La première fois que l’Adrienne a entendu parler de chiens tirant des charrettes, dans sa Flandre jusqu’aux années de l’entre-deux-guerres, c’était dans un article sur le Japon.
Pourquoi les touristes japonais sont-ils pris d’une si grande émotion devant le tableau de Rubens exposé à la cathédrale d’Anvers, La Descente de croix? Pourquoi, quand ils savent que tu es Flamand(e), commencent-ils à te parler d’un chien qui s’appelle Patrasche? Et pourquoi s’étonnent-ils que tu ne le connaisses pas?
Et bien, parce qu’il s’agit du personnage d’une histoire écrite au 19e siècle, en anglais, qui a apparemment un succès énorme auprès des écoliers japonais et américains mais qui n’a été traduite en néerlandais qu’en 1987. Même les nombreuses versions filmées n’étaient pas parvenues jusqu’ici. Une histoire larmoyante d’un petit orphelin et son chien dans une Flandre anversoise imaginaire.
En 2007, deux réalisateurs de documentaires se posaient encore la question: comment se fait-il qu’une histoire si connue dans de nombreux pays n’intéresse personne chez nous?
Bref, en visitant l’expo consacrée aux photographes ostendais, Maurice et Robert Antony, l’Adrienne n’a pas manqué de remarquer les charrettes tirées par des chiens, comme sur l’illustration ci-dessus, une photo du 4 juillet 1924.
Généralement un ou deux chiens, toujours avec muselière, tirant la charrette du laitier, du charbonnier, du poissonnier, du chiffonnier…
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Expo photos de Maurice et Robert Antony à Ostende jusqu’au 5 novembre 2022, info ici.
Ils ont dû se dire: les gens ne mangent pas sainement, trop de sel, trop de sucre, toutes les campagnes de prévention ne servent apparemment à rien… changeons de tactique!
Et ils ont inventé des cuillers, des baguettes – ou même des bols – qui envoient un petit coup d’électricité sur les papilles.
Effet garanti (paraît-il): ce qu’on mange à ce moment-là prend plus de goût. Par exemple, ça semble bien salé, alors qu’il y a moitié moins de sel.
On peut voir que ces recherches datent de 2018-2019 mais aujourd’hui elles auraient dépassé le stade expérimental.
Des Japonais ont conçu des baguettes « électriques » ayant cet effet de donner l’impression d’un goût plus salé.
Vous voulez connaître le fabricant? Il est ici! C’est aussi la source de l’image ci-dessus, avec le jeune homme testant les « Taste-Adjusting Chopsticks« .
L’Adrienne se demande comment les chercheurs feront pour le « défi sucre » vu que les sucreries et autres donuts se mangent le plus souvent sans bol ni couverts…
L’Adrienne, qui trouve déjà terriblement exotique la littérature russe, avec ses noms, prénoms, noms du père et diminutifs affectueux, tout ça pour chacun des personnages, est en ce moment plongée dans plus exotique encore: un roman traduit du japonais 🙂
Un véritable cadeau pour l’abécédaire et la lettre K dès les premières pages du livre: Kamakura, Kanagawa, Kyûshû, kyô-bancha (thé vert).
On n’y boit et mange que des choses tout à fait inconnues de la lectrice: kombu, karintô, purée d’azuki ou sauté de liseron d’eau.
Même le calendrier n’offre pas de repères occidentaux: shôsho (aux alentours du 7 juillet), risshû (vers le 7 août), délimitent la saison pluvieuse de l’été et de l’arrière-saison.
Les vêtements (inconnus, comme les geta, que la narratrice fait claquer sur le sol, donc on suppose que ce sont des chaussures ;-)), les rituels (inconnus) dans des sanctuaires (exotiques), et tout ce qui concerne les différents alphabets japonais et chinois, les encres, leur fabrication, leur utilisation, les pinceaux, les crayons, les diverses sortes de papier, les styles d’écriture, l’importance du choix des timbres…
Bref, dans le train pour Bruxelles l’Adrienne était au Japon 🙂
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Et un peu en Belgique aussi, à la page 113:
« J’ai opté pour du vergé crème fabriqué en Belgique, un type de papier utilisé depuis longtemps par les familles royales et nobles d’Europe. Les vergeures – les marques laissées par les fils du tamis utilisé pour fabriquer le papier, qui lui donnent son nom – forment des aspérités ténues, pareilles à des rides, qui projettent de subtiles ombres sur la feuille blanche. Au toucher, ce papier a la chaleur du fait main, il en émane bienveillance et douceur. C’était parfait pour communiquer les sentiments de Monsieur Sonoda. » (1)
Ito Ogawa, La papeterie Tsubaki, traduit par Myriam Dartois-Ako, éd. Picquier, 2018.
(1) et les miens à l’amie qui m’a offert ce cadeau 🙂
Mon père m’a dit que tu avais demandé s’il y a une liste de naissance, écrit-elle. Il n’y en a pas alors tu peux faire comme tu veux.
Comme je veux, se dit l’Adrienne, bien bien.
Dans ce cas, faisons plaisir à une ancienne élève qui tient une boutique d’articles de bébé et de vêtements pour enfants, et offrons un bon d’achat à la petite fille qui vient de naître et à sa maman.
Après les rituels purificateurs en vogue ces temps-ci, on tend à l’Adrienne le bon cadeau pour qu’elle y note son nom et celui de la destinataire.
Et là… Zut! plus moyen de se souvenir exactement du prénom du bébé.
Trois syllabes.
Sakuri… Sukara… Sukira?
Dans le doute abstiens-toi, se dit-elle, marquons-y le nom de la maman.
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Vous l’aurez deviné, le prénom est japonais et se trouve dans le titre de la vidéo ci-dessus 😉
Puisqu’il est dit que nous ne voyagerons que dans notre tête, cet été, rêvons grand et loin, allons au Japon.
Allons dans cette « auberge traditionnelle » fondée paraît-il en l’an 717 ou 718 et tenue par la même famille qui lui a donné son nom: 47 générations de Hoshi en 1300 ans à peu près.
Vous connaissez l’Adrienne, elle s’est demandé comment une telle chose est possible. A commencer par cette question-ci: chaque génération avait donc un fils et successeur à disposition?
Une petite recherche montre que ce problème s’est posé pour la génération actuelle, quand le fils qui devait prendre la relève est décédé à 46 ans des suites d’une crise cardiaque et que par conséquent la fille a été moralement obligée de reprendre le flambeau… pour le passer à ses neveux après elle:
« Elle, elle aspirait plutôt à d’autres avenirs professionnels et sentimentaux. Encore en apprentissage, celle qui n’a pas osé tourner le dos à sa famille a dû tout abandonner, dont son fiancé et ses rêves. « Maintenant, je sais que je n’aurai jamais d’enfant, jamais de mari. Je vais donc dédier mon existence à notre auberge, et préparer les deux enfants de mon frère décédé à prendre ma succession. L’un d’eux sera la 48e génération », dit-elle à contre-cœur. Le poids sur ses épaules est assez lourd. Sans héritier, Zengoro aurait décidé de fermer les portes de l’hôtel. Pas question de le vendre. »
Ils sont fous ces Japonais 😉
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source de la photo Booking.com (où l’on peut lire que les enfants ne sont pas autorisés) et source de l’extrait ici.
La police municipale a son compte fb où les gentils flics de la ville annoncent avec humour l’endroit exact où ils installeront leur caméra cachée:
Chers habitants de X, si vous passez par la rue Machin le jeudi 27 février, veillez à être bien coiffés pour la photo et n’oubliez pas que la vitesse y est limitée à 30 km/h.
A côté de ces annonces-là, il y celles pour les chiens perdus ou les clés de voiture trouvées, ainsi que divers conseils relatifs à la sécurité. Le thème est à la mode 😉
C’est ainsi que l’Adrienne a appris un nouveau mot, wangirifraude, une forme de fraude téléphonique (qui est bien expliquée ici mais que vous connaissez sûrement, le mot est neuf, pas la chose)
Vous avez raté un appel, le numéro vous est inconnu mais vous rappelez quand même et ça vous coûte cher. Surtout si vous n’avez pas remarqué le préfixe étranger qui vous relie à la Guinée et si on réussit à vous tenir la jambe un looooonnnng moment.
Bref, le mot est japonais ワンぎりet signifierait quelque chose comme ‘couper le contact après une seule sonnerie’.
Une chose est sûre, ce genre d’arnaque ne risque pas d’arriver avec l’Adrienne, plus téléphonophobique tu meurs 🙂
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la photo ci-dessus a illustré un devoir de Lakévio
pour écouter la bonne prononciation de wangiri, c’est ici.
L’Adrienne devrait cesser de s’inquiéter pour la peinture qui s’écaille sur la façade, pour les taches noires d’humidité dans le bureau – malgré les injections par une firme spécialisée, photo 1 – , pour le papier peint qui se décolle dans les toilettes et le salon, pour tout ce qui est brisé, abîmé, cassé ou manquant: il paraît que c’est la dernière mode.
Car même l’instagrammable est donc sujet aux variations de la mode et l’ère du clean, du léché, du parfaitement lisse serait passée.
C’est en tout cas ce qu’affirme le magazine féminin que lit la mère de l’Adrienne, et il lui a même trouvé un nom, une référence et des origines au-dessus de tout soupçon: c’est le wabi-sabi.
L’adepte du wabi-sabi, affirme-t-on, aime la peinture écaillée, les taches de peintures, les petits trous dans le mur. Ce qui est vieux, usé, imparfait.
Tiens, se dit l’Adrienne en montant se coucher, le plancher à l’étage, il est drôlement wabi-sabi!
Yatsuhashi, nous dit le conférencier, signifie ‘huit ponts’. C’est un thème pictural qui trouve son origine dans un recueil de poèmes et de récits du 10e siècle, Ise monogatari, un grand classique de la littérature japonaise traditionnelle.
Vous verrez donc de nombreuses estampes sur ce thème, dont certaines vraiment exquises, avec des iris bleus.
Vous les verrez, si vous allez à l’expo au Cinquantenaire et certainement aussi en cherchant un peu dans l’immense grenier-à-fouillis qu’est la Toile.
Cependant, ce ne sont pas celles-là que j’ai photographiées: comme d’habitude, mon appareil photo commençait à montrer des signes de fatigue – trop d’arbres avaient attiré son attention en cours de route – et je devais opérer une sélection sévère, comme à l’époque des films à 36 photos…
Par contre, j’ai photographié ce pont-ci, sur une estampe qui ressemble à une planche de BD, où des gens se pressent sous la pluie. Ne me demandez pas de qui est cette œuvre: comme je l’ai expliqué précédemment à Tania, on devait déposer nos sacs au vestiaire mais on pouvait photographier sans flash. Je ne me suis donc pas encombrée de mes habituels stylo et carnet, j’ai juste pris l’appareil photo. Inutile de dire qu’avec ma formidable mémoire – et ma merveilleuse connaissance du japonais – je n’ai retenu aucun nom.
merveilleux rendu d’une nuit étoilée et de lumignons dans une ville japonaise du 19e siècle
Et en fin de parcours, des oeuvres dans l’esprit « ukijo-e » de Dimitri Piot, auteur de BD et illustrateur.
C’est vraiment très beau, très poétique et en même temps un peu étrange de voir des paysages bruxellois représentés dans le style des estampes japonaises, comme ci-dessus, l’arc du Cinquantenaire sous la neige.
c’est la célèbre vague de Hokusai (1760-1849) qui sert d’affiche à l’expo
mais on commence par le 18e siècle
Suzuki Harunobu (1724-1770), le premier à imprimer plusieurs couleurs (en 1765)
la dame en vert a un chat sur les genoux
triptyque de Kubo Shunman (1757-1820) avec trois phases du travail des draps de laine (à gauche le foulage)
un de mes préférés de Hokusai surtout pour le point de vue original, à hauteur du faîte, avec dans le bas la ville cachée par les nuages d’où sort un cerf-volant et bien sûr dans le fond, le pic neigeux du mont Fuji
et pour terminer, un aspect de Hokusai qui m’était inconnu