Madame n’est plus ni étonnée ni choquée de lire des fautes de grammaire dans des annonces publicitaires ou des journaux en ligne, vu qu’y règnent l’urgence et l’à-peu-près, mais à un concert, au festival d’Aix-en-Provence, elle a tout de même sursauté (1) quand derrière elle trois personnes discutaient de photos prises sur les pistes de ski et disaient systématiquement « les photos que j’ai pris ».
Si vous trouvez ça normal, vous pouvez le dire.
Peut-être qu’il n’y aura bientôt plus que les profs de FLE, cette espèce désuète, à faire l’accord du participe passé avec le COD qui précède 😉
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(1) Vous remarquerez qu’il y a progrès: « sursauter » est bien moins fort que Stupeur et tremblements 😉
Mettre les points sur les i, se dit l’Adrienne, de puntjes op de i zetten, mais on n’en met que sur le i minuscule, comment ça se fait?
Tout à fait le genre de questions pour lesquelles Madame pouvait toujours compter sur un élève par classe – l’indispensable élève aux questions qui permettent à tout le monde de respirer un coup.
Et en même temps garantissent 100 % d’attention 😉
– D’où ça vient, cette cédille sous le c? a demandé un jour un de ces précieux élèves questionneurs.
Mais jamais aucun ne s’est inquiété de l’absence de point sur le i majuscule.
Jusqu’à hier soir, que tout à coup l’Adrienne se le demandait.
Alors bien sûr elle a cherché, il n’y a rien de plus ennuyeux que des questions sans réponse 😉
Dominique nique nique chantait mini-Adrienne à une époque où les moins de vingt ans ne connaissaient pas encore le terme argotique, devenu si banal aujourd’hui qu’on peut entendre une jeune maman parlant de sa fille de dix mois: « Elle a complètement niqué sa robe! » *soupir*
Réflexe de prof, sans doute, Madame aurait préféré entendre « Elle a sali sa robe » ou « sa robe est bonne à jeter » et toutes les gradations entre ces deux.
Misère de la langue française! Petit frère s’est bien adapté et dit désormais lui aussi « Donne-lui pas ça! », histoire de se fondre dans le décor ambiant.
Fatalement, les oreilles de l’Adrienne ont tinté toute la journée, à cette fête avec 120 personnes 😉
Solécisme, c’est comme ça que ça s’appelle, quand on emploie de manière fautive une forme grammaticale existante. Mais bien sûr on a gardé le silence. On n’a pas fait sa prof 😉
La faute à qui ou à quoi, si tous là-bas disent « mets-toi pas là! » au lieu de « ne te mets pas là »? Pourquoi de telles erreurs alors que c’était parfaitement à la portée des petits Flamands de Madame?
Pourquoi y a-t-il tant d’expressions animalières en français? demande le titre de l’article dont vient l’illustration ci-dessus et dans laquelle vous aurez sûrement reconnu ce qu’on dit pour quelqu’un qui n’est pas venu à un rendez-vous.
En français? rétorque l’Adrienne – qui aime se parler à elle-même – pourquoi « en français »? C’est dans toutes les langues!
C’était un jeu amusant, en classe, de faire des comparaisons. Ainsi par exemple en néerlandais on « envoie son chat » 🙂
Hij heeft zijn kat gestuurd, il a envoyé son chat (il n’est pas venu au rendez-vous)
La vidéo date de 2019 mais elle est si réjouissante – et si juste – qu’il fallait vous la montrer.
Tout est tellement vrai!
Oui, on surveille son orthographe… mais encore plus celle des autres. « Apprends d’abord à écrire! » répond-on à celui qui a émis un avis peut-être très pertinent, mais qui comporte une erreur ‘disgracieuse’.
Oui, on confond la langue – sa richesse, ses beautés, ses merveilles – avec son orthographe, qui n’est qu’un outil, une convention. Et qui aurait par conséquent pu être très différente si les choix faits dans le passé avaient été différents. Par exemple s’ils avaient été basés sur d’autres critères que le souci de faire « classe » et d’exclure le péquenot.
Et oui, on aurait tellement mieux à faire, dans les écoles de la francophonie ainsi que dans les apprentissages du français comme langue étrangère, tellement mieux à faire qu’à s’occuper de toutes les incohérences que certains appellent subtilités.
Voilà.
Soyez heureux si comme l’Adrienne vous êtes « tombés dans la (bonne) marmite ».
Dans Speech: een ode, le stand-up comedian Wouter Deprez raconte comment il a découvert le langage, la lecture, l’écriture et sa vocation d’humoriste.
Plus qu’une ode à la langue, ce sont de petits textes pleins de joyeuse reconnaissance à ses parents, à sa famille, à ses instituteurs, à quelques professeurs qui ont fait ce qu’il est aujourd’hui.
Le chapitre « Mijn eerste Frans » (traduction littérale: mon premier français) raconte une première expédition familiale dans un Auchan – la famille habite en Flandre Occidentale, non loin de la frontière française.
« Ons gezin, dat nooit iets fout deed en geen wetten durfde te overtreden, probeerde nu tegen zijn aard in toch een jaarvoorraad wijn over de skreve te smokkelen. […] Mijn pa vertraagde, twee echte Franse douaniers vroegen of we quelque chose à déclarer hadden. We hadden rien à déclarer, antwoordde pa, met overdreven stoere stem. Eén douanier liep rond de auto. Met een zaklampje scheen hij de koffer in. Ik deed alsof ik geschrokken wakker schoot. De douanier zwaaide naar me, zei Pardon! Bonne nuit!, en knipte zijn lampje uit. Zonder hem te begrijpen, antwoordde ik met Oui, merci, waarmee ik mijn hele kennis van het Frans in een keer op tafel smeet. » (p.36)
Notre famille, qui ne faisait jamais rien d’illégal et n’osait entraver aucune règle, essayait ce jour-là, entièrement contre sa nature, de faire passer la frontière à des bouteilles de vin pour toute une année. […] Mon père a ralenti, deux authentiques douaniers français ont demandé si on avait quelque chose à déclarer. Nous n’avions rien à déclarer, a répondu papa d’une voix un peu trop bravache. Un douanier a fait le tour de la voiture. Il a allumé une petite lampe torche pour éclaire le coffre [c’est un break et Wouter, le cadet des quatre fils, est couché là, dans des couvertures, sur les cartons de vin]. J’ai fait comme si je m’éveillais, tout saisi. Le douanier m’a fait un signe de la main, a dit Pardon! Bonne nuit! et a éteint sa lampe. Sans le comprendre, j’ai répondu Oui! Merci! offrant ainsi d’un seul coup l’entièreté de ma connaissance du français. (traduction de l’Adrienne)
Qui, parmi ceux qui ont connu l’époque des frontières avec douane, n’a pas ce genre d’histoire à raconter?
ça rappelle des souvenirs de retour de vacances, et le père qui déclare avec ce même air bravache qui ne lui était pas naturel, qu’il rapportait un plateau de pêches et des fromages de chèvre 😉
Admirez les clichés franco-français réunis sur ce dessin par l’Alliance française 😉
Ils rappellent à Madame les réponses qu’elle recevait de ses élèves quand elle abordait avec eux pour la première fois le thème « Paris »: ça les faisait effectivement penser à l’amour, à la mode et à la tour Eiffel.
Depuis, il y a eu « Emily in Paris« , donc oui, le petit béret s’impose, et même le vélo, qui l’eut cru 😉
« En y repensant, ce qui a dû se passer, c’est que dans la cohue de la correspondance, Budaï s’est trompé de sortie, il est probablement monté dans un avion pour une autre destination et les employés de l’aéroport n’ont pas remarqué l’erreur. »
Et vous, vous la voyez, l’erreur? Genre « en fermant la fenêtre, un carreau s’est cassé »? Ou « en mélangeant ces couleurs-là, le résultat ne sera pas garanti »
C’est ainsi qu’on ôte à Madame – dès la première ligne – une bonne part du plaisir de la lecture 😉
Ferenc Karinthy, épépé, éd. Zulma, 2021, p.15 (incipit), traduction de Judith et Pierre Karinthy. A qui il faudra rappeler que le sujet du gérondif doit être le même que le sujet du verbe principal.
Ces pauvres Français « exilés » dans les quartiers huppés de Bruxelles, Genève ou Londres, pour profiter des avantages que l’on sait, choix qu’ils ont décidé de faire en toute autonomie et qui ne les a entraînés qu’à une paire d’heures de Paris?
Où ils ont toujours le droit d’aller 183 jours par an?
Sans blague?
Payer mes impôts, dit un des interviewés, « exilé » à Genève, je le ressentais chaque fois comme un coup de couteau dans le dos.
Bel exemple de renversement des valeurs…
Si on veut rester poli, on dira qu’ils sont déconnectés de la réalité.
Le poème de Francis Ponge et sa traduction publiés hier ici même, viennent d’une anthologie exposée à la bibliothèque communale à l’occasion de la journée de la poésie, le 30 janvier prochain.
De moderne Franse poëzie, une anthologie réalisée par Guus Luijters et publiée à Amsterdam (uitgeverij L.J.Veen) en 2001, avec le soutien du Ministère français des Affaires étrangères et de L’institut français des Pays-Bas.
Qu’une telle publication ait besoin de ces soutiens-là devrait déjà vous mettre la puce à l’oreille. Mais voyez ce que dit l’auteur dans sa préface:
Dat er altijd een bloemlezing uit de Franse poëzie in druk zou zijn, leek mij zo voor de hand liggend dat ik naar het boek zelf nooit op zoek ben gegaan. Op een dag kwam ik tot de ontdekking dat de door mij veronderstelde anthologie een gedroomde anthologie was. Alle poëzieën bleken in onze taal hun bloemlezing te hebben, de Russische en de Duitse, de Italiaanse en de Surinaamse, de Amerikaanse en de Spaanse, maar zo niet de Franse.
Il me semblait tellement évident qu’il y ait toujours une anthologie de la poésie française à l’impression, que je ne suis jamais allé à sa recherche. Un jour j’ai constaté que ce que je supposais était en fait resté au stade du rêve. Toutes les poésies semblaient avoir leur anthologie dans notre langue, la russe et l’allemande, l’italienne et la surinamaise, l’américaine et l’espagnole, mais pas la française.
Bien sûr, le public qui lit et achète de la poésie est extrêmement réduit.
Bien sûr, on trouve déjà tellement sur internet.
Bien sûr, en Flandre en tout cas, le public lisant la poésie est assez cultivé pour la lire et la goûter dans sa langue d’origine en français.
Mais tout de même: que ce soit la littérature en néerlandais traduite en français ou le contraire, on arrive au même constat.