N comme noble!

En balade à Ostende le week-end dernier, il y a évidemment des tas de raisons de penser à belle-maman, à beau-papa, et ce sont des souvenirs très doux.

Mais comme l’Adrienne ces temps-ci est plongée dans ses « travaux » de généalogiste, elle s’est souvenue tout à coup d’une anecdote qui faisait toujours bien rire ces ‘sans-cœur’ de fils et filles de belle-maman, quand elle évoquait sa légende familiale: son ascendance noble.

– Si, si! assurait-elle, mon père l’a toujours dit!

Et vous savez comme les filles aiment leur papa 🙂

Alors évidemment, de retour chez elle, elle a voulu en avoir le cœur net.

Les recherches l’ont menée en des endroits que belle-maman, fière Ostendaise bien que née à Bredene, snobait: un ancêtre à Knokke-la-honnie, est-ce seulement envisageable?
Si elle avait su, belle-maman, que le père de son père y était né, elle en aurait sûrement parlé autrement 😉

Et tous les autres, dès qu’on remonte à la troisième génération, sont tous de ce « binnenland« , cet intérieur du pays où les habitants, ces malheureux, ne savent pas ce que c’est, du poisson frais, ni ce que c’est que le vent.

Bref, il vaut sûrement mieux que belle-maman ne se soit jamais penchée sur sa généalogie familiale, ça lui aurait fait de la peine.

Le plus ancien ancêtre que l’Adrienne lui ait trouvé est né à Poperinge en 1615, fils de Ludovicus B***.

Sans ‘petit de’ 😉

X c’est l’inconnu

Ces jours-ci l’Adrienne investigue à fond dans la lignée paternelle, grâce à la mise en ligne des registres paroissiaux et de l’état civil ça devient un petit jeu addictif 😉

Comme cette branche-là est constituée presque uniquement de gens de la ville, elle forme une longue lignée d’ouvriers dans le textile: les hommes sont très souvent tisserands, ouvriers teinturiers, les femmes fileuses, bobineuses, couturières.

Hier l’Adrienne a cru que l’employé de l’état civil avait mal écrit: épouleuse.

Kèske sèksa?

Epouleuse ou épouilleuse? Elle cherche des poux?

Ce n’est pas dans le dictionnaire et même wikisaitout ne le mentionne pas dans sa liste des mots ayant trait au tissage et à l’industrie textile.

Sans doute est-ce l’équivalent du néerlandais spoelster – de spoel, un mot d’origine germanique qui peut signifier bobine ou navette (en textile).

Dommage que le grand-père ne soit plus là pour expliquer la différence, s’il y en a une, entre la bobineuse/bobijnster et l’épouleuse/spoelster!

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source de l’illustration (et page complète du journal) ici, il y a quelques ‘épouleuses’ parmi les fiancées citées sous le titre ‘publications de mariages’

F comme fiançailles

Le dernier mariage de l’année 1754 dans la paroisse est celui de Pieter et Adriana, le 18 novembre.

Peu après commence le temps de l’Avent: on ne se mariait pas, puisque les fêtes étaient interdites pendant les quatre semaines qui précédaient Noël.

Si vous lisez les écritures un peu anciennes, vous verrez que le couple ne s’est fiancé que la veille, le 17 (‘sponsalia‘, la proclamation des bans) et qu’il a été dispensé des trois ‘bans’ prononcés obligatoirement sur trois dimanches à l’église.

Dispenses accordées, excusez du peu, par l’évêque de Gand et par le cardinal de Malines.

Une brièveté du temps de fiançailles – un seul jour – qui n’est égalée que dans certaines émissions à la télé où les couples se marient sans se connaître… ou par surprise 😉

Stupeur et tremblements

Laissons là pour une fois toutes les causes de stupeur et tremblements fournies par l’actualité et revenons à la généalogie.

En 1619, quand Nicolas Aerts et son épouse font baptiser leur fils, le curé qui note les noms est soit dur de la feuille, soit fort distrait, il inscrit le nom Orts.
Ou Ots, ce n’est pas vraiment clair.

Quand le fils à son tour fait baptiser un enfant mâle, le curé, aussi gâteux ou aussi taquin que son prédécesseur – on est toujours dans la même paroisse bruxelloise – note le nom de famille Lot.
Ou Lots.
On n’est plus à un détail près.

En 1676, même paroisse, même lignée, cette fois la descendance est inscrite sous le nom de ‘De Lo’.

Au début du 18e siècle, De Lo est devenu Dulot.

Puis Dello.

Bref, voilà des gens qui ont changé de nom à chaque génération 😉

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Par bonheur pour l’Adrienne, le fil qui fait remonter la petite Ivonne – vingt-trois ans sur la photo et enceinte de son second enfant à l’été 1927 – à ses lointains ancêtres bruxellois est moins tortueux: juste parfois un H en trop ou un s en moins 😉

K comme Kleinigkeiten

Si la lecture du billet du mois dernier, G comme gratis, n’a éveillé en vous que de tristes souvenirs, n’allez pas plus loin dans celui-ci.

Mais si, comme Tania à l’époque, vous voulez savoir si la requête et les formulaires envoyés ont reçu une réponse, voici l’affaire.

Jeudi l’Adrienne a reçu un mail d’Anett Dremel (Leiterin der Dokumentationsstelle/ Stellvertretende Leiterin der KZ-Gedenkstätte Mittelbau-Dora Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau-Dora) contenant quelques données à propos de celui dont elle s’enquérait, mort au camp d’Ellrich en janvier 1945.

« He was brought to Buchenwald concentration camp on 23 May 1944 and registered as a political prisoner. A few days later, on 8 June 1944, he was transferred to Dora and shortly afterwards to the subcamp Ellrich-Juliushütte. The inmates of the Ellrich Juliushütte subcamp had to do hard physical labour on construction sites around Ellrich. Most of the inmates worked on the expansion of tunnel systems for relocation projects of the Junkers-Werke near the village of Woffleben. Due to the hard forced labour and the catastrophic accommodation and care, many of the prisoners fell seriously ill after only a short time. He died on 29 January 1945 in the Ellrich-Juliushütte subcamp. His body was brought to Mittelbau-Dora the following day and cremated in the crematorium. »

C’est peu de choses, on est d’accord.

Il y avait aussi un lien vers quelques documents photographiés.

Le document qui résume le mieux l’annihilation de l’individu est cette petite carte du 22 mai 1944 où on n’a même plus complété les données: on l’a barrée trois fois, au crayon noir, en rouge, en bleu et on y a écrit qu’il ne s’agissait que de Kleinigkeiten, des bricoles, que la valise a été détruite (Koffer vernichtet) et tout son contenu confisqué (alles entnomen): les deux pull-over, les deux chemises, les deux pantalons, les chaussettes, le linge… que Zélie, son épouse, avait dû tristement plier dans une petite valise lors de son arrestation.

Comme en témoigne cette fiche du 23 mai, avec ce subtil euphémisme, afgegeben, « il l’a donné », au lieu du alles entnomen, « on lui a tout pris ».

La casquette aussi, qui venait de chez le grand-père de l’Adrienne.

Puis on lui demande d’y apposer sa signature pour confirmer (bestätigen) que tout est correct (richtig).

Richtigkeit, ci-dessus.

Bestätigt, ci-dessous.

G comme gratis!

Si vous voulez un renseignement sur un de ces milliers et milliers d’hommes et de femmes passés par les camps de concentration allemands, il faut payer.

Mais si vous êtes de la famille, c’est gratuit.

En lisant cette précision, l’Adrienne était partagée entre le dégoût et l’ahurissement.

Vous direz sans doute qu’il ne lui faut pas grand-chose pour être désarçonnée.
Et vous aurez raison, surtout s’il s’agit de sujets comme celui-là.

Bref, elle a introduit une demande, complété des formulaires, et elle attend la réponse.

C’est déjà un miracle qu’elle ait pu retrouver la date de la mort, le lieu et même le numéro de matricule.

Car oui, il y a un « livre des morts » où tout est bien noté.

P comme Pawtucket

C’est normal, si on y pense, que l’oncle Jozef se soit précisément installé à Pawtucket: la ville avait la même spécialité que celle d’où il venait, l’industrie textile.

Une ou deux fois par an, l’oncle Jozef envoyait une photo de lui à une de ses sœurs ou à un de ses frères et chaque fois on y voyait des choses incroyables!

C’est bien pour ça qu’il était le préféré de sa douzaine de neveux et de nièces, même s’ils ne l’avaient vu qu’une fois encore, juste avant la guerre.

Celle de 14, bien sûr.

Tous ils avaient dû attendre l’autre guerre, la suivante, et attendre d’être largement adultes, avant de voir de leurs propres yeux ce qu’ils avaient vu, enfants, sur une de ces photos: une moto à laquelle était attachée une sorte de barquette en métal brillant.

Et bien sûr, dans la barquette de la photo trônait l’oncle Jozef, en cravate, fumant le cigare, royal.

On ne comprenait pas tout, on ne savait même pas comment ça s’appelait, mais on comprenait l’essentiel: l’oncle avait si bien réussi ses affaires qu’il se faisait transporter au lieu de se fatiguer à marcher.

Et puis est arrivée cette photo-là.

Stupéfaction chez sa sœur Céleste.
Oserait-elle montrer ça à quelqu’un?
Jozef était-il devenu fou?
Avait-il vraiment ouvert une baraque de foire?
Et quelle sorte de baraque?

Personne dans la famille ne parlait ni ne comprenait un mot d’anglais. Mais aucun doute n’était possible: c’était bien lui, là, avec un chapeau et un nœud papillon, vendant des tickets à 10 centimes pour Dieu sait quelle sorte de spectacle!

– On ne va pas montrer ça aux enfants, a décidé Céleste après avoir consulté sa sœur aînée.

***

écrit pour l’Agenda ironique d’août – merci à l’Ornithorynque pour la photo et la consigne!

La part de vérité est ici et le reste est fiction 😉

G comme généalogie

C’est un peu par hasard et surtout grâce à l’aide d’un généalogiste chevronné que l’Adrienne a pu remonter la branche portant le patronyme de son grand-père maternel, tenez-vous bien, jusqu’à la quinzième génération 😉

Et ce qui lui fait le plus plaisir, ce qui la fait vraiment beaucoup rire, c’est de constater que ces plus anciens de la lignée de Bon-Papa étaient tous des cultivateurs-tisserands nés et morts au village de S***.

Entre 1565 et 1794, tous nés et morts à S***.

S***, c’est là où l’Adrienne et l’Homme avaient acheté la maison de leurs rêves, en pleine nature.

Or, comment a réagi Bon-Papa, le jour où ils le lui ont annoncé?

Ie S***? Woer dan z’uur kloefen verkiers andoen?

Ce qui veut dire: à S***? Là où ils mettent leurs sabots à l’envers?

Visiblement, il ne savait pas que sa famille était originaire de là-bas 😉

M comme Martin

Le 10 juillet 1640, à l’église Notre-Dame de la Chapelle, Catherine Pepersack, 20 ans, la fille d’un tapissier bruxellois, épouse un militaire espagnol, don Valeriano de Borja Le Bron.

C’est le 33e mariage hispano-belge contracté dans cette église en une quarantaine d’années, le premier ayant eu lieu le 20 juin 1599.

Quand Catherine meurt à 45 ans, ils ont douze enfants qui sont à l’origine d’une nombreuse descendance bruxelloise.

C’est ainsi que quatre générations plus tard on arrive au document ci-dessus, avec la magnifique signature de Martin Emanuel de Borja Le Bron le jour de son mariage avec une autre Catherine, qui appartient à la généalogie de l’Adrienne.

Et qui, bien que simple couturière, sait lire et écrire.
L’autre signataire est le grand-père maternel du marié, Jacques Van Vreckom.

Le document dit qu’ils sont mineurs: il a tout juste 22 ans, elle 21.

Huit ans plus tard elle sera veuve, avec un fils de quatre ans et une petite fille de trois mois. Tous deux atteindront l’âge adulte, se marieront, auront des enfants.

Une dernière occasion d’admirer la belle signature de Martin, sur l’acte de naissance de sa fille un matin d’avril, moins de trois mois avant sa mort.

à gauche la signature de Martin Emanuel et au milieu celle de son frère François Joseph Hyacinthe, moins artistique 😉

Première découverte

C’est aussi grâce au généalogiste dont il était question dans le billet d’hier que l’Adrienne a pu découvrir qu’une légende familiale n’était pas une légende, en fait.

Une première découverte!

En effet, une grand-tante côté paternel prétendait que si quelques-unes des descendantes de l’arrière-grand-père Ernest avaient les yeux si sombres et les cheveux si bruns, c’est parce qu’il y avait « du sang espagnol » dans la famille.

Une affirmation qui faisait toujours se soulever les épaules et lever les yeux au ciel, en premier lieu chez le père de l’Adrienne – il faut bien qu’elle tienne de quelqu’un son côté « saint Thomas », comme dit sa mère.

Bref, personne n’en avait la preuve.

Mais maintenant la preuve est là.
Même s’il faut remonter si loin que le lien avec les yeux sombres en devient de plus en plus ténu, mais soit: il y a du sang espagnol.

Essayez de suivre 😉

L’arrière-grand-père de l’arrière-grand-père Ernest s’appelle Natal. Né en 1762.
Ce prénom, assorti à un nom de famille flamand, avait semblé bizarre à l’Adrienne.
Aujourd’hui, tout s’explique: la maman de Natal a comme nom de famille García.

CQFD.

Avec encore une fois de nouvelles questions qui se posent, quand comment pourquoi Ana Josepha García est arrivée en Belgique…

(et non aucun rapport avec un sergent californien)

***

sur la photo, la très brune petite Ivonne posant fièrement avec son mari et leur premier-né, l’été de 1925.