K comme krapoverie

Ah! la Belle Époque où on purgeait bébé, où on faisait commerce des pots de chambre en porcelaine, où on allait à l’opéra comme aujourd’hui on va à l’apéro!

Ah! la belle rigolade scatologique, les envolées lyriques sur les mérites du laxatif et un Toto déjà enfant-roi.

Ah! la folle cavalcade entre les portes qui claquent, les femmes sémillantes, les maris trompés et la bonne un peu bête mais pas dupe.

C’était le crépuscule des dieux mais ils ne le savaient pas.

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Écrit en l’honneur de la création mondiale à la Monnaie d’On purge bébé et d’après les consignes de Joe Krapov – merci à lui! – avec les mots suivants: La Belle Époque – apéro – cavalcade – création – crépuscule – envolée – rigolade – sémillante.

7 rôles

Au 19e siècle comme aujourd’hui, le jeune artiste n’a pas trente-six possibilités pour se faire un nom: le moyen par excellence pour se faire connaître, c’était déjà les concours.

C’est ainsi que le tout jeune Georges Bizet – il n’a que dix-huit ans – participe au concours d’opérettes organisé par Jacques Offenbach et remporte le premier prix pour une composition en un seul acte, qui n’a besoin que de quatre chanteurs et d’un pianiste, mais qu’il appelle tout de même « opéra comique »: c’est le Docteur miracle, une bouffonnerie dont le livret use de tous les stratagèmes du genre, amours contrariées, scènes d’a parte, déguisements, caricature.

Quatre jeunes chanteurs belges l’ont dépoussiéré, ce Docteur miracle, et viennent le présenter dans de petites salles de province, avec une grande économie de moyens et de personnes: outre les quatre chanteurs et le pianiste, il y a le metteur en scène et le type qui règle le son et la lumière.

O comme Opéra

Photo de Joonas ku00e4u00e4riu00e4inen sur Pexels.com

Vous vous souvenez de ces trois rendez-vous ratés avec Mozart pour cause d’éternelle pandémie? Ces trois opéras avec Da Ponte que l’Adrienne attendait avec joie et impatience depuis des mois? Le 5 février 2020 elle y croyait encore et quelques jours plus tard tout était annulé.

Vous vous souvenez aussi de son émotion en avril dernier, quand elle a constaté qu’il suffirait de sauter par-dessus le Channel pour assister à des réjouissances mozartiennes?

Et bien c’est fait: elle a écouté les conseils épicuriens (« on ne vit qu’une fois » a dit Mme Chapeau), pris un passeport international, pris le train, et la voilà prête à partager avec vous ce soir même un grand moment festif, un verre de bulles qui pétillent à la main 🙂

Merveilleuses retrouvailles pour un plaisir immense et éphémère qu’est le spectacle vivant!

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Merci à Émilie d’avoir repris ses Plumes avec – sous le thème des retrouvailles – les mots imposés suivants:

EMOTION, PARTAGER, FESTIF, REJOUISSANCE, RENDEZ-VOUS, IMPATIENCE, SE SOUVENIR, JOIE, VERRE, PETILLER, EPICURIEN, ETERNEL et EPHEMERE.

J comme jeunes et vieux

« Mieux vaut être bourré que moche » affirme-t-elle en lettres noires sur un large T-shirt gris.
Elle soutient gentiment un vieux monsieur en bermuda qui a du mal à faire quelques pas et qui ne cesse de répéter à la cantonade « Moi, je ne suis pas instruit! Je ne suis pas instruit! Je n’ai pas terminé mes études secondaires… ».

Une dame avec un badge autour du cou donne un dernier briefing:
– Alors vous avez bien compris: on ne parle pas, on ne discute pas, on ne bavarde pas, on ne rigole pas! Le seul bruit qu’on est autorisé à faire, c’est d’applaudir à la fin!

Tous hochent la tête, ceux en fauteuil roulant, celles qui en bas, aux toilettes, cherchaient en vain comment tourner au robinet automatique, celui qui se tient bien droit avec sa canne blanche…

C’est aussi ça que l’Adrienne apprécie à la Monnaie, son programme social « Un pont entre deux mondes » qui offre des activités culturelles de la plus grande qualité, gratuitement, à des gens qui n’y auraient jamais accès sans cela.

– Hein Raymond! s’exclame une dame, que tu aimes ça, venir à l’opéra!
– Oui, oui, fait Raymond sans même lever les yeux.
– Il vient chaque fois, hein Raymond que tu viens chaque fois?

F comme folie finale

Fin de saison à la Monnaie et cette folie de près de cinq heures de musique que sont Les Huguenots mis en musique par Meyerbeer sur un livret d’Eugène Scribe.

Oui, celui de la Muette de Portici 🙂

Bon, on sait à l’avance que beaucoup de sang coulera – « c’est reposant, la tragédie », dit le Chœur dans l’Antigone d’Anouilh, « parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir » – même si dans ce cas on l’appelle drame, à la mode du 19e siècle.

Donc si l’Adrienne ce matin se lève tard – qui sait, tout peut arriver – c’est qu’elle a assisté hier à une répétition pré-générale de cette œuvre immense.

Avouez que ça ne se refuse pas, une folie finale 🙂

Toute l’info sur le site de la Monnaie.

O comme Opéra

Quand la Grande-Bretagne a décidé de quitter l’Union européenne et introduit l’obligation du passeport international – alors qu’autrefois on prenait le bateau Ostende-Douvres avec une simple carte d’identité, mais bon, bref – l’Adrienne un peu fâchée s’est dit: « Et bien si c’est comme ça, moi je n’y vais plus! »

Serment d’ivrogne qui ne boit pas, pourrait-on dire: elle a vu par hasard ces jours-ci qu’au festival de Glyndebourne il y aura l’ami Mozart, sans compter les magnifiques jardins et l’inégalable climat du Sussex 😉

Tout ça pour vous dire qu’elle a très très envie d’oublier ses serments et d’aller chercher un passeport international à l’hôtel de ville 😉

H comme Hulda

Cette année, on fête le bicentenaire de la naissance du compositeur né à Liège, César Franck.

L’occasion pour les deux grands orchestres liégeois – l’orchestre philharmonique royal de Liège et l’opéra royal de Liège – de faire entendre des œuvres souvent peu ou mal connues.

Comme cet opéra dont l’Adrienne ignorait l’existence 🙂

Pour ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire musicale, trente minutes avec Martha et Renaud:

M comme Micaela

L’Adrienne avait dix-huit ans et venait de commencer ses études universitaires.

Un dimanche soir, une voisine vient avec une requête:

– Mon fils est parti ce soir à Louvain mais il a oublié les clés de son kot. Tu pourrais les lui porter? Je vais te donner son adresse.

Donc le lendemain voilà notre Adrienne avec son petit plan de ville dans la main droite et les clés bien serrées dans la main gauche, en train de découvrir des rues qu’elle ne connaissait pas du tout.
Elle trouve l’adresse sans trop se tromper, c’est incroyable.

Une vieille dame l’accueille avec méfiance et écoute l’histoire des clés et de la maman sans se dérider.

– C’est bon, dit-elle, je les lui remettrai dès que je le vois.

Au bout de la semaine, la voisine vient remercier pour le service rendu. Elle est encore toute remontée contre la ‘kotmadam‘:

– Tu sais ce qu’elle a dit? « Une jeune fille de ton village est venue apporter tes clés. » Non mais tu te rends compte! De ton village!? Qu’est-ce qu’elle croit! On ne vit pas dans un village, nous!

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Pour les non-Belges: le kot, prononcez ‘cotte’, c’est la chambre d’étudiant, la kotmadam est la dame qui est propriétaire de kots.

F comme Figaro

Jozefien coupe les cheveux de ses voisins âgés, traduit l’Adrienne pour le petit journal de quartier.

Alors évidemment elle revoit son grand-père, peigne et ciseaux à la main, le menton tremblant, en train de couper les cheveux du petit frère, qui n’était pas capable de se tenir tranquille quelques minutes.

– C’est une véritable girouette, cet enfant! disait-il.

Mais ce n’était pas la faute du petit frère: c’était la faute d’un bruit du dehors ou dans le couloir ou d’une porte que quelqu’un ouvrait à l’étage.

– Je vais finir par lui couper dans l’oreille! disait-il à la mère, et son menton tremblait si fort que mini-Adrienne avait peur qu’il refasse un infarctus.

Mais bien sûr la mère donnait raison à son fils:

– C’est que ça dure trop longtemps! répondait-elle.

Elle savait bien pourquoi elle ne l’emmenait pas chez un vrai coiffeur 😉