
L’anglais de Jef est si mauvais qu’il a du mal à comprendre le guide. Mais comme il a sa fierté, il préfère se moquer de l’accent du guide et prétendre que c’est de sa faute s’il n’y comprend rien.
– Désolé, fait le guide, ça fait deux ans que je n’ai plus parlé l’anglais, ces derniers temps je n’ai eu que des groupes de touristes turcs.
Puis il reprend le fil de ses explications, où les Ottomans interviennent beaucoup, au cours des siècles, et rarement en bien.
Destruction par-ci, massacres par-là, même si parfois le sale boulot est exécuté par des mercenaires qui se paient sur la population.
Nihil novi sub sole.
Il en vient incidemment à parler des tensions actuelles, à propos des îles grecques que les Turcs réclament.
– Moi je suis natif de l’île de Chio, explique-t-il.
Et là, bien sûr, on connaît la suite…
Pour lui, pour sa famille, c’est du concret, jusqu’à la génération de ses grands-parents.
Alors pendant que les autres finissent de déguster leur vin, l’Adrienne lui pose la question qui lui trotte dans la tête depuis le début:
– Mais alors à vous, personnellement, qu’est-ce que ça vous fait de montrer et de raconter tout ça à des groupes de touristes turcs? et eux, comment ils y réagissent?
Bref, pour ce qui le concerne, vous le devinez aisément.
Et les Turcs?
– Il y a deux possibilités, explique-t-il. Soit ce sont des intellectuels, d’Istanbul par exemple, et ils « comprennent ».
Soit ce sont les autres. Et pour ceux-là, tout ici leur appartient: ils considèrent que ça fait partie de la grande Turquie.
***
photo des coquelicots: en Grèce aussi, les « poppies blow »