T comme Trio (lalala)

C’est en 1672 que Molière fait la connaissance de Charpentier, qui vient de passer quelque temps de formation musicale en Italie. Charpentier n’a pas trente ans et Molière mourra un an plus tard, mais cette année de collaboration entre eux deux a été harmonieuse et fructueuse jusqu’à la dernière pièce, le Malade imaginaire.

Jusqu’en 1672, Molière avait pu compter sur la collaboration de Lully mais celui-ci, après une ascension sociale fulgurante, obtient de Louis XIV « de faire chanter aucune pièce entière en France, soit en vers françois ou autres langues, sans la permission par écrit dudit sieur Lully, à peine de dix mille livres d’amende, et de confiscation des théâtres, machines, décorations, habits… »

Bref, une mainmise totale sur la vie musicale en France dont souffriront tous les autres compositeurs.

Molière reçoit tout de même un assouplissement et la permission de reprendre ses pièces à condition qu’il n’utilise pas la musique que Lully avait composée pour elles.

C’est alors qu’il fait la rencontre fort opportune de Charpentier, qui réécrira de la musique pour Le mariage forcé, dont l’extrait comique ci-dessus 🙂

Au colloque sur « Molière et ses amis » au Palais des Académies le 10 décembre dernier, madame Catherine Cessac, spécialiste de Marc-Antoine Charpentier, a appelé leur collaboration « le mariage parfait ».

H comme hommage

Aujourd’hui l’Adrienne est à la fête: toute une journée consacrée à Molière, dont on célèbre dignement les quatre cents ans en cette année 2022.

Ce samedi 10 décembre, l’Adrienne va le passer à écouter des érudits parler des amitiés artistiques et philosophiques de Molière.

C’est une des choses les plus agréables qui soient: être de nouveau l’élève qui écoute un prof 🙂

Tout le programme est .

Source de l’image ici

G comme Gaboriau

File:Pierre Mignard, Portrait présumé d'Armande Béjart, vers 1660.jpg
source ici

« Quand on considère l’œuvre de Molière, si complexe et si varié, infini, pour ainsi dire, comme le cœur et l’esprit humains, on en vient vite à se demander quels acteurs étaient capables de supporter l’écrasant fardeau de tant de génie. Combien donc étaient-ils pour suffire à tant de passion, à toute cette verve, à cette mordante ironie, à ces luttes, à ces amours? Combien étaient-ils pour jouer l’humanité tout entière, avec ses vices et ses faiblesses, ses grands sentiments et ses mesquineries, ses ridicules et ses grandeurs? Aux plus beaux jours de la faveur de Louis XIV, à l’apogée de leur fortune, ils étaient vingt-quatre. Et encore, dans ce nombre, je comprends peut-être un moucheur de chandelles. »

De nombreuses pages sont évidemment consacrées à Armande Béjart.
Mais sa description physique ne semble pas « coller » au portrait présumé ci-dessus, puisqu’il est dit qu’elle a « les yeux petits » et « la bouche grande » 🙂

***

Émile Gaboriau, Les comédiennes adorées, édition de 1863, l’extrait ci-dessus vient de la p.233, consultable sur Gallica

I comme Isère, misère!

Béline a gardé la doudoune et le duvet. Elle a horreur d’avoir froid et ce matin, avec le temps qu’il fait, elle aurait préféré rester près du feu.

Et elle a dû quitter la maison si tôt qu’elle a à peine eu le temps de déjeuner, alors évidemment elle a des vertiges et en route elle a dix fois frôlé la catastrophe. Elle espère qu’elle ne devra pas prendre ces risques chaque matin, dorénavant!

Mais voilà son copain Panurge qui arrive dans la cour! Elle s’empresse d’aller froufrouter de son côté, du sirop plein la voix en s’adressant à lui, comme dans un film d’amour qu’elle a vu l’autre soir.

Et lui, le pauvre, dans un vieux réflexe machiste, se dit « J’emballe, j’emballe sec! Cette nana, elle est à moi, je le sens, ça va marcher comme sur des roulettes! »

***

Ecrit pour Les Plumes d’Asphodèle chez Emilie avec les mots imposés suivants: DUVETHORREUR – AIMER – TEMPS – FEU – FROUFROUTER – VERTIGE – SIROP – FROID – FRÔLER – FILM – ROULETTE – RISQUE – RÉFLEXE

Emilie a rajouté six mots à la collecte.  On pouvait laisser de côté les trois derniers (ci-dessus en italiques). Mais j’ai fait la totale 🙂 

***

On a parlé de l’Isère dans nos quotidiens de Flandre, pour cette affaire du plus haut comique…

Voir les articles en français ici et ici, deux exemples parmi des tas d’autres.

J’ai surtout aimé les prénoms des élèves à quatre pattes, j’espère qu’il y avait parmi eux une Béline, en hommage à Molière 🙂

J comme jargon

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Beaucoup de gens, déclare le spécialiste consulté, se plaignent d’un manque d’hygiène conversationnelle… 

Faut que je note ça pour ne pas l’oublier, se dit l’Adrienne. 

Un manque d’hygiène conversationnelle, elle n’est pas sûre d’avoir bien compris ce que ça voulait dire mais elle devine que c’est un bel euphémisme. 

Bref, les pédagogues d’aujourd’hui ont leur jargon comme les médecins de Molière, et la préciosité n’a pas pris fin avec le 17e siècle: aujourd’hui plus que jamais on se doit de remplacer par des tournures alambiquées les mots jugés « bas ». 

Comme ragots, cancans, commérages et racontars, par exemple. 

*** 

photo prise à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose

Premier agenda ironique

Je suis le ténébreux miroir inconsolé
Ma batterie est morte et je suis constellé 

de taches de café et d’autres petits reliefs de nourriture: c’est assise devant moi qu’elle boit et qu’elle mange. Car 

Elle a pris ce pli depuis des temps très lointains
De venir m’allumer très tôt chaque matin 

et de prendre tranquillement son petit déjeuner tout en me tapotant le clavier. Quand c’est l’heure de partir au travail, je sens bien qu’elle me quitte à regret. Elle me rallume dès son retour, nous voilà repartis pour des heures, 

Voici des O, des I, des E, des U, des A,
Qu’elle a usés avec ses ongles et ses doigts 

Elle m’emporte partout où elle va, j’ai vu l’Irlande et l’Italie, la mer du Nord aussi. 

Ainsi, toujours poussé vers de nouveaux rivages,
Je suis très heureux d’avoir fait de beaux voyages. 

Depuis quelque temps, je montre des signes de fatigue, nous luttons ensemble contre mon inexorable obsolescence programmée et je crains qu’elle ne pense bientôt à me remplacer. Même si 

Il le faut avouer, l’amour est un grand maître.
Ce qu’on ne fut jamais, il vous enseigne à l’être. 

C’est ainsi qu’elle a réussi à me tirer d’affaire, déjà une fois ou deux, et je lui suis reconnaissante d’avoir pu prolonger mon temps de vie, notre temps de vie commune, bien que nous ayons parfois nos nuages… 

Mon plus grand ennemi se rencontre en moi-même
Je vis, je meurs, je me sens l’âme plus qu’humaine. 

*** 

merci à Gérard de Nerval, Victor Hugo, Rimbaud, Verlaine, Molière, Racine, Louise Labé, Lamartine, Du Bellay, à mon ordinateur bien-aimé et à l’Agenda ironique de juin 

jeu,parodie,pastiche,poésie

L comme livres

J’ai trouvé dans ma bibliothèque
de gros volumes cartonnés
portant la signature du grand-oncle Aimé.

J’ai trouvé dans ma bibliothèque
recouverts d’un vieux papier vert
les livres de classe de mon beau-père.

J’ai trouvé dans ma bibliothèque
dans un manuel de bricolage
une photo de notre mariage.

Les romans d’amour hérités de tante Simonne
Les Comtesse de Ségur reçus de Marie-Louise
Les Jules Verne cadeaux de madame Henriette

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 Les grands classiques, les lectures imposées, une collection de romans pour la jeunesse, les recueils de poèmes, les anthologies historiques, tout le théâtre de Ghelderode et d’Ionesco, de Racine et de Molière, toute la poésie du 16e siècle, de Verlaine et de Rimbaud.

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Jacques Prévert et Jacques le fataliste. François Mauriac et François le Champi. Madame de la Fayette et madame Bovary.

Tout emballer, tout répertorier, tout déménager, tout reclasser, tout replacer.

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Pourtant je ne suis pas bibliothécaire Clin d'œil

***

texte écrit pour les Croqueurs de mots n°127
http://c-estenecrivantqu-ondevient.hautetfort.com/archive/2014/06/30/defi-n-126-5383002.html

 Merci à Enriqueta de m’avoir prévenue!

Et bonne fête nationale aux amis français Sourire

N comme No time to waste

Une dernière remarque. Sur un accord à faire. La place de la négation. Une conjugaison. Une tournure de phrase. Une expression idiomatique. Un mot argotique.

Un ultime conseil.

Le temps presse: bientôt, dans quelques semaines, quelques jours, quelques heures, Madame les lâche. Pour toujours. Parce qu’il le faut bien.

prof,école,élèves,français,langue

zut! Madame n’a rien lu de Molière, cette année!

Jusqu’à un soir sur fb ou dans la boite à mail. Quand ils lui écriront, l’air de rien et en français: « Bonjour, Madame! Vous allez bien? »

Tandis que la vraie demande sera: « Voulez-vous faire ceci ou cela pour moi? »

(signer une pétition, résoudre un problème linguistique, participer à une enquête, soutenir un projet…)

Alors Madame-plus-prof-que-moi-tu-meurs leur répondra:

– Bonsoir!

Et ils se reprendront, pauvres pitchouns, comme s’ils étaient encore sur les bancs de l’école Langue tirée 

***

Et bien vous savez quoi?

Madame s’en émeut et s’en réjouit d’avance.

(oui elle est grave grâââve)

 

 

U comme une bonne chose de faite!

Voilà, depuis hier, j’ai une boite aux lettres que carissima nipotina a accrochée bien droit pour que les factures n’attrapent pas des crampes en attendant que je les libère.

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et pour le reste

la saga du petit coin continue

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 voilà l’état du jour
demain l’ouvrier continue de carreler
mais je ne sais pas encore quand j’aurai une porte

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ce grand jeune homme bien fait
comme aurait dit Molière/Argan
fait partie du trio qui a posé les nouvelles fenêtres et les deux nouvelles portes extérieures 

et aujourd’hui

je peins le plafond de ma future chambre

https://www.youtube.com/watch?v=usfiAsWR4qU

G comme grands auteurs (ou G comme gageure…)

– Je n’ai pas lu une seule ligne de Molière, cette année! me dis-je en surveillant une de mes classes occupée à rédiger son « examen d’expression écrite ».

Sur le mur à ma droite, j’ai accroché les portraits des auteurs dont je lis un extrait au cours des deux dernières années du cycle secondaire. Ils sont bien classés dans l’ordre chronologique pour former une frise qui a pour but de mieux permettre aux élèves de situer les uns et les autres, depuis Charles d’Orléans jusqu’à Abdellatif Laâbi.

C’est ainsi que sous l’affichette « 17e siècle », un Molière en perruque sourit d’un air satisfait sous sa fine moustache, entouré par la marquise de Sévigné et Jean de la Fontaine.

Je sais bien que ce n’est pas ma vocation première, comme prof de FLE, d’enseigner de la littérature ou de l’histoire littéraire. Pourtant, je considère comme un devoir d’instiller au goutte-à-goutte ces quelques textes ou ces quelques auteurs incontournables.

Mais faire les choix, voilà la véritable gageure!

Le programme officiel ne s’occupe pas vraiment de littérature: il nous demande surtout de voir du vocabulaire, de la grammaire, et d’exercer les diverses compétences pour amener nos élèves au niveau B1-B2 du CECR (1)

A ce propos d’ailleurs, j’ai remarqué samedi dernier lors de la présentation des manuels conçus par les éditeurs français, que la littérature n’y avait plus sa place. La BD, les chansons, le cinéma, les magazines « jeunes », voilà ce qui doit représenter aujourd’hui l’aspect culturel de la francophonie… sous prétexte que la « Grande Littérature » n’intéresse pas les ados.

Ce que je conteste fermement.

***

(1) Cadre européen commun de référence, http://www.coe.int/t/DG4/Portfolio/?L=F&M=/main_pages/levelsf.html

MoliereparMignard.jpg

voici le portrait en question, peint par Mignard

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Moliere_Mignard.jpg