque ! |
Et merci à l’atelier en questions pour sa 30e question: « Pouvez-vous me décrire plus précisément cette odeur?«