Y comme Y aller (ou pas)

Rien de plus compliqué que les prépositions.

Par exemple, avec les noms géographiques.

Madame commence par expliquer le plus simple: pour les villes, c’est toujours ‘à’.
Sauf que certaines villes ont un article, comme Le Caire ou Le Mans, alors bien sûr ça vous donne l’article contracté, n’est-ce pas?
Par exemple: Je vais au Mans.

Bien.

Voyons ensuite les noms de pays.
Il y en a de deux sortes: les féminins (la Belgique, la France, l’Italie…) et les masculins (le Danemark, le Portugal, le Maroc…).
Si c’est féminin, on dit ‘en’: en Belgique, en France, en Italie.
Si c’est masculin, on dit ‘au’: au Danemark, au Portugal, au Maroc.

Bien.

Mais comment savoir si un nom de pays est masculin ou féminin?
Observez la colonne des noms de pays féminins, qu’est-ce que vous constatez?
Et dans la colonne des noms de pays masculins?
Oui! bien vu! les féminins se terminent tous par -e!
Et les masculins par une consonne ou une voyelle autre que -e: le Congo, le Kenya, le Venezuela.

Madame respire un grand coup: ici arrive le moment où il faut à nouveau détruire l’espoir des chers petits qui penseraient que pour une fois la matière est gérable, claire et nette.

Il y a les exceptions.

On peut avoir un nom de pays qui se termine par -e mais qui est quand même masculin, comme le Mexique: donc on va au Mexique.
Il y a des noms de pays masculins pour lesquels on emploie quand même ‘en’ et pas ‘au’ parce qu’ils commencent par une voyelle: en Afghanistan, en Iran, en Iraq.

Ici et là sur les bancs on commence à suer.

Mais c’est quand on passe aux ‘travaux pratiques’ que ça se corse – c’est le cas de le dire – parce que jusqu’ici Madame a sciemment omis de parler du problème des îles.

– Ah! les îles! fait-elle de son air le plus théâtral. Là c’est la pagaille. Tout est possible: ‘à’, comme pour les villes (à Madagascar, à Cuba, à Chypre), ‘en’ pour certaines îles qui sont des mots féminins (en Corse, en Crète, en Sicile) et ‘au’ pour le masculin, comme les Seychelles, les Maldives… Mais attention! c’est pluriel! il faut écrire ‘aux’.

Ouf, on a fait le tour de la question.

Et chaque année, sans surprise – ou très peu – Madame entend les mêmes noms de pays ou de villes qui reviennent quand elle demande aux élèves lesquels ils aimeraient visiter un jour et lesquels ils préfèrent éviter 🙂

***

Écrit selon cette consigne de Joe Krapov, merci à lui: Lieux aimés ou détestés

Lister cinq lieux ou endroits du monde réel ou évoqués dans des fictions (cinéma, livres, BD…)
– où vous n’êtes jamais allé·e et ne désirez absolument pas aller ;
– où vous êtes déjà allé·e et où vous n’avez aucune intention de retourner ;
– où vous n’êtes jamais allé·e et où vous iriez bien volontiers. 
Cela vous fait quinze possibilités de textes à développer ou à assembler comme bon vous semble.

Photo prise lors d’une visite d’expo à Bruxelles.

22 rencontres (4.13)

C’est un de ces messages qui font tellement plaisir à Madame, que ce soit quatre mois ou quatre ans après la dernière rencontre:

– Tom! s’exclame-t-elle, quelle bonne surprise!

Ces quatre dernières années, lui assure-t-il, il a pensé à leur dernière conversation, à propos de son choix d’études, et Madame est bien en peine de se rappeler ce qu’elle lui a dit à ce moment-là.

Il est fier d’annoncer qu’il peut à présent mettre en pratique ses connaissances du français, vu qu’il a décroché un stage dans un bureau d’avocats bruxellois.

Fier aussi d’ajouter que ce bureau s’occupe beaucoup de questions de droits humains, ce qui fait évidemment plaisir à Madame, qui a gavé ses élèves de Montesquieu, de Voltaire e tutti quanti.

Alors elle rit à l’avance parce qu’elle sait quelle sorte de remarque s’ajoutera automatiquement dans la suite de la conversation, et en effet, elle arrive, la voilà 😉

En nu ben ik HEEL dankbaar voor al die moeilijke lessen Frans van bij u.

Bref, c’était difficile mais ça finit par être utile 😉

Le défi du 20

Dix ans qu’il n’est plus l’élève de Madame et cinq ans au moins qu’il lui prodigue des conseils de lecture 😉

Tout avait évidemment commencé avec Rimbaud.

Non pas parce qu’en classe il a lu Le dormeur du val, mais parce que Patti Smith est fan du poète.
C’est ce qu’il a appris à Madame, qui ne connaissait évidemment pas Patti Smith (désolée pour les fans!).

Comme il sait que ça fait plaisir à son cœur de prof de FLE, il ne manque jamais de lui annoncer quand il a lu un livre en français:

– J’ai lu la biographie de Rimbaud par Baronian, lui écrit-il en 2015. Et ce qui est magnifique, c’est que je suis juste au chapitre sur les deux coups de feu alors que je me trouve dans le train de Bruxelles!

Puis il a découvert Édouard Louis – ils ont à peu près le même âge:

– J’ai bien aimé Pour en finir avec Eddy Bellegueule, dit-il. Mais de nos jours, je ne le suis plus. Il est devenu trop « vedette ».

Madame doit avouer qu’elle n’a pas réussi à finir ce livre: trop de violence trop bien décrite. Elle est une petite nature, oui. Mais elle a lu jusqu’au bout Qui a tué mon père.
Qu’elle a trouvé tout à fait poignant.

C’est par Édouard Louis qu’il est arrivé jusqu’à Annie Ernaux.

– Ah! fait Madame, j’ai arrêté de la lire, surtout après la lecture de Mémoire de fille.

Mais il insiste:

– J’aimerais, dit-il, que vous lui donniez une seconde chance et lisiez Les années.

Bizarrement, depuis des semaines ce volume est indisponible à la bibliothèque, quelqu’un sans doute l’apprend par cœur.

Mais son grand coup de cœur en littérature française contemporaine va à Pierre Michon et ses Vies minuscules et là, Madame est entièrement d’accord.
Elle lui a d’ailleurs prêté-donné Les Onze 🙂

Que ne ferait-on pas pour qu’un ancien élève lise en français 🙂

Écrit pour le Défi du 20 où il était demandé ce mois-ci de donner quatre titres de livres – les quatre que j’ai lus sont en gras dans le texte – merci Passiflore!

U comme ultra-prof

Ce jeudi 25 novembre, c’est la journée internationale du prof de FLE.

Admirez les clichés franco-français réunis sur ce dessin par l’Alliance française 😉

Ils rappellent à Madame les réponses qu’elle recevait de ses élèves quand elle abordait avec eux pour la première fois le thème « Paris »: ça les faisait effectivement penser à l’amour, à la mode et à la tour Eiffel.

Depuis, il y a eu « Emily in Paris« , donc oui, le petit béret s’impose, et même le vélo, qui l’eut cru 😉

Trop de clichés ? Darren Star et Lily Collins répondent ...
source ici
Emily in Paris Season 2 Release Date On Netflix Officially ...

Pour ceux que ça intéresse, l’Odieux Connard a enquêté sur les clichés parisiens dans les séries 🙂

22 rencontres (22 ter)

– Pour parler « métier », écrit Madame à Joris, qui fait ses premières armes dans l’enseignement, ce serait plus simple si tu venais chez moi, au lieu de tapoter chacun sur son ordi!

Ainsi fut dit, ainsi fut fait.
C’était le 2 juillet et ils y ont passé non seulement l’après-midi, mais aussi toute la soirée.

Aussi Madame a-t-elle été fort étonnée, hier matin, en rencontrant la maman de Joris, très mécontente de son fils:

– Alors il paraît que Joris est venu vous voir? Et il ne m’en a rien dit! Je ne l’ai su que dernièrement! Tout à fait par hasard!

Très remontée contre lui, parce qu’il « prend sa maison pour un hôtel », entre et sort sans dire où il va ni d’où il vient. Contrairement à son autre fils, qu’elle mentionne chaque fois, qui lui donne pleinement satisfaction, mais que Madame ne connaît pas:

– Vous ne connaissez pas Wouter? répète-t-elle à chacune de leurs conversations. Lui n’est pas du tout comme ça!

Puis elle conclut:

– J’aimerais mieux que Joris aille habiter tout seul!

Tout seul, à 21 ans, alors qu’il commence seulement à travailler?

Mais Madame s’est tue, bien sûr 🙂

***

ceci clôt la 3e série des « 22 rencontres »

F comme futur proche

– Tu as passé une bonne semaine? demande Madame à Fleur.

C’est la quatrième fois que, de vendredi en vendredi, Fleur vient combler quelques lacunes dans ses connaissances du français.

Chaque fois Madame lui conseille de faire un planning pour ses révisions et d’y intercaler un peu de FLE.
A commencer par du vocabulaire et des conjugaisons.

Chaque fois Fleur répond qu’elle va le faire mais que d’abord elle doit encore s’occuper d’autres cours.

– Je comprends, dit Madame, mais essaie… Un quart d’heure ici ou là, c’est peut-être possible? Et c’est plus rentable que plusieurs heures d’affilée.
– Je vais essayer, dit Fleur, et Madame voit, entend, comprend qu’au bout de la semaine, elles en seront toujours au même point: dans le futur proche.

N comme nom de fleur

Elle porte un nom de fleur et a été envoyée chez Madame par ce discret bouche-à-oreille des quelques-uns qui savent qu’elle a le syndrome de Topaze 😉

Dans un mois à peu près Fleur aura son dernier examen de FLE et ce serait bien qu’elle le réussisse, vu qu’elle ambitionne d’entamer des études universitaires à la rentrée prochaine.
De celles où il n’y a pas l’ombre d’une heure de français au programme, ça va sans dire 😉

– Tu as parfaitement le droit de ne pas aimer le français, lui dit Madame, à qui elle vient de confier qu’elle traîne ce boulet depuis des années, mais plus lourdement encore ces deux dernières, avec plus de ‘distanciel’ que de ‘présentiel’ et des profs malades qui n’ont souvent pas été remplacés.

« Weyts wil honderden extra leerkrachten aanwerven« , le ministre flamand de l’éducation veut engager des centaines de profs supplémentaires, titrait le journal mardi dernier.

Et ça a bien fait rire Madame (mieux vaut rire que pleurer, la grimace est plus belle, disait son père) vu que depuis des années on ne réussit même plus à trouver des remplaçants pour certaines matières et qu’il y a de moins en moins de jeunes qui s’inscrivent dans les formations de prof.

Mais apparemment le journaliste n’est pas au courant de ce problème et ne lui a pas demandé de quel chapeau de prestidigitateur il sortira ses 2540 nouveaux profs.

Au parc, tout va bien, une maman cane ‘promène’ ses dix canetons, comme on peut le voir sur la photo en haut du billet, prise le premier mai.

G comme gagnants, gagnante

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Au fil des corrections, Madame envoie des petits messages du genre « Bravo, tu es le gagnant/la gagnante du test d’écoute! ».

Ou de la compréhension écrite. Ou de la question sur la phrase interrogative. Et cetera.

Mais en lisant certaines phrases, elle se demande si la plus grande gagnante, ce n’est pas elle 🙂

Jugez donc de la sagesse de cette moisson de décembre 2018 et décidez du gagnant:

Est-ce Leo: « Il faut savoir pardonner »,

Casper: « Je n’ai pas besoin d’avoir un portable »,

Lara: « Il n’est pas nécessaire de connaître l’avenir »

ou ceux qui inconsciemment consolent Madame d’avoir dû quitter son vert paradis et sa belle demeure: « Pour être heureux, on n’a pas du tout besoin d’une grande maison » ou de devoir vivre sans ses chats: « On peut très bien se passer d’animaux domestiques ».

7 questions

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Est-ce qu’on doit connaître par cœur le nom de ceux qui ont écrit les textes? et l’époque? Est-ce qu’on doit venir en costume? Est-ce qu’on peut choisir sur quel texte on sera interrogé? Est-ce que je peux passer vers dix heures, c’est plus facile pour mon bus. Est-ce que je peux passer vers deux heures et demie, comme ça j’ai le temps de manger à l’aise. Est-ce qu’il faut connaître tout le vocabulaire? Sur combien de points sera la grammaire?

Aujourd’hui, les élèves de Madame ont leur examen de français langue étrangère.

L’écrit et l’oral.

L’avant-veille, ils avaient un tas de questions dont certaines sont tout à fait inédites 🙂

22 rencontres (14 bis)

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Surprise de Madame en voyant Joris planté dans le couloir.

– Tu viens pour un stage? lui demande-t-elle toute joyeuse. Mais alors, tu as le droit d’entrer dans la salle des profs!

Joris, visiblement, n’a rien perdu de sa timidité. Alors Madame l’accompagne, lui dit où s’asseoir, lui propose un café, lui fait un brin de causette.

Joris, c’est celui dont sa maman disait, il y a trois ans, que contrairement à elle il était bon en français. Comme il est aussi très bon musicien, il a choisi de devenir prof de musique et de FLE (niveau collège).

Vendredi dernier, Madame le revoit, assis tout seul dans la salle des profs, devant un tas de copies. Il a dû donner sa toute première interro! sur l’accord de l’adjectif…

– Tu permets que j’y jette un œil? demande Madame.

– Je n’ai pas fait une interro très difficile, dit-il.

Et alors, alors seulement, et après l’y avoir copieusement encouragé, il ose dire ce qu’il a sur le cœur depuis trois ans:

– Chez vous, c’était difficile!