Tout comme la statue de ce saint Maurice noir dans la cathédrale de Brandebourg, qui date du 13e siècle, la figure de l’homme noir est rarissime dans la littérature de la même époque.
En néerlandais, le tout premier personnage littéraire à la peau noire est Moriaen, dans une chanson de geste du cycle arthurien.
L’oeuvre originale date des environs de l’an 1200 en dialecte flamand (Flandre Occidentale et sud de la Flandre Orientale) mais les manuscrits qui la reprennent ont été rédigés un siècle plus tard en dialecte brabançon de la région de Louvain (Veltem): à la rime, on a gardé le vocabulaire d’origine, à l’intérieur des vers on a choisi les mots brabançons.
Contrairement aux autres héros arthuriens, comme Lancelot, Gauvain, Perceval… Moriaen n’a pas son équivalent dans les différentes langues européennes ayant une littérature de la « matière de Bretagne ».
Son père est Acglavael (Agloval), frère de Perchevael (Perceval), et sa mère une reine mauresque. Sa quête à lui a pour but d’obtenir la reconnaissance paternelle (la légitimité) et de réunir ses parents par le mariage.
Doe was di swarte ridder blide
Ende scoet ane lanceloets side
Ende ontecte sijn hoeft al daer
Dat pec sward was oppenbaer
Sa description aux vers 763 et ss:
Alors le chevalier noir est heureux
Il se précipite aux côtés de Lancelot
Et en se découvrant la tête
La fait apparaître toute noire
Het was di sede vanden lande
More sijn sward alse brande
Maer dat men an ridders soude prisen
Haddi also scone na sire wisen
Al was hi sward wat scaetde dat
An hem was sake di hem messat
Ende hi was langer een haluen voet
Dan enech ridder bi hem stoet
Nochtan was hi van kinscen dagen
Qu’il soit noir ne lui faisait pas tort
Il n’avait aucune imperfection
Et il dépassait d’un demi-pied
Tous les autres chevaliers
Pourtant il était encore très jeune
« Aime assez à chahuter », disait la définition, et il fallait trouverGuillaume de Machaut.
Machaut, si on l’épelle, ça donne M A C H A U T (emme – a – cé – hache – a – u – té)
Moi j’aime assez Machaut 🙂
Dame, a vous sans retollir (sans le reprendre) Dong cuer, pensée, desir, (je donne mon cœur) Corps, et amour, Comme a toute la millour Qu’on puist choisir, Ne qui vivre ne morir Puist a ce jour.
Dès qu’il s’agit de littérature française, l’Adrienne se croit en devoir de connaître. La voilà donc bien marrie l’autre soir, quand la prof d’histoire de la musique parle du Roman de Fauvel, oeuvre majeure du début du 14e siècle dont l’Adrienne n’avait à ce jour jamais entendu parler.
Epoque de Philippe le Bel. Une oeuvre satirique dans la veine du Roman de Renart mais qui, en plus, est un monument musical: le manuscrit comporte 132 morceaux de musique dans les genres les plus divers, « œuvres monodiques (empruntées aux répertoires sacré et profane) [qui] montrent toute la multitude des formes musicales de l’époque: conductus, séquence, prose, rondeau, lai, virelai, séquences et répons [et des] pièces polyphoniques (à 2 ou 3 voix) [qui] ont toutes la forme du motet. » (wikipédia)
Voilà donc une grave lacune qu’il fallait combler.
Lacune qui prouve aussi à quel point l’éducation musicale devrait faire partie de tout cursus, et pas seulement être offert aux enfants dont les parents décident de les envoyer à l’école de musique à l’âge de huit ans.
Je compte sur toi pour les précisions historiques, tu le sais, n’est-ce pas! dit-elle à la dame qui a travaillé toute sa vie à la bibliothèque communale mais est historienne de formation.
Ce soir Wim nous fera un petit exposé sur l’architecture gothique, dit-elle un autre lundi, vu qu’on a la chance d’avoir un architecte parmi nous…
Non mais hé ho! on est venus ici pour avoir un cours sur l’histoire de la musique, s’insurge mentalement l’Adrienne.
C’est à ce moment-là que la prof se tourne vers elle:
Tu voudras bien nous faire un petit cours sur la langue d’oc et la langue d’oïl, lundi prochain? Et tu nous parleras d’Aucassin et Nicolette? Et des troubadours?
Vous croyez que ça intéresse quelqu’un? a répondu l’Adrienne.
Sur la couverture de l’épais album, le titre est en anglais: Birth Day. Peut-être pour indiquer dès l’emblée son approche internationale. Planétaire.
Le sous-titre est en néerlandais: Comment le monde accueille ses enfants. Ou plus littéralement: leur souhaite la bienvenue.
Lieve Blancquaert est une photographe belge (d’expression néerlandaise) qui est très célèbre en Flandre grâce à ses reportages pour la télévision et son engagement humanitaire en faveur des femmes, principalement pour améliorer les conditions précaires (et trop souvent mortelles) dans lesquelles des millions de femmes de par le monde doivent accoucher.
L’idée de Birth Day a germé dans la capitale afghane, Kaboul. C’est là que j’ai vu pour la première fois dans quelles horribles circonstances des femmes devenaient mères. Plus tard, je l’ai revu au Burundi et au Congo.
Où et comment un enfant naît, c’est un miroir de la société. Toute sa vie semble déjà fixée par ces deux mètres carrés où sa mère l’a mis au monde. Dans l’utérus, il n’y a pas de place pour la frime. Pauvre, riche, blanc, noir, croyant ou pas… chaque enfant commence par un même premier cri. Ce moment ne dure pas plus d’une fraction de seconde. Après, nous sommes tous différents. Le premier contact, le premier lange définiront le reste de notre vie.
Ça m’a tellement touchée que l’idée m’est venue de parcourir le monde pour voir de mes propres yeux comment ce monde accueille ses enfants. J’ai rencontré des parents, des grands-parents, des sages-femmes, du personnel médical et des tas d’autres gens qui s’investissent pour les mamans et leurs enfants. Ce que je raconte est basé sur mes expériences personnelles, émouvantes et effarantes. J’ai surtout essayé de ne pas juger mais de comprendre.
Et moi, en voyant le thème « couverture », j’avais d’abord pensé à celle-ci:
Christine de Pisan: Virelai
Je chante par couverture, Mais mieulx plourassent mi œil, Ne nul ne scet le traveil Que mon pouvre cuer endure. Pour ce muce ma doulour Qu’en nul je ne voy pitié, Plus a l’en cause de plour Mains treuve l’en d’amistié.
Pour ce plainte ne murmure Ne fais de mon piteux dueil ; Ainçois ris quant plourer vueil, Et sanz rime et sanz mesure Je chante par couverture.
Petit porte de valour De soy monstrer dehaitié, Ne le tiennent qu’a folour Ceulz qui ont le cuer haitié
Si n’ay de demonstrer cure L’entencion de mon vueil, Ains, tout ainsi com je sueil, Pour celler ma peine obscure, Je chante par couverture.
A l’arrière du palazzo Madama on peut encore parfaitement voir la construction qui date du moyen âge, en briques rouges, avec ses deux tours de garde. C’est là aussi qu’on a reconstitué le « jardin médiéval », dont voici le plan:
C’est tout mimi et entretenu par des bénévoles. En les voyant balayer les trois feuilles tombées sur une minuscule pelouse, je me suis dit que moi aussi, si j’étais torinese, je porterais leur badge et je gratterais la terre…
les carrés de potager sont entourés de claies d’osier
les tours très imposantes « écrasent » le jardinet
le jardin de ruines, voir à gauche du plan ci-dessus
le « potager »
le « jardin du prince », avec fontaine et berceau de roses blanches simples, très parfumées. (voir à droite sur le plan)
– Que fait ce point qui apparaît ici et là dans la graphie d’un mot? demande une des participantes au MOOC sur le forum. (1)
Car oui, il y a aussi un forum. Je ne connais rien de plus ‘chronophage’ que cette invention-là, surtout si on y pose des questions intéressantes et que les réponses le sont tout autant.
– Il s’agit d’un point d’enclise, répond la prof.
Jamais entendu ce mot-là, ni pendant mes cours d’ancien français, ni en espagnol, ni en italien. Voyons si g**gl* est notre ami…
Mon vieux petit Robert, qui ne connaît pas enclise, connaît enclitique:
enclitique: nom masculin. Mot dépourvu de ton qui a la propriété de prendre appui sur un mot précédent, porteur du ton, et s’unit avec lui dans la prononciation.
Le petit Robert, p.569
Un exemple?
E si.m partetz d’un joc d’amor si + me = si.m
Le poème entier de Guillaume d’Aquitaine, Ben vuelh que sapchon li pluzor, est ici:
Dans ce lieu de perdition qu’est la vaste toile, l’Adrienne a trouvé un nouveau moyen de « passer son temps ».
Elle a découvert les cours en ligne.
Ça s’appelle des MOOC.
On choisit, on s’inscrit, et on est parti pour des heures et des heures de lecture ou d’écoute de documents audio-visuels.
C’est ainsi que l’Adrienne a passé son mercredi après-midi à la (re)découverte des troubadours, de la cour d’Aliénor d’Aquitaine et des chansons de son grand-père, Guillaume IX.
Ci-dessous, une chanson anonyme du 12e siècle qui relate l’histoire d’une Reine tombée amoureuse d’un jeune homme alors qu’elle est mariée à un jaloux.
On considère qu’il s’agit d’Aliénor, épouse de Louis VII de France, tombée amoureuse du jeune Henri Plantagenêt alors âgé de 19 ans:
A l’entrada del temps clar e e ya Per jòia recomençar, eya,
E per jelòs irritar, eya
Vòl la regina mostrar
Qu’el’es si amorosa
A la vi’, a la via, jelòs,
Laissatz nos, laissatz nos
Balar entre nos, entre nos.