Mes travaux de rangement de bureau, mes retrouvailles avec Désiré Nisard, mes incursions au grenier, tout ça me remet sur la piste de ma vie d’étudiante.
J’ai retrouvé le cahier dans lequel je notais scrupuleusement qui je recevais à ma table et ce que j’ai servi à chaque occasion. Le cahier commence à la date du 10 août 1979 (ça ne nous rajeunit pas, aurait dit mon père), j’avais 21 ans et j’étais mariée depuis un bon mois.
Durant ces mois d’août-septembre de 1979, j’ai reçu tour à tour – car nous n’avions qu’une petite table et peu de chaises dans notre petit studio avec la kitchenette à deux plaques de cuisson – mes beaux-parents, mes nombreux beaux-frères et belles-soeurs, mes grands-parents, quelques oncles et tantes. Chacun à son tour a reçu un menu adapté à ses préférences et aux possibilités très réduites de mon espace tout aussi réduit.
Ainsi, l’aînée de mes belles-soeurs a reçu son dessert préféré, un sabayon; de toute façon, je n’avais pas de four, donc je ne pouvais pas faire cuire de tartes, ma « spécialité » d’avant mon mariage.
Pour mon beau-père, il y avait du potage. Je devais pour cela surmonter mes traumatismes d’enfant enfermée dans « le kot » avec sa soupe déjà froide – LOL – j’essaie d’en rire.
Pour l’aîné des beaux-frères, il y avait du carré d’agneau, pour mes grands-parents, des pintadeaux à la crème et à l’estragon. Et ainsi de suite, coquilles Saint-Jacques, turbot, on n’avait pas un rond mais on savait recevoir 
Tout est noté dans mon cahier, les ingrédients, les poids, les temps de cuisson… et les variantes, car dès mes débuts de cuisinière, il est apparu que le plaisir est aussi dans la liberté 😉
On note tout scrupuleusement et la fois d’après, on enlève un ingrédient et on en rajoute un autre.
C’est également le sort qui a été réservé au poulet Désiré Nisard, dont je parlais il y a quatre jours à la lettre D. Ce poulet était notre ‘cucina povera’ à nous, puisqu’on y mettait les olives noires que mes parents rapportaient d’Ardèche et qu’avec un minimum d’ingrédients le résultat était excellent. C’est en tout cas ce que l’homme-de-ma-vie avait noté dans la marge à côté de la recette 