I comme Incipit

Adrienne lit l’incipit d’Archives du Nord, de Marguerite Yourcenar, et se dit ‘Zut! voilà que je commence par le volume 2!’

« Dans un volume destiné à former avec celui-ci les deux panneaux d’un diptyque, j’ai essayé d’évoquer un couple de la Belle Époque, mon père et ma mère, puis de remonter au delà d’eux vers des ascendants maternels installés dans la Belgique du XIXe siècle, et ensuite avec plus de lacunes et des silhouettes de plus en plus linéaires, jusqu’au Liège rococo, voire jusqu’au Moyen Age. Une ou deux fois, par un effort d’imagination, et renonçant du coup à me soutenir dans le passé grâce à cette corde raide qu’est l’histoire d’une famille, j’ai tenté de me hausser jusqu’aux temps romains, ou préromains. Je voudrais suivre ici la démarche contraire, partir directement de lointains inexplorés pour arriver enfin, diminuant d’autant la largeur du champ de vue, mais précisant, cernant davantage les personnalités humaines, jusqu’au Lille du XIXe siècle, jusqu’au ménage correct et assez désuni d’un grand bourgeois et d’une solide bourgeoise du Second Empire, enfin jusqu’à cet homme perpétuellement en rupture de ban que fut mon père, jusqu’à une petite fille apprenant à vivre entre 1903 et 1912 sur une colline de la Flandre française. »

(édition de 1977 chez Gallimard, p.13)

Bon ben… yapluka retourner à la bibliothèque 🙂

Stupeur et tremblements

Il s’attendait à cette question, dit-il, et pourtant il donne la réponse la plus stupide, la plus condescendante, la plus déconnectée de la réalité possible.

C’était le 5 septembre dernier, son joueur vedette à ses côtés était écroulé de rire à l’idée de prendre un char à voile au lieu d’un jet privé.

Sans doute ne sait-il pas que la distance dont il s’agit peut se faire en moins de deux heures en TGV.

L’Adrienne en a été dégoûtée, tellement dégoûtée qu’elle ne voulait même pas en parler.

Puis que lit-elle?

Que deux semaines plus tard, ce même club, qui pourtant prétendait trouver très grave ce trait d' »humour raté », reprend un avion pour parcourir la distance Paris-Lyon.

Le TGV? c’est pour les ploucs.

Le bus de l’équipe? Il roule aussi, mais à vide, il ne sert qu’à conduire les joueurs de l’avion à l’hôtel. Ou du stade à l’avion.

Bref.

Prochaine grosse rigolade planétaire, d’où la caricature de Kroll prise de sa page fb, la coupe du monde au Qatar.

O comme obsession mitterrandienne

« C’était une lourde folie que de m’aventurer derrière les parois de verre de la Bibliothèque nationale, dont on m’avait pourtant prévenu que j’y perdrais et mon temps et mon âme. Monument de prétention idiote dont on sortait exsangue, horrifié et bredouille.

Je n’étais jamais entré dans ce bâtiment qui portait haut la double obsession mitterrandienne de la grandiloquence et de l’étanchéité. Les lieux se voulaient écrasants. Ils l’étaient d’ailleurs, au sens où ils ne laissaient aucune place au lecteur, qu’ils maltraitaient en tyran sadique.

Il fallait, pour y pénétrer, se plier à d’interminables rites d’initiation, parcourir des kilomètres et changer plusieurs fois de niveau. Au cours de ce long périple, on franchissait des sas, qui vous exposaient chaque fois à l’angoisse de l’irrémédiable. On se dépouillait aussi de ses effets personnels, manteau, serviette et documents, de sorte qu’on avait depuis longtemps cessé d’être soi-même lorsqu’on pénétrait enfin, le cœur humble et la tête creuse, dans le saint des saints de la salle de lecture.

D’autres procédures m’y attendaient, arbitraires et dilatoires, avant qu’on finisse par m’annoncer la nouvelle qui résumait à elle seule tout le secret de l’édifice: la communication des ouvrages était suspendue jusqu’à une heure indéfinie. L’information aurait pu me faire rire si je n’avais déjà perdu plus d’une heure en travaux d’approche. Mon incrédulité rencontrait celle des autres visiteurs, dont le désespoir était inversement proportionnel à la connaissance qu’ils avaient des lieux. Seuls les novices étaient déconcertés; les habitués avaient depuis longtemps jeté l’éponge. Ceux qui venaient de loin, comme moi, et qui n’auraient pas la possibilité de renouveler leur visite, trompaient leur attente en méditant sur le génie des lieux ou maudissaient une certaine idée de la France, qui ne méritait rien d’autre. »

Christophe Carlier, L’assassin à la pomme verte, Pocket, 2015, pages 41-42. (première édition chez Serge Safran en 2012, Prix du premier roman)

L’extrait ci-dessus montre deux choses: 1) le type sait écrire et 2) ce passage est tellement différent du reste du livre – et tellement étranger à l’intrigue – qu’on ne peut que penser que l’auteur règle des comptes personnels avec le lieu.

Ce serait intéressant de savoir si d’autres utilisateurs de la TGB ont vécu le même genre de déboires et eu les mêmes impressions 😉

Deux pages plus loin, il continue:

« Depuis combien d’heures déjà attendais-je ces livres qui n’arrivaient pas? Avec une attention dilatée par l’attente, j’observais l’écrin de ce désastre. Dans ce funérarium qu’on s’obstinait à présenter comme un lieu de culture, on se sentait l’otage des forces mauvaises.

[…] Signe des temps, on avait même réussi à bannir les lecteurs incertains, déclassés et fantaisistes, qui constituent le charme principal des bibliothèques du monde entier, et grâce auxquels la fréquentation des livres se pimente d’un voyage ethnographique. […] Balayé, ce peuple émouvant et marginal qui campe dans les salles de lecture comme dans des lieux de refuge, ce qu’elles ne devraient jamais cesser d’être.

[…] Pour avoir exilé de sa bibliothèque les hommes et les humanités, le concepteur des lieux avait dû recevoir de vertigineux appointements et une respectable décoration, quand il aurait dû être écorché vif. Éternels alliés, bêtise et béton avaient conjugué leurs forces pour produire cet enfer fonctionnel où rien ne fonctionnait. »

Et ainsi de suite sur encore une bonne page et demie 🙂

Pour ceux qui voudraient savoir de quoi ça parle, mis à part le diatribe contre cette bibliothèque, voir ici.

Pour ce qui est de la Bibliothèque François Mitterrand, un article de 2007 (Le Monde) retrace les difficultés et polémiques des premières années.

X c’est l’inconnu

Photo de suntorn somtong sur Pexels.com

C’est incroyable le nombre de choses qui peuvent se passer en deux ans!

Ainsi par exemple, les deux filles de belle-sœur numéro 2 ont trouvé un compagnon et ont fait un bébé.

L’Adrienne n’a vu bébés et compagnons qu’en photo sur whatsapp.

Et chez Monsieur Filleul est né un petit garçon qui a déjà quinze mois.

Bref, sur la centaine de personnes qui seront à la fête, l’Adrienne en connaîtra moins de dix.

Huit, si elle compte bien 😉

V comme voyage, voyage

– Je ne comprends pas, dit la mère de l’Adrienne au téléphone, toi qui aimes tant le train, pourquoi tu veux absolument venir en auto!

Il faut trois secondes à l’Adrienne éberluée pour savoir comment y répondre calmement:

– Mais tu sais bien qu’il y a ces cadres? Ces deux peintures que tu voulais garder?

Sans compter qu’ils encombrent le couloir depuis deux ans. Le plus grand fait 128 cm sur 100, même pas sûr que ça y rentre, dans la voiture achetée spécialement avant les vacances au lieu d’attendre la fin de l’année.
Et qu’il y a aussi un gros sac avec des affaires que la mère avait oubliées à l’appartement, le jour du départ et qu’elle a bien demandé de lui apporter.
Comment mettrait-on tout cela dans une valise dans le train?

– Oh! fait-elle, ces cadres! Tu peux les garder!

Et elle ajoute même:

– Tu n’aurais jamais dû les prendre chez toi!

Faites donc plaisir au gens 😉

***

Bref, aujourd’hui l’Adrienne prend la route pour aller passer huit jours chez sa mère.

X c’est l’inconnu

Il paraît que dans la Creuse, il n’y a rien à voir.

Ne tirez pas sur l’Adrienne, c’est un Français qui le lui a dit.
D’ailleurs ça a suffi pour lui donner envie d’aller vérifier à quoi pouvait ressembler Guéret (23), une préfecture qui compte moins de la moitié du nombre d’habitants de sa propre ville, que chacun ici s’accorde à considérer comme « petite ».
Très petite même.

Il faut dire que plus elle scrute cette carte, plus la conclusion s’impose: c’est vraiment le seul département par où elle ne soit jamais passée.

Elle a du mal à le croire elle-même, pourtant il faut se rendre à l’évidence: elle a eu dans sa vie deux encyclopédies vivantes des vins et vignobles de France, d’abord son père, puis son mari, qui l’ont emmenée dans tous les recoins de ce pays.

Donc que ce soit le but du voyage ou le chemin à suivre pour y arriver, elle a vraiment tout traversé au moins une ou deux fois.

Tout.

Sauf la Creuse.

***

Merci à Joe Krapov pour cette consigne:

Reprenons la carte distribuée et publiée ici la semaine dernière.

Cette fois-ci vous choisissez dix villes de départements différents dans lesquelles vous n’avez jamais mis les pieds et dans lesquelles vous iriez volontiers. Dites ce qui vous attire en elles ou ce que vous avez envie d’y faire.

T comme Tour de France

La liste des départements, en dernière page du guide rouge Michelin, était encore parfaitement alphabétique: le 59, c’était le Nord.

C’est le premier que mini-Adrienne ait su et il a été le déclencheur pour avoir envie de connaître tous les autres.

Le 59, dans les années septante :-), n’était pas une destination de vacances: des amis des grands-parents leur avaient vanté l’énoooorme grand magasin Auchan, son assortiment et ses prix imbattables.
Grand-père et grand-mère ont donc décidé d’y aller voir par eux-mêmes.
En effet, c’était grand, mini-Adrienne s’y est perdue encore plus facilement que sur la plage de Middelkerke.

En route pour le repas d’anniversaire du grand-père dans le sud du pays, on traversait Givet, 08, Ardennes.
Une incongruité dans le tracé de la frontière dont bien sûr les Français avaient profité pour y coller leur centrale nucléaire 😉

Pour les vacances, le père ne connaissait qu’un pays qui vaille: la France.
Ce qui fait que mini-Adrienne y a connu un tas de premières fois.

Première syncope vers quatre ans à Éguilles (13).
Oui, elle s’en souvient encore.

Premier bol de framboises à la crème, probablement la même année, à Artemare, dans l’Ain (01).
Inoubliable!

Première crème de marrons dans la Drôme (26) à Die.
Première et dernière fois, d’ailleurs 😉

Deux fois frôlé la noyade, la première fois à huit ans dans la baie du Mont-Saint-Michel (50) – la marée remonte au galop et la plage est immense – la deuxième fois quelques années plus tard, dans l’Atlantique (Landes, 40) – il y a de vicieux tourbillons en certains endroits et il ne faut jamais surestimer ses capacités de nageuse.

Première fois une escalade dans les Pyrénées, grâce à monsieur Ferranet, qui était basque (64).

Première fois du camping sous la tente, en Ardèche (07).

Et la première fois que mini-Adrienne a vu Paris – à condition de ne pas compter ce jour où dans le smog au-dessus de la ville, elle a aperçu au loin, depuis le périphérique, la pointe de la tour Eiffel – la première fois sur du pavé de Paris, c’était un retour de vacances où le père avait pris une mauvaise bifurcation et s’était retrouvé dans le centre (75).

Vous imaginez probablement l’ambiance qu’il y avait dans la voiture à ce moment-là 😉

***

Merci à Joe Krapov pour l’illustration et les consignes:

1)
Listez dix villes de France de dix départements différents, qui apparaissent ou non sur la carte ci-dessous, et dans lesquelles vous êtes déjà allé·e. Dites quand c’était, ce que vous y avez fait d’original ou racontez une courte anecdote, pas plus d’une phrase, à leur sujet.

2) [facultatif]
Ensuite passez la feuille à votre voisin·e. Qui devra romancer ces éléments de votre vie ou dresser un portrait de vous, de manière fictionnelle, à partir d’eux. Ou faire ce qu’il ou elle veut à partir de ça !

I comme improvisation

Le petit musée Marguerite Yourcenar n’ouvre que de 14.00 h. à 16.30 h. alors l’Adrienne va essayer de remplir agréablement le reste de la journée 🙂

Plan A

Elle découvre qu’il y a un jardin botanique tout près.
Elle y va.
Évidemment, Mme GPS ne connaît pas ce « Hameau » en cul-de-sac et l’envoie chez un pépiniériste.
Par miracle, elle trouve quand même le jardin botanique et se rend à l’accueil.
On n’y accepte que les chèques (?!) ou l’argent comptant et ce sera 6,50 € pour admirer des étiquettes plantées dans deux parterres: toute la végétation est encore en dormance.
Elle n’a qu’un billet de cinq euros et un peu de monnaie, or elle suppute qu’elle en aura besoin pour payer l’entrée du musée.

– Bonne journée! fait-elle en se dépêchant de sortir de là.

Plan B

Elle ira donc à Bailleul.
Encore une de ces petites villes martyres (1) du front de l’Yser, reconstruite après destruction totale en 1918, dans un style plus flamand que n’importe où en Flandre. (2)
Pas de chance, c’est kermesse et on ne peut se garer nulle part.
Elle finit par laisser son auto à un kilomètre du centre, sur la route de Cassel.
Pas grave, ça lui fait une promenade et de toute façon elle a du temps à perdre.
Mais tout est fermé, la kermesse, les cafés et même le musée de l’école de dentelle, « jusqu’à nouvel ordre » à cause « des circonstances sanitaires ».

Plan C

Elle retourne donc à l’auto après avoir en vain cherché un café et des toilettes. Peut-être en trouvera-t-elle à St-Jans-Cappel?
Hélas, un salon de coiffure (fermé), une pharmacie (ouverte) mais pas le moindre bistrot et le clocher ne sonne que onze heures.
Elle demande à un homme qui décharge le coffre de sa voiture s’il y a un endroit où s’asseoir et boire un café.
– Là, fait-il en riant, sur ce banc. Si c’est vous qui apportez le café!
Bref, c’est lui le cuistot du coin (littéralement) et il ouvre à midi.

Plan D

– J’ai le temps de suivre un bout du « sentier des jacinthes » en attendant, se dit-elle. Mais dès qu’elle a tourné le coin, il n’y a plus ni balise bleue ni balise jaune à des mètres à la ronde.
Connaissant son sens de l’orientation, elle décide de faire sagement une heure de lecture dans l’auto.

C’est beau, l’improvisation 🙂

***

photo du Présidial prise à Bailleul le 10 mars – le bâtiment affiche trois instants de son existence gravés dans la pierre: construit en 1776, ruiné en 1918, restauré en 1920.

(1) « Quand mes grands-parents ont pu rentrer à leur ferme, après la guerre, ils ne reconnaissaient plus rien. C’est le cheval qui les a menés exactement là où avait été leur ferme », raconte le monsieur du musée Yourcenar.

(2) « C’est plus beau qu’avant! », dit-il à propos de cette reconstruction, « on a refait des bâtiments comme à Bruges. »

7 à voir

Poperinge

C’est demain que sur le conseil de Nicole86 l’Adrienne se rendra à Cassel.
En premier lieu pour le musée situé dans le Landshuys et pour une promenade de découverte.

Vu qu’elle aura fait la route, elle en profitera pour visiter aussi Poperinge. Il y a le musée du houblon, la Talbot House, le cimetière militaire de Lijssenthoek. Les halles, les églises, l’hôtel de ville, les parcs…

Et puis, c’est dans le coin aussi, sur la frontière franco-belge, qu’il y a la maison d’enfance de Marguerite Yourcenar, au Mont-Noir. Il y a un petit musée à Sint-Jans-Cappel.

Voilà, voilà.

U comme ultra-prof

Ce jeudi 25 novembre, c’est la journée internationale du prof de FLE.

Admirez les clichés franco-français réunis sur ce dessin par l’Alliance française 😉

Ils rappellent à Madame les réponses qu’elle recevait de ses élèves quand elle abordait avec eux pour la première fois le thème « Paris »: ça les faisait effectivement penser à l’amour, à la mode et à la tour Eiffel.

Depuis, il y a eu « Emily in Paris« , donc oui, le petit béret s’impose, et même le vélo, qui l’eut cru 😉

Trop de clichés ? Darren Star et Lily Collins répondent ...
source ici
Emily in Paris Season 2 Release Date On Netflix Officially ...

Pour ceux que ça intéresse, l’Odieux Connard a enquêté sur les clichés parisiens dans les séries 🙂