U comme un, deux, trois!

« Le quadrille est en fait une contredanse », lit l’Adrienne après avoir pris connaissance du mot proposé par Walrus au Défi du samedi, mais ça ne l’avance guère, ça lui rappelle juste une petite phrase de la comtesse de Ségur, prononcée par Yolande Tourne-Boule à l’intention de Léon, pour lui dire qu’elle l’engage pour la première contredanse à l’occasion d’un bal que sa mère ne manquera pas de donner dès qu’ils seront installés dans leur bel hôtel parisien.

Oui, l’Adrienne vers ses onze ans a tellement lu Les vacances qu’elle peut encore en réciter des passages par cœur 😉

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Pour les autres fans de la Comtesse, voici le passage:

« Je suis très satisfaite, messieurs et mesdemoiselles, dit-elle, de vous connaître avant de quitter le pays ; j’espère que vous viendrez me voir à Paris, à l’hôtel Tourne-boule, qui est à mon père, et qui est un des plus beaux hôtels de Paris. Je vous ferai inviter aux soirées et aux bals que ma mère compte y donner. Et même, pour ne vous laisser aucune inquiétude à ce sujet, je vous engage, monsieur (s’adressant à Paul), pour la première valse, et vous, monsieur (s’adressant à Jean), pour la première polka, et monsieur
(s’adressant à Léon), pour la première contredanse. »

Pour les Die Hard, il y a même le texte entier en e-book gratuit, merci la Bibliothèque électronique du Québec!

X c’est l’inconnu

Ces jours-ci l’Adrienne investigue à fond dans la lignée paternelle, grâce à la mise en ligne des registres paroissiaux et de l’état civil ça devient un petit jeu addictif 😉

Comme cette branche-là est constituée presque uniquement de gens de la ville, elle forme une longue lignée d’ouvriers dans le textile: les hommes sont très souvent tisserands, ouvriers teinturiers, les femmes fileuses, bobineuses, couturières.

Hier l’Adrienne a cru que l’employé de l’état civil avait mal écrit: épouleuse.

Kèske sèksa?

Epouleuse ou épouilleuse? Elle cherche des poux?

Ce n’est pas dans le dictionnaire et même wikisaitout ne le mentionne pas dans sa liste des mots ayant trait au tissage et à l’industrie textile.

Sans doute est-ce l’équivalent du néerlandais spoelster – de spoel, un mot d’origine germanique qui peut signifier bobine ou navette (en textile).

Dommage que le grand-père ne soit plus là pour expliquer la différence, s’il y en a une, entre la bobineuse/bobijnster et l’épouleuse/spoelster!

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source de l’illustration (et page complète du journal) ici, il y a quelques ‘épouleuses’ parmi les fiancées citées sous le titre ‘publications de mariages’

V comme visionner

Voilà, vous voyez l’époque.

On ne disait pas encore qu’on allait « visionner » un film.
On disait voir.
Ou regarder.

On ne disait pas non plus qu’il fallait « solutionner » les problèmes.
On disait: résoudre.

Par contre on était fous d’Amérique.
Les libérateurs!
Leur musique.
Leurs cigarettes.
Leur coca cola.
Leur cinéma.

Oui, c’est comme ça que ça a commencé.

Qu’on s’est tous mis à l’anglais.

I love you baby yeah yeah yeah 🙂

Merci à Bricabook pour la photo de la consigne 428 qui m’a permis ce clin d’œil à la jeunesse de mon père!

R comme rab

Au début des années 2000, Madame avait pris un abonnement au magazine Phosphore, histoire d’avoir des « documents authentiques » sur des sujets variés qui intéressent les jeunes de 16-18 ans.

En même temps, ça permettait d’illustrer à quel point la liste des mots argotiques et familiers à connaître n’était pas un travail superflu.

C’est ainsi qu’elle-même y découvrait chaque mois des mots « nouveaux » et parfois ils lui posaient problème.

– Les garçons ne refusent jamais du rab de dessert, disait une jeune fille.

Du rab?

Madame utilisait fréquemment le dictionnaire de Cobra le Cynique mais même lui ne mentionnait pas ce mot.
Le contexte, bien sûr, aidait à deviner que ça voulait dire quelque chose comme ‘un petit supplément’ mais à l’époque aucune source ne permettait de le vérifier et d’en être sûre.

Aujourd’hui le mot est sur wikisaitout et qui sait, peut-être même dans quelques dictionnaires 😉

C’est ce mot-là auquel elle a pensé tout de suite en voyant l’illustration proposée par Joe Krapov dans sa dernière consigne: avoir du rab, avoir du temps en plus, rajouter des jours au calendrier et fêter la Saint-Pif 🙂

V comme Vrouw

Une autre des chansons proposées par Joe Krapov est une chanson enfantine d’origine hollandaise.

Ce texte aujourd’hui nous interpelle plus que lorsque nous avions huit ans – quoique… mini-Adrienne était déjà un peu féministe à l’époque 😉 mais apparemment on le fait toujours chanter aux petits Hollandais.

Comment expliquer en peu de mots où ça coince?

D’abord, c’est une question de vocabulaire.
Pour désigner une femme, le mot en néerlandais est vrouw.
Ici on emploie le mot wijf, qui est un synonyme à connotation fortement péjorative.

Ensuite on fait rimer oude wijven avec kijven: les vieilles femmes, que font-elles? criailler, se disputer, faire des reproches…
Plus jamais, jure le charretier, je n’emmènerai des vieilles au marché!

Il décide de ne plus emmener que des jeunes filles: elles sont gaies et chantent 🙂

J comme J’aime!

Hier, on a eu un nouveau professeur de gymnastique.

— Je m’appelle Hector Duval, il nous a dit, et vous?

— Nous pas, a répondu Fabrice, et ça, ça nous a fait drôlement rigoler.

J’étais sur la plage avec tous les copains de l’hôtel, Blaise, Fructueux, Mamert, qu’il est bête celui-là! Irénée, Fabrice et Côme. Pour la leçon de gymnastique, il y avait des tas d’autres types ; mais ils sont de l’hôtel de la Mer et de l’hôtel de la Plage et nous, ceux du Beau-Rivage, on ne les aime pas.

Le professeur, quand on a fini de rigoler, il a plié ses bras et ça a fait deux gros tas de muscles.

— Vous aimeriez avoir des biceps comme ça? a demandé le professeur.

— Bof, a répondu Irénée.

— Moi, je ne trouve pas ça joli, a dit Fructueux, mais Côme a dit qu’après tout, oui, pourquoi pas, il aimerait bien avoir des trucs comme ça sur les bras pour épater les copains à l’école. Côme, il m’énerve, il veut toujours se montrer. Le professeur a dit:

— Eh bien, si vous êtes sages et vous suivez bien les cours de gymnastique, à la rentrée, vous aurez tous des muscles comme ça.

Alors, le professeur nous a demandé de nous mettre en rang et Côme m’a dit:

— Chiche que tu ne sais pas faire des galipettes comme moi. Et il a fait une galipette.

Moi, ça m’a fait rigoler, parce que je suis terrible pour les galipettes, et je lui ai montré.

— Moi aussi je sais ! Moi aussi je sais ! a dit Fabrice, mais lui, il ne savait pas. Celui qui les faisait bien, c’était Fructueux, beaucoup mieux que Blaise, en tout cas. On était tous là, à faire des galipettes partout, quand on a entendu des gros coups de sifflet à roulette.

— Ce n’est pas bientôt fini? a crié le professeur. Je vous ai demandé de vous mettre en rang, vous aurez toute la journée pour faire les clowns!

Sempé et Goscinny, Les vacances du petit Nicolas, Folio Junior n° 457, début du chapitre La gym, p. 37 à 39.

C’est grâce au Petit Nicolas que l’Adrienne a appris le mot « galipette », que Walrus propose cette semaine au Défi du samedi.

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source de l’image ici (interview de Sempé en mars 2019) – ce volume de la collection du Petit Nicolas peut aussi se lire en ligne ici et ici.
Mais vous n’aurez pas les merveilleux dessins de Sempé 🙂

N comme Nicole (et Hugo)

En 1971, c’est au tour de la Flandre d’envoyer sa participation à Eurosong: le duo Nicole et Hugo chante « Goeiemorgen morgen« , c’est-à-dire « Bonjour », le salut du matin.

Qu’ils n’ont finalement pas pu interpréter lors du concours, la chanteuse étant malade, mais qui est tout de même un vrai « tube » en Flandre.

Et voilà que ces dernières semaines on lit dans la presse que ce vieux tube de 1971 fait un gros succès en Ukraine, où il est repris sur tous les réseaux sociaux – voir la vidéo – on nous explique que c’est une forme de protestation joyeuse, la prononciation du mot néerlandais « goeie » ayant en ukrainien un sens… scabreux et injurieux 😉

Alors, comme l’explique la jeune ukrainienne dans la vidéo ci-dessus (0’47 ») quand le matin il n’y a pas d’électricité, pas de lumière, c’est un « goeie morgen« , un matin de m…

Le même message ci-dessous en français:

1971, c’est aussi l’année où Nicole et Hugo se sont mariés et le couple a continué de chanter jusqu’à la maladie de Nicole, qui est décédée en novembre dernier.

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Pour ceux qui comprennent le néerlandais, un chouette article sur la créativité lexicale des Ukrainiens.

T comme throwback

Hier matin c’était le moment de montrer sa dentition au professionnel qui s’en occupe depuis 1980 – oui, il a dépassé l’âge de la retraite mais il continue à soigner ses habitués – et allez savoir pour quelle raison l’Adrienne lui dit:

– Il va falloir que je consulte, je perds la mémoire.

Lui ça l’a fait rire.

– Je connais quelqu’un qui trouve ça très pratique, il oublie toutes les choses désagréables et ne se souvient que des bonnes!

Justement, en arrivant devant la porte du dentiste, l’Adrienne avait vécu le contraire: un « throwback » au moment exact où en se trouvant devant cette même porte, elle avait eu un appel de son cousin pour lui annoncer le décès de la Tantine.
Celle qui a juste quinze ans sur la photo ci-dessus.

Alors ce « throwback » d’hier remplace le billet qui était prévu pour aujourd’hui et qui aurait dû s’appeler « T comme truth decay« . La traduction du néerlandais « waarheidsverval« .

Un nouveau mot que l’Adrienne a appris lors d’une conférence donnée la semaine dernière par le directeur de l’institut Hannah Arendt, venu parler dans sa petite ville des problèmes de polarisation et de la mise en doute conséquente de ce qui est vrai, prouvé, étayé, mesuré, une tactique avérée de tous les partis extrémistes, semer le doute, polariser, faire perdre confiance dans les institutions…

Si vous comprenez le néerlandais, voici un article récent de sa main, sur la polarisation et « le grand remplacement ».

R comme réduflation

Voilà encore un nouveau mot découvert ce mois-ci dans le titre d’un article, « La « réduflation », la stratégie des marques pour duper les consommateurs » et dans le chapeau on explique qu’il s’agit de « Réduire la taille d’un emballage (et donc son contenu), mais continuer à le facturer au même prix: tel est le principe de la « réduflation ». »

Bref, rien de bien nouveau, on dupe le consommateur depuis l’invention de la société de consommation.

Et peut-être même avant 😉

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Photo prise le 3 mai dernier d’un monument dans un village grec – j’avoue que le rapport avec le texte est très faible, même s’il existe, en tout cas dans ma tête 😉
Sur ce côté de la stèle sont citées les guerres, à commencer par Troie, Marathon, Thermopyles, Salamine, Plataea, etc. jusqu’à Kresna, en 1913.
Je n’ai pas photographié les autres faces, celle-ci me suffisant comme beau mélange de mythologie et d’histoire 😉